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L’Observatoire des Médias sur l’Écologie : vive l’éco-anxiété !

21 novembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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L’Observatoire des Médias sur l’Écologie : vive l’éco-anxiété !

Temps de lecture : 6 minutes

Le 7 novembre 2024 a été lancé en grande pompe l’Observatoire des médias sur l’écologie. Son objectif : fournir aux citoyens des données chiffrées la couverture médiatique accordée à l’ensemble des thème écologiques.

Ce que mesure l’Observatoire des Médias sur l’Écologie

Selon le CESE, en 2023, « huit Français sur dix expri­ment un sen­ti­ment fort d’anxiété face au dérè­gle­ment cli­ma­tique ». Pour­tant, cer­tains mil­i­tants écol­o­gistes esti­ment que les médias devraient aug­menter leur cou­ver­ture sur le sujet. Ils ont donc créé l’Observatoire des Médias sur l’Écologie (OME) qui pro­pose « des don­nées chiffrées sur le traite­ment médi­a­tique des enjeux envi­ron­nemen­taux dans les pro­grammes d’information. » Selon eux, le « temps d’antenne con­sacré aux enjeux envi­ron­nemen­taux » est de 3,7% en 2024, soit une baisse de 30% par rap­port à 2023. Le lance­ment de cet Obser­va­toire répond à la « Charte pour un jour­nal­isme à la hau­teur de l’urgence écologique ». Cette charte avait été signée en sep­tem­bre 2022 par une cen­taine de rédac­tions et 1 800 jour­nal­istes. En jan­vi­er 2024, 200 per­son­nes s’étaient réu­nies pour faire le bilan de la sit­u­a­tion depuis cette charte. Si, pour le moment, l’OME ne mesure que les sujets des médias audio­vi­suels, il prévoit de s’attaquer à la presse écrite en 2025.

Un consortium polarisé

Au sein de ce nou­v­el obser­va­toire, on trou­ve plusieurs organ­i­sa­tions. Data for Good, Eleven strat­e­gy, Exper­tis­es Cli­mat, Medi­a­tree, Pour plus de cli­mat dans les médias et enfin Quo­ta­Cli­mat. L’Ademe et l’Arcom sou­ti­en­nent égale­ment ce con­sor­tium. A la soirée de lance­ment, on trou­vait ain­si Valérie Mar­tin, tête du ser­vice mobil­i­sa­tion citoyenne et médias de l’Ademe (un nom de poste élo­quent). Elle y rap­pelait que les médias avaient une « respon­s­abil­ité » et le « devoir d’informer avec justesse sur les enjeux écologiques ». L’objectif ? « Façon­ner les atti­tudes, les com­porte­ments et les poli­tiques […] en faveur de la tran­si­tion écologique en la ren­dant désir­able. » Le mot pro­pa­gande est peut-être un peu fort, nous ne l’utiliserons pas. On peut égale­ment s’intéresser au cas de Quo­ta­Cli­mat. Sur sa page d’accueil, l’organisation déplore la « part de cli­matoscep­ti­cisme » dans les pays de l’OCDE. Elle est éval­uée à 13 à 43%, ce qui est une fourchette pour le moins large. « Le débat pub­lic autour de l’écologie se polarise. Les médias peu­vent y remédi­er », lit-on. Autrement dit, on souhaite que tous les Français, et même tous les habi­tants de l’OCDE, soient unis pour la cause cli­ma­tique. Plus aucun débat n’est permis.

Du droit de remettre en cause le réchauffement climatique anthropique

Rap­pelons qu’il est rare que quiconque donne une infor­ma­tion sim­ple­ment pour informer. En général, il s’agit de pouss­er à l’action. Les pub­lic­i­taires le savent, les jour­nal­istes aus­si. Les don­nées chiffrées ser­vent donc à engager les médias à par­ler d’une chose plutôt que d’une autre, afin de servir l’écologie. C’est là que le bât blesse. Les médias ont une ligne édi­to­ri­ale, c’est évi­dent, et il est rare que cette ligne ne serve pas un objec­tif poli­tique. Tant que les infor­ma­tions sont dis­pen­sées hon­nête­ment, ce n’est pas néces­saire­ment un prob­lème. Tout le monde sait que France Inter est de gauche et que CNews est de droite, et le plus choquant est surtout que le pre­mier soit dans le ser­vice pub­lic. Si les médias ont le droit d’avoir leur pro­pre ligne édi­to­ri­ale, pourquoi les oblig­er à ren­dre désir­able la tran­si­tion écologique ?

Les écologistes ne font pas de lobbying ?

Comme sou­vent, l’Observatoire des Médias sur l’Écologie pointe la paille dans l’œil des médias privés (dis­ons médias de droite) en oubliant la poutre dans celui des médias de gauche. Ain­si, David Colon, his­to­rien, pointait lors de la soirée de lance­ment « une stratégie délibérée des indus­tries pol­lu­antes ». Ces indus­tries, grâce à leurs pro­prié­taires, auraient l’oreille des médias privés, qui invi­tent donc des cli­ma­to-scep­tiques. Leurs dis­cours décrédi­bilisent la cause écologique et les indus­tries pol­lu­antes peu­vent con­tin­uer leurs méfaits. Admet­tons cette hypothèse de tra­vail. Il y aurait autant à dire sur les entre­pris­es d’éoliennes ou de voitures élec­triques qui ont tout intérêt à ce que le Français soit éco­lo. Et ces entre­pris­es ont, elles, l’oreille des médias de gauche. Cepen­dant, il n’y a ici pas de con­flit d’intérêt puisque l’on fait le bien. D’ailleurs, les mil­i­tants et indus­triels qui viendraient appel­er à plus d’efforts en faveur du cli­mat ont la béné­dic­tion du GIEC. Sans soutenir directe­ment l’Observatoire, il sig­nalait dans son six­ième rap­port le « rôle cru­cial » des médias dans la per­cep­tion du change­ment cli­ma­tique et « sa com­préhen­sion et sa volon­té d’agir ».

Propagande et incitation

L’Observatoire des Médias sur l’Écologie souhaite donc que ce sujet soit traité sous un seul angle, le bon. Autrement, il accusera les con­trevenants de fake news. David Colon traite ain­si les médias de droite de « dés­in­for­ma­teurs » parce qu’ils remet­tent en ques­tion un con­sen­sus sci­en­tifique. Il faut ici rap­pel­er deux choses. D’abord, la sci­ence est pré­cisé­ment ce qui n’admet pas de con­sen­sus, mais une con­stante remise en ques­tion. Ensuite, si le réchauf­fe­ment cli­ma­tique anthropique fait con­sen­sus, c’est surtout parce que tout ceux qui le remet­tent en cause sont immé­di­ate­ment muselés. Une fois que l’on a établi qu’il n’est pos­si­ble de par­ler d’écologie que pour la soutenir, on peut men­er divers­es pres­sions. Quo­ta­Cli­mat se vante ain­si de son « tra­vail d’influence auprès des pou­voirs publics et décideurs poli­tiques ». Il s’agit d’un tra­vail de lob­by­ing, et ce n’est pas néces­saire­ment négatif. Mais on ne voit pas pourquoi l’opinion adverse n’aurait pas le droit d’en user.

Le traitement des médias, un cercle vicieux

Sur le sujet écologique, l’usage des médias est par­ti­c­ulière­ment retors. Les asso­ci­a­tions appel­lent à un meilleur traite­ment de ce thème et fusti­gent les cli­matoscep­tiques. Les Français s’inquiètent donc de cette sit­u­a­tion que les médias ont dû leur présen­ter sous un jour par­ti­c­uli­er. Les écol­o­gistes, y com­pris le CESE, pointent alors cette éco-anx­iété et en déduisent que les pou­voirs publics doivent agir. Ain­si, après avoir expliqué que huit Français sur dix sont atteints d’éco-anxiété, le CESE ajoute « alors que près de 90% des Français et des Français­es se dis­ent prêts à agir, leur capac­ité d’engagement réel dans la tran­si­tion est freinée par le manque de moyens financiers pour 37% d’entre eux. » La con­clu­sion de cette sit­u­a­tion est évi­dente. « Pour le CESE, tout le monde doit s’engager. Par­mi les pistes d’actions à ren­forcer, le rôle des entre­pris­es. » Il ne reste plus qu’à louer « l’introduction de nou­velles normes d’information extra-finan­cières ». Le CESE pré­cise que ces dernières per­me­t­tent « de mieux pren­dre en compte la dou­ble matéri­al­ité de l’impact de leurs activ­ités sur la planète et des con­traintes que le change­ment cli­ma­tique fait peser sur leurs activ­ités voire leur rai­son d’être. » L’enchaînement est machi­avélique. Les normes ennuient les entre­pris­es. Cela leur per­met de com­pren­dre que les activ­ités pol­lu­antes sont délétères pour leurs affaires. Comme si on vidait une poivrière sur un steak pour démon­tr­er que le régime carné est mauvais.

L’Observatoire des Médias sur l’Écologie est donc un énième organe à visée pseu­do écol­o­giste qui empêchera les médias de tenir leur ligne édi­to­ri­ale et d’informer leurs audi­teurs ou lecteurs. Il reste à espér­er qu’il ne sera pas, notam­ment via l’Arcom et l’Ademe, financé par l’État.

Voir aus­si : Écolo­gie, les croisades con­traires des médias de grand chemin

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