Le cabinet Secafi vient de réaliser un audit de L’Obs et le moins qu’on puisse dire, c’est que le journal de la gauche caviar ne se porte pas bien. En moins de quatre ans, depuis janvier 2014 et l’arrivée du trio Bergé-Niel-Pigasse – il a beaucoup perdu, tant en résultats qu’en lecteurs, et une nouvelle cure d’amaigrissement est encore prévue l’an prochain. Sans qu’elle puisse garantir la rémission.
Selon l’audit, résumé dans un entrefilet du Canard Enchaîné (24.01), le chiffre d’affaire est en effet tombé de 80,4 à 57,5 millions d’euros en quatre ans (-28%), la vente au numéro a chuté d’un tiers, les recettes pub de 38% et le chiffre d’affaires issu des abonnements d’un quart – cela dit, c’est le problème de nombreux magazines et journaux qui, pour maintenir leur base de lecteurs, en sont réduits à proposer des abonnements à prix cassé par rapport au prix de la vente en kiosque, jusqu’à 80% de réduction. Jusque et y compris les sites de vente en ligne (Brandalley, Cdiscount…), ce qui n’encourage évidemment pas les lecteurs à acheter en kiosque…
La mauvaise santé de L’Obs se confirme dans les chiffres de la diffusion France payée, en recul de 5% sur 2016–2017 (4,92%) et de 29,4% depuis 2013. Pis encore, en 2006 L’Obs s’écoulait à 550 000 exemplaires par semaine, loin devant Le Point qui le rattrape désormais. Bref, L’Obs perd de l’influence, des lecteurs, et surtout de l’argent, malgré les subventions d’Etat (390 418 € en 2015). Les pertes atteignent ainsi 2,5 millions d’€ en 2015, 3 millions d’€ en 2016. Le licenciement politique d’Aude Lancelin, outre un effet désastreux sur la communication, n’a rien arrangé – L’Obs a en effet été condamné à lui payer 90 000€. Les plans sociaux n’ont pas suffi : après une première charrette en 2014 (37 départs) et une seconde en 2016 (43 licenciements), une nouvelle serait « dans les tuyaux pour l’an prochain », avance l’hebdomadaire satirique.
Le seul gagnant de l’opération est Claude Perdriel, sorti totalement du capital de L’Obs fin 2016, il est vrai après y avoir investi à perte des millions d’euros. Si l’audience numérique est au beau fixe – 2,14 millions de personnes sur tous supports, 95 000 lecteurs de plus par rapport à la vague précédente, en accord avec la tendance qui veut que « les journaux soient de moins en moins achetés, mais de plus en plus lus » – et que Matthieu Croissandeau estime pour Puremedias (avril 2017) que « “L’Obs” est en dynamique positive », le magazine ne roule pourtant pas sur l’or.
Et L’Obs a du faire face à des accusations particulièrement fortes de proximité avec Emmanuel Macron pendant la campagne, ce qui lui a aliéné une partie de ses lecteurs situés plus à gauche ou plus à droite. Outre l’affaire Aude Lancelin, la Une de Macron sous les barbelés a été descendu par son propre fondateur, tandis que Jean-Luc Mélenchon s’en est pris à plusieurs reprises à L’Obs.
Croissandeau affirmait aussi « aujourd’hui, “L’Obs” a adapté son modèle économique du point de vue de la masse salariale, mais on a aussi adapté notre modèle économique sur tous les autres coûts. Cela devrait nous permettre de revenir à l’équilibre cette année, parce que nos budgets prévoient de revenir à l’équilibre ». L’audit donne la preuve que non, puisque le journal continue à perdre de l’argent et à moins se vendre. Le magazine prépare d’ailleurs une nouvelle fusion pour économiser encore un peu : le titre Le Plus disparaîtra au profit de Rue89. Il s’agit plus d’une fusion de canards boiteux de la bobosphère que d’un nouvel acteur puissant : les deux titres ne comptent plus que 4 journalistes chacun, qui travaillent dans le même open space. Nolwenn Le Blevennec devrait diriger l’ensemble.
Il se trouve en effet que les actionnaires – Niel, Pigasse et Bergé décédé depuis – ont injecté 16,5 millions d’€ dans L’Obs depuis quatre ans et ne sont apparemment guère disposés à en rajouter. Si la presse est pour certains patrons une sorte de « danseuse » qui justifiait l’investissement par l’influence qu’on pouvait en tirer, elle s’avère fort chère pour des résultats finalement assez ténus et beaucoup d’embêtements. Bref, le journal de la gauche caviar devra passer aux chips et au pétillant premier prix.