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L’OCCRP : la plus grande officine d’investigation journalistique mondiale sous domination américaine

22 décembre 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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L’OCCRP : la plus grande officine d’investigation journalistique mondiale sous domination américaine

Temps de lecture : 5 minutes

C’est un des plus grands scan­dales touchant les pré­ten­dus « grands » médias mon­di­aux et cepen­dant ces mêmes médias de grand chemin se taisent : l’Organized Crime and Cor­rup­tion Report­ing Project (OCCRP), le plus gros réseau de médias d’investigation à l’échelle plané­taire a caché ses liens avec le gou­verne­ment améri­cain, en par­ti­c­uli­er celui de Joe Biden.

Dans la main des États-Unis

Pire, ce réseau est lit­térale­ment dans la main des États-Unis. Le prob­lème étant qu’il est la source d’une par­tie de ce que les prin­ci­paux médias mon­di­aux con­sid­èrent comme étant les infor­ma­tions qui comptent ou non. Et qu’il n’engage pas d’investigation sur tous les fronts, se con­cen­trant plutôt sur la Russie ou le Vénézuela. Les États-Unis four­nissent la moitié du bud­get de l’OCCRP, ont un droit de véto sur la nom­i­na­tion de ses dirigeants et finan­cent des enquêtes ciblées. Autre prob­lème : depuis la révéla­tion de ce scan­dale par Médi­a­part le 2 décem­bre 2024, aucun des pré­ten­dus « grands » médias français n’en a fait men­tion, à l’exception de France Cul­ture (4 petites min­utes le 7 décem­bre 2024, émis­sion Réc­its d’enquête) et du Jour­nal Du Dimanche.

L’OCCRP ? Une parole médiatique mondiale

Avec 20 mil­lions d’euros de bud­get annuel et 200 salariés sur tous les con­ti­nents, cette pseu­do ONG a mené les prin­ci­pales enquêtes jour­nal­is­tiques inter­na­tionales de ces dernières années, prin­ci­pale­ment fondées sur des fuites mas­sives de don­nées : Pana­ma Papers, Pan­do­ra Papers, Suisse Secrets, Nar­co Files, Pega­sus Project, Cyprus Con­fi­den­tial, et la série des Laun­dro­mat (détourne­ments de fonds des dirigeants de la Russie et de l’Azerbaïdjan). Sa spé­cial­ité : met­tre en oeu­vre la col­lab­o­ra­tion de médias du monde entier.

Du Gurdian au NYT et au Spiegel

C’est ain­si que tout lecteur du Monde par exem­ple béné­fi­cie régulière­ment d’enquêtes « pro­duites par un con­sor­tium de médias issus de plusieurs pays » et le quo­ti­di­en dit de référence de citer les médias con­cernés. Le New York Times en fait générale­ment par­tie. Mais pas seule­ment. L’OCCRP réu­nit 70 médias mem­bres dont, par exem­ple, le Wash­ing­ton Post, le Guardian ou Der Spiegel… lesquels sont tou­jours cités par Le Monde lorsqu’il révèle les enquêtes. Autrement dit, l’OCCRP pro­duit une parole unique et dis­pose d’une force de frappe sans équiv­a­lent, dif­fusée partout dans le monde et au même moment. Que la vision du monde portée par ces médias soit libérale lib­er­taire ne sur­pren­dra pas. Par con­tre, le finance­ment qui per­met l’expression de cette vision du monde tient du scandale.

Une dépendance financière cachée

L’OCCRP n’existerait pas sans le Min­istère des Affaires Etrangères des États-Unis, prin­ci­pal financier lors de sa créa­tion en 2008, et ne con­tin­uerait pas à exis­ter si son bud­get n’était pas con­sti­tué pour plus de 50 % par l’argent des États-Unis. Aucun des « grands » médias mon­di­aux, pas plus que Le Monde en France, ne sig­nale jamais ce finance­ment au moment de la pub­li­ca­tion des enquêtes. C’est un véri­ta­ble biais, pour le moins.

Selon Médi­a­part, « Depuis sa créa­tion, lOCCRP a reçu au moins 47 mil­lions de dol­lars du gou­verne­ment des États-Unis, aux­quels sajoutent 1,1 mil­lion de lUnion européenne et 14 mil­lions ver­sés par six pays européens, dont le Roy­aume-Uni (7 mil­lions), la Suède (4 mil­lions), le Dane­mark, la Suisse, la Slo­vaquie et la France (le Quai dOrsay a don­né 100 000 dol­lars lan dernier). ».

Les contreparties

L’argent des États-Unis domine donc. Ce n’est ni inno­cent ni sans con­trepar­ties. Les dirigeants de l’OCCRP sont con­trôlés par les États-Unis puisque ce pays pos­sède un droit de véto les con­cer­nant. De plus, selon Médi­a­part, l’ONG a inter­dic­tion d’enquêter sur les États-Unis, du moins avec l’argent américain.

Ain­si, les prin­ci­paux quo­ti­di­ens et mag­a­zines dits de référence en Europe, comme Le Monde en France, pub­lient allè­gre­ment les enquêtes de l’OCCRP financées par le gou­verne­ment des États-Unis, dif­fu­sant ain­si la vision du monde améri­caine. La pro­pa­gande est donc à l’ordre du jour sous cou­vert de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique et d’investigation libre (Le Monde, par exem­ple, indique tou­jours, quand il pub­lie l’une de ces enquêtes, qu’elle a été menée par un ensem­ble de « médias indépen­dants »).

Le Monde très silencieux…

Ces infor­ma­tions au sujet de la dépen­dance améri­caine de l’OCCRP auraient mérité que Le Monde en par­le. Pas un mot. Silence radio. Sans doute n’est-il pas agréable d’être pris la main dans le pot de miel du soft pow­er des États-Unis. Il est vrai que d’après les dirigeants de l’OCCRP, le finance­ment par les États-Unis… « ne poserait pas de prob­lème ». Pour­tant, l’OCCRP mène aus­si des actions de lob­by­ing et de con­seil auprès des gou­verne­ments européens sur la meilleure manière de lut­ter con­tre le con­tourne­ment des sanc­tions pris­es à l’encontre de la Russie. Voilà qui est fort peu déon­tologique et finale­ment très éloigné du journalisme.

France Cul­ture évo­quait le 7 décem­bre une « véri­ta­ble tem­pête dans les milieux de l’investigation ». Il sem­ble que la tem­pête n’ait pas été assez forte pour informer les citoyens. La radio indique cepen­dant que « des jour­nal­istes intè­gres devi­en­nent sans le savoir des acteurs de la géopoli­tique mon­di­ale ». Sans le savoir, vraiment ?

VOIR AUSSI https://www.ojim.fr/operation-mockingbird-quand-la-cia-controlait-les-medias/

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