Nicolas Beytout, le PDG du quotidien libéral, est vent debout contre le refus des pouvoirs publics de lui verser certaines aides à la presse. Il est même prêt à saisir les instances européennes pour que justice lui soit rendu. Pas sûr pourtant qu’il gagne.
Contrairement à Libération, La Croix, L’Humanité et même Présent, L’Opinion s’est vue opposée une fin de non-recevoir concernant l’aide aux journaux à faibles ressources publicitaires. Plus d’une dizaine de millions d’euros sont ainsi versés chaque année à ces titres, à condition que leurs recettes de publicité ne dépassent pas 25% du chiffre d’affaires total. Dans le cadre de ce calcul, le ministère de la Culture exclut les ventes en nombre, que ce soit auprès des hôtels ou des compagnies aériennes. Une façon de privilégier le “vraie” diffusion, celle payée en kiosque ou par abonnement. Du coup, L’Opinion, dont la moitié de la diffusion serait effectuée par ces réseaux parallèles, se trouve largement au-dessus du pallier de 25%. Le titre, qui, de surcroît ne certifie pas sa diffusion depuis sa création en 2013, a beau fustiger “un usage politique de ses chiffres de ventes”, il se retrouve pris à son propre piège de ces pratiques destinées à gonfler les ventes artificiellement.
L’Opinion espérait aussi toucher l’aide au portage. Là encore, il a fait pschitt. Conçue par les pouvoirs publics comme un accélérateur pour les quotidiens soucieux de passer de l’abonnement postal ‑trop tardif- à l’abonnement porté — bien plus efficace -, la subvention est calculée sur les trois derniers exercices. Trop jeune, L’Opinion en est exclue jusqu’à présent. Nicolas Beytout critique dans le cas précis une distorsion de concurrence. A preuve, selon lui, les nouveaux entrants ne pourraient profiter du joli gâteau dispensé par l’État : au total plus de 20 millions d’euros. Au global, concernant les deux types d’aides, le PDG de L’Opinion estime le manque à “gagner” à 1,5 million d’euros pour son titre qui vise l’équilibre en 2017.
S’il a raison de déplorer les lenteurs de l’administration qui a mis des mois à répondre à ses demandes, les requêtes de Beytout font sourire un haut fonctionnaire du ministère de la Culture. Sous couvert d’anonymat, ce dernier assure que depuis trois ans, le nombre d’abonnements portés a baissé à L’Opinion. Quant aux faibles recettes publicitaires, les pleines pages issues des majors du luxe et de la banque rapporteraient bien plus, selon lui, que des ventes qui n’excéderaient pas 3000 exemplaires en kiosques et 10 000 par abonnement.