Comme le révèle Le Figaro après avoir eu accès à un SMS envoyé par Claude Perdriel, l’éviction d’Aude Lancelin de L’Obs revêt bien une dimension politique.
Jusqu’à présent, la direction de l’hebdomadaire mettait en avant des raisons managériales. Mais ce SMS de Claude Perdriel, actionnaire à 34 % du magazine qu’il a fondé, vient officialiser ce que tout le monde savait déjà. Le 14 mai à 18h26, il envoit à Lancelin : « Chère Aude. Vous avez toute ma sympathie mais la décision du dernier conseil (de surveillance, NDLR) est évidemment irrévocable. Votre talent est indiscutable. Vous êtes jeune, vous n’aurez pas de problème pour trouver du travail, nombreux sont ceux qui vous soutiennent. Moralement, c’est important. Je respecte vos opinions mais je pense qu’elles ont influencé votre travail. Cela n’empêche pas le talent. Amicalement. »
Lors de ce conseil de surveillance, qui s’était tenu trois jours auparavant, les actionnaires avaient estimé que les pages Débats, animées par Aude Lancelin, étaient en contradiction avec la ligne « sociale-démocrate » de l’hebdomadaire. Contacté par Le Figaro, Claude Perdriel a préféré expliquer ce qui était reproché à la numéro 2 du journal. « Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas une idée. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout! Cela la regarde mais ce n’est pas la ligne du journal », a‑t-il lancé.
En effet, au sein des pages Débats du magazine, Aude Lancelin donnait la parole au mouvement de protestation. Pour ne pas arranger son cas, elle est depuis un an et demi en couple avec Frédéric Lordon, économiste, sociologue, contributeur du Monde Diplomatique et… participant fréquent à Nuit Debout. « Avec Lordon, Aude a ajouté à sa dimension politique d’extrême gauche une pensée économique abrasive: l’économie telle que l’on nous l’enseigne est remise en question par les économistes dits atterrés. Ils remettent en cause les principes comme l’autorégulation des marchés. Donner une place à ces penseurs devient subversif », a commenté une journaliste de L’Obs. Pour elle, c’est évident, « on s’est séparé de Madame Lordon ».
Pour François Ruffin, rédacteur en chef de Fakir, auteur du documentaire « Merci Patron ! » et proche de Frédéric Lordon, il s’agit d’une « élimination politique, de l’ordre de l’assainissement ». Mais selon lui, l’Élysée n’a même pas eu besoin d’intervenir tant les actionnaires savent « très bien ce que l’on attend d’eux ». Un sentiment confirmé par un proche du Président de la République : « Hollande n’a même pas besoin de le demander. Cette presse critique le président mais c’est pour la forme. Au final, elle se rabattra sur lui et le soutiendra. »
De son côté, Frédéric Lordon a jugé que le fait que sa relation avec Aude Lancelin soit « l’une des raisons de cette violence institutionnelle qui lui est faite est très perturbante personnellement et politiquement ». « Nous sommes revenus à un principe de responsabilité par tiers interposé. Lui faire porter des faits et gestes dont je suis l’auteur est scandaleux », a‑t-il conclu. Enfin, l’Élysée a également communiqué sur l’affaire, assurant au Figaro que les informations parlant d’un limogeage politique sont « absolument fausses, absurdes et diffamatoires ».
En réalité, les raisons de cette éviction pourraient être à la fois politique et « managériales ». Dans les couloirs de l’hebdomadaire, on évoque en effet le côté « insupportable » d’Aude Lancelin. D’après un journaliste, celle-ci avait « du mal à communiquer avec les autres » et « n’a pas démontré ses capacités à animer une rédaction ».