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L’Obs d’été : observateur soit qui « mâle » y pense

22 août 2018

Temps de lecture : 8 minutes
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L’Obs d’été : observateur soit qui « mâle » y pense

Temps de lecture : 8 minutes

Le numéro de L’Obs daté du 2 au 8 août 2018 attire l’œil avec un sujet peu habituel en été : la situation du « mâle » contemporain. C’est moins cucul que d’habitude et assez intrigant pour que l’OJIM décide de jeter un œil. Alors, ce « mâle » ? L’Obs est-il revenu au réel ?

La répu­ta­tion de L’Obs n’est plus à faire. Pour­tant, l’hebdomadaire vieil­lis­sant, tant dans sa matière rédac­tion­nelle que dans son lec­torat, tente par­fois d’attirer l’œil de manière sur­prenante. C’était le cas début août 2018, avec une cou­ver­ture présen­tant un homme, par­don un « mâle », torse nu.

Et pas n’importe quel « mâle ». Un jeune homme (et non un vieux « de plus de cinquante ans »), à l’apparence d’évidence européenne (et non pas migrante ou issue des ban­lieues islamisées), claire­ment blanc et de souche (roux et non pas métis­sé), peut-être car­ré­ment celte, les yeux clairs et les cheveux courts, dans un décor de classe moyenne (et non pas pau­vre ou macronien), et dont le torse n’est pas caché. Le jeune homme ne présente aucun signe de sa sex­u­al­ité, nous ne savons donc pas s’il est homo­sex­uel (comme c’est sou­vent le cas pour les sujets traités par L’Obs – ce que mon­tr­era l’intérieur du dossier) ou hétéro­sex­uel (ce qui est plus rare car moins bien vu – ce que mon­tr­era aus­si l’intérieur du dossier).

Un homme blanc européen en Une ? Oups !

Bien sûr, de mau­vais esprits jugeront que :

  • utilis­er le mot « mâle » con­cer­nant un être humain est forte­ment provo­ca­teur, même si L’Obs n’a pas osé titr­er « Être une femelle après #MeToo », avec jeune femme blanche torse nu à l’appui, ce qui eut sans doute généré un mou­ve­ment d’enthousiasme fémin­iste et LGBT. Notons que les esprits cha­grins auraient tort de s’offusquer de ce qu’ils prendraient pour du mépris, après tout on ne naît pas mâle on le devient (chaque lecteur de l’hebdomadaire le sait), et il en va de même pour toutes les femelles de France, d’Afrique noire et du Maghreb.
  • la cou­ver­ture a été spé­ciale­ment conçue pour que ce numéro soit déposé et feuil­leté dans les salles d’attente des cab­i­nets médi­caux (et autres). Avec un goût artis­tique très art con­tem­po­rain, même si l’on ressent plutôt une atmo­sphère de ros­es fanées (comme le « mâle » après #MeToo ?).
  • bien que parais­sant vivre seul, ce « mâle » ne paraît pas si mal­heureux, accom­pa­g­né qu’il est d’un chien. Chien qui, peut-être, est une chi­enne – mot femelle qui au sujet de la fémini­tude est tout de même devenu un inter­dit – ce pour quoi, cer­taine­ment, L’Obs a préféré susurrer la présence chi­enne par une métaphore canine. Cet être canin sem­ble cepen­dant être un ani­mal véri­ta­ble – faudrait-il dire à son pro­pos une « per­son­ne », comme L’Obs dit « mâle » au sujet d’un être humain ?

Il y a de l’érection dans L’Obs

La ques­tion de la sit­u­a­tion du « mâle » con­tem­po­rain, mal­mené par #MeToo fait donc l’objet d’un gros arti­cle en page 14. Lequel s’ouvre à son tour par une pho­togra­phie, un peu dif­férente : trois « mâles » sur un ring, jeunes, plus look ban­lieue. Une pho­to claire­ment plus en cor­re­spon­dance avec la France de L’Obs : deux de ces « mâles » sur trois sem­blent issus de familles en prove­nance d’Afrique du Nord. Ils por­tent des gants de boxe. Peut-être, comme pour les ros­es fanées et l’animal de la cou­ver­ture, faut-il lire ici quelque chose ayant trait au sym­bole ? L’idée, par exem­ple, que depuis #MeToo les « mâles » auraient à se bat­tre avec des gants de boxe, pour exister.

L’accroche : « La mode fémin­iste post-Wein­stein a ébran­lé le mod­èle patri­ar­cal ». Que le patri­ar­cat soit ébran­lé est un mar­ronnier dans la presse libérale lib­er­taire. À force, on se demande com­ment le Pater tient encore debout. Par con­tre, il faut sup­pos­er ici que la rédac­tion de L’Obs était mas­sive­ment en vacances début août, sans quoi elle n’aurait jamais lais­sé pass­er les cinq pre­miers mots : dire que le fémin­isme est une « mode » et con­sid­ér­er dans le même élan que le Wein­stein (ser­i­al vio­leur sup­posé, dont le physique, autant que l’appendice, inspi­ra le doux « bal­ance ton porc ») est un mar­queur tem­porel indi­quant l’entrée dans une nou­velle ère, pour­rait cho­quer nom­bre de parisi­ennes. Heureuse­ment celles-ci sont en vacances et pour cer­taines en biki­ni ras des fess­es. En réal­ité, début août, L’Obs ne pro­duit pas un dossier pour rire. Il s’agit rien moins que de ceci : « c’est l’essence même de la viril­ité qui a été ques­tion­née », dans une « prise de con­science » pou­vant « à terme établir l’équilibre des gen­res ». La cou­ver­ture ne le dis­ait pas mais ce numéro de L’Obs est en réal­ité un hors-série philoso­phie d’été, sans doute pub­lié en vue des agré­ga­tions. On y par­le d’essentialisme (« essence »), de ver­tus héroïques homériques (« viril­ité »), de con­struc­tion d’un pro­jet socié­tal (« établir »), fondé en jus­tice (« équili­bre »). Un seul bémol dans cet ensem­ble : l’appel final mil­i­tant à la théorie du genre, laque­lle sem­ble pour l’heure ne con­cern­er que cer­tains lob­bies mais fort peu la science.

Malaise dans le mâle

En vrai, il y aurait un malaise du côté des hommes (qui pour­tant n’existent pas vrai­ment puisque l’homme, comme la femme, serait une con­struc­tion sociale : on ne naît pas homme, ni mâle, on le devient, voir supra). L’ensemble d’articles est donc d’autant plus intéres­sant pour évo­quer cet homme qui n’est pas un homme, bien qu’il le croie. Y com­pris au sein de la rédac­tion de L’Obs où, apprend-on, les « garçons » n’ont guère osé l’ouvrir (dans la salle de rédac­tion) durant la « mode » porcine Wein­stein. Une sug­ges­tion: peut-être n’ont-ils pas osé, de crainte de se retrou­ver jetés en pâture aux femelles, par­don aux femmes, par­don aux féministes.

Un malaise, donc. Lié à quoi ? La « mis­ère sex­uelle en occi­dent ». Là aus­si, le lecteur habitué de L’Obs est sur­pris par ce con­cept, « l’occident », lequel est usuelle­ment dans l’officine libérale lib­er­taire plutôt con­sid­éré comme une con­struc­tion de l’esprit, quelque peu d’extrême droite. Ceci dit : l’homme n’est plus qu’un mâle en plein malaise et c’est à cause du cul. Celui des filles en par­ti­c­uli­er. Le moins que l’on puisse dire est que ce numéro de L’Obs est appelé à faire jas­er, si jamais quelqu’un le lit. N’allons cepen­dant pas penser que l’hebdomadaire oublie ses fon­da­men­taux. Dans un « occi­dent » où des « mâles » musul­mans et islamistes, entrés depuis peu sur un ter­ri­toire qu’ils affir­ment vouloir con­quérir, mas­sacrent des inno­cents à la pelle, le mag­a­zine retient une autre vio­lence : « le 23 avril 2018, un jeune homme se récla­mant des incels (de l’anglais invol­un­tary celi­bates, céli­bataires involon­taires) tue dix per­son­nes à Toron­to par haine des femmes » (…) « un phénomène qui n’est pas sans lien avec la mon­tée des mou­ve­ments réac­tion­naires et pop­ulistes actuels ».

L’article con­sacré à cette vio­lence, qui serait la véri­ta­ble matrice de la vio­lence con­tem­po­raine, au-delà bien évidem­ment de l’Islam et de sa volon­té de con­quête, est précédé d’un autre arti­cle expli­quant com­ment édu­quer cor­recte­ment son éventuel enfant garçon. Entre autres « pistes »par exem­ple, « penser à dire tu es beau et tu es forte, et pas for­cé­ment l’inverse ». L’idée est d’apprendre aux adultes à prodiguer une édu­ca­tion « non sex­iste ». Éton­nant ? En effet, la volon­té de prodiguer une édu­ca­tion non sex­iste sup­pose qu’il y a des per­son­nes de sex­es dif­férents à édu­quer de façon dif­férente. Mais ce n’est pas le sujet, pour L’Obs, lequel ne croit guère à la biolo­gie mais beau­coup aux rap­ports de cul et plus à la Lutte des fess­es qu’à la Lutte des class­es. L’éducation, c’est impor­tant. La preuve ? Le dernier para­graphe de l’article édu­catif explique com­ment Philippe d’Orléans fut ini­tié à la sex­u­al­ité entre « mâles », devenant du (bon) coup « par son édu­ca­tion un homo­sex­uel flam­boy­ant, par­touzeur et lib­ertin, drag-queen avant l’heure… ».

L’Obs, l’été ne déroge pas à sa ligne libérale lib­er­taire : on en trou­vera sans doute des exem­plaires dans l’une ou l’autre semaine de la presse dans les écoles, sans compter les avions et divers­es salles d’attente (les sub­ven­tions, appuyées sur la dif­fu­sion payée ou gra­tu­ite, per­me­t­tant de s’appuyer molle­ment sur la ques­tion des ventes réelles). Tout un cha­cun pour­ra appren­dre qu’il peut devenir un homo comme les autres, tout en étant ou pas un « mâle » avec ou non femelle inté­grée, et de ce fait attein­dre à la lib­erté absolue, la par­touze. Un numéro de L’Obs à ce point réus­si qu’il pour­rait pass­er pour la feuille de choux d’un (petit) par­ti poli­tique mil­i­tant pour la « cause du genre ». Nonob­stant quelques âner­ies, comme le fait de con­clure un arti­cle par une référence au fait que « Louis XIV régna sans rival… », son con­cur­rent ayant été ini­tié à la lib­erté par l’arrière-train. Seules de très mau­vais­es langues ver­ront là une sail­lie con­clu­sive un tan­ti­net homophobe.

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