C’est un des plus grands scandales touchant les prétendus « grands » médias mondiaux et cependant ces mêmes médias de grand chemin se taisent : l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), le plus gros réseau de médias d’investigation à l’échelle planétaire a caché ses liens avec le gouvernement américain, en particulier celui de Joe Biden.
Dans la main des États-Unis
Pire, ce réseau est littéralement dans la main des États-Unis. Le problème étant qu’il est la source d’une partie de ce que les principaux médias mondiaux considèrent comme étant les informations qui comptent ou non. Et qu’il n’engage pas d’investigation sur tous les fronts, se concentrant plutôt sur la Russie ou le Vénézuela. Les États-Unis fournissent la moitié du budget de l’OCCRP, ont un droit de véto sur la nomination de ses dirigeants et financent des enquêtes ciblées. Autre problème : depuis la révélation de ce scandale par Médiapart le 2 décembre 2024, aucun des prétendus « grands » médias français n’en a fait mention, à l’exception de France Culture (4 petites minutes le 7 décembre 2024, émission Récits d’enquête) et du Journal Du Dimanche.
L’OCCRP ? Une parole médiatique mondiale
Avec 20 millions d’euros de budget annuel et 200 salariés sur tous les continents, cette pseudo ONG a mené les principales enquêtes journalistiques internationales de ces dernières années, principalement fondées sur des fuites massives de données : Panama Papers, Pandora Papers, Suisse Secrets, Narco Files, Pegasus Project, Cyprus Confidential, et la série des Laundromat (détournements de fonds des dirigeants de la Russie et de l’Azerbaïdjan). Sa spécialité : mettre en oeuvre la collaboration de médias du monde entier.
Du Gurdian au NYT et au Spiegel
C’est ainsi que tout lecteur du Monde par exemple bénéficie régulièrement d’enquêtes « produites par un consortium de médias issus de plusieurs pays » et le quotidien dit de référence de citer les médias concernés. Le New York Times en fait généralement partie. Mais pas seulement. L’OCCRP réunit 70 médias membres dont, par exemple, le Washington Post, le Guardian ou Der Spiegel… lesquels sont toujours cités par Le Monde lorsqu’il révèle les enquêtes. Autrement dit, l’OCCRP produit une parole unique et dispose d’une force de frappe sans équivalent, diffusée partout dans le monde et au même moment. Que la vision du monde portée par ces médias soit libérale libertaire ne surprendra pas. Par contre, le financement qui permet l’expression de cette vision du monde tient du scandale.
Une dépendance financière cachée
L’OCCRP n’existerait pas sans le Ministère des Affaires Etrangères des États-Unis, principal financier lors de sa création en 2008, et ne continuerait pas à exister si son budget n’était pas constitué pour plus de 50 % par l’argent des États-Unis. Aucun des « grands » médias mondiaux, pas plus que Le Monde en France, ne signale jamais ce financement au moment de la publication des enquêtes. C’est un véritable biais, pour le moins.
Selon Médiapart, « Depuis sa création, l’OCCRP a reçu au moins 47 millions de dollars du gouvernement des États-Unis, auxquels s’ajoutent 1,1 million de l’Union européenne et 14 millions versés par six pays européens, dont le Royaume-Uni (7 millions), la Suède (4 millions), le Danemark, la Suisse, la Slovaquie et la France (le Quai d’Orsay a donné 100 000 dollars l’an dernier). ».
Les contreparties
L’argent des États-Unis domine donc. Ce n’est ni innocent ni sans contreparties. Les dirigeants de l’OCCRP sont contrôlés par les États-Unis puisque ce pays possède un droit de véto les concernant. De plus, selon Médiapart, l’ONG a interdiction d’enquêter sur les États-Unis, du moins avec l’argent américain.
Ainsi, les principaux quotidiens et magazines dits de référence en Europe, comme Le Monde en France, publient allègrement les enquêtes de l’OCCRP financées par le gouvernement des États-Unis, diffusant ainsi la vision du monde américaine. La propagande est donc à l’ordre du jour sous couvert de déontologie journalistique et d’investigation libre (Le Monde, par exemple, indique toujours, quand il publie l’une de ces enquêtes, qu’elle a été menée par un ensemble de « médias indépendants »).
Le Monde très silencieux…
Ces informations au sujet de la dépendance américaine de l’OCCRP auraient mérité que Le Monde en parle. Pas un mot. Silence radio. Sans doute n’est-il pas agréable d’être pris la main dans le pot de miel du soft power des États-Unis. Il est vrai que d’après les dirigeants de l’OCCRP, le financement par les États-Unis… « ne poserait pas de problème ». Pourtant, l’OCCRP mène aussi des actions de lobbying et de conseil auprès des gouvernements européens sur la meilleure manière de lutter contre le contournement des sanctions prises à l’encontre de la Russie. Voilà qui est fort peu déontologique et finalement très éloigné du journalisme.
France Culture évoquait le 7 décembre une « véritable tempête dans les milieux de l’investigation ». Il semble que la tempête n’ait pas été assez forte pour informer les citoyens. La radio indique cependant que « des journalistes intègres deviennent sans le savoir des acteurs de la géopolitique mondiale ». Sans le savoir, vraiment ?
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