Rediffusion estivale 2020. Première diffusion le 17 février 2020
Au lendemain du débat entre Éric Zemmour et Marlène Schiappa, dans l’émission Face à l’info de CNews, le quotidien libéral L’Opinion, tout en souhaitant en parler, ne juge pas utile de proposer un véritable article à ses lecteurs. Décryptage.
Le débat du lundi 10 février 2020 dans l’émission phare de CNews, « Face à l’info », entre Zemmour et Schiappa, sur le thème des discriminations, contre lesquelles la secrétaire d’État est censée lutter mais auxquelles Zemmour ne croit guère, avait tout pour attirer les téléspectateurs. Ce fut d’ailleurs le cas : l’événement médiatique a battu le record d’audience de CNews, avec plus de 390 000 téléspectateurs (1,9 % des parts d’audience). 75 000 personnes de plus que lors du précédent record.
Éric Zemmour est un phénomène, c’est une évidence et la grande peur des médias convenus quand il a pris en charge une émission sur CNews a révélé combien ces derniers aiment peu la contradiction intellectuelle. Ce qui n’est pas le cas de Marlène Schiappa, venue discuter de façon courtoise.
Grand remplacement ?
Schiappa ne croit pas à cette « théorie », considère qu’elle est dangereuse, confondant même les écrits de Renaud Camus, lequel a porté plainte contre elle pour diffamation, avec une brochure confuse de quelques pages que portait sur lui le tueur de Christchurch en Nouvelle Zélande. Des amalgames habituels en milieu libéral-libertaire. Reste que Zemmour l’affirme : « Je peux aller dans n’importe quelle banlieue française, vous verrez si le grand remplacement n’existe pas ». La France entière le voit, excepté les aveugles et ceux qui ne veulent surtout pas voir.
Recyclage d’article
Devant le danger de la propagation de la « théorie » (lire réalité) du Grand Remplacement, L’Opinion, quotidien libéral, mondialiste, entièrement en désaccord avec toute notion de frontières, décide de réagir vite, autrement dit à la vitesse des réseaux sociaux, en diffusant par ce biais un article intitulé « Grand remplacement, itinéraire d’une intox ».
L’article n’est pas de toute première fraîcheur pour un quotidien…. il date du 4 octobre 2019. Le recyclage est donc à l’ordre du jour. De quoi parle l’article ? De ces moments où Zemmour a été mis à la porte de RTL, suite à une enquête judiciaire déclenchée par son discours à la convention de la droite, et où quatre policiers de la préfecture de police de Paris étaient assassinés par l’un de leur collègue islamiste. La formulation de L’Opinion est intéressante à ce propos : « Le meurtre, jeudi de quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris par un de leurs collègues, converti à l’islam selon l’AFP, a rapidement enflammé l’extrême-droite sur les réseaux sociaux ». On pouvait attendre une accroche sur le meurtre terroriste et ses quatre victimes plutôt que d’insister sur les méchants réseaux sociaux.
Plus loin : « Le samedi 28 septembre, la convention autour de Zemmour et Marion Maréchal fait un carton médiatique. Et projette une extrême-droite décomplexée contre un supposé « grande remplacement », jusqu’à faire réagir le premier ministre et un ancien président de la république ». Il ne faut que peu de lignes pour que le Grand remplacement, qualifié de « mythe », soit rapporté au 19e siècle et à Maurice Barrès qui aurait parlé de Grand remplacement « par la figure du juif décrit comme l’étranger ». Outre l’anachronisme historique, l’amalgame montre tout simplement que Barrès n’a pas été lu, l’expression n’apparait pas dans son œuvre.
Un rapport de l’ONU lu à l’envers
Vient ensuite un rapport fameux de l’ONU, que le journaliste semble ne pas avoir lu non plus, au sujet des « migrations de remplacement » (c’est son titre). Le rapport établi en 2007 proposait de lutter contre le déclin démographique de l’Europe en fixant des quotas de migrants par pays. Pour L’Opinion, l’ONU concluait à un « scénario irréaliste ». Pure intox, volontaire ou involontaire. L’ONU ne conclut pas cela, son rapport est une proposition à étudier et à envisager (son contenu peut même expliquer la réaction des pays de l’UE devant la vague migratoire de 2014–2015) : a‑t-il seulement été lu au sein de la rédaction du quotidien ?
Suivent les noms qui effraient : Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et Marion Maréchal.
Et diverses études ou sondages, et déclarations de membres du gouvernement, montrant que de Grand remplacement il n’y pas, ce qui n’empêche pas le journal de conclure ainsi, par une citation de Mathieu Gallard, au sujet de l’indice de tolérance de l’IPSOS : « Mais sur le long terme, le principal facteur (parmi d’autres) est le changement structurel de la population française. A mesure que des générations ayant grandi dans un autre contexte apparaissent, le niveau d’éducation s’élève, la tolérance augmente ». Les caractères mis en gras sont de notre rédaction.
Doit-on comprendre que « l’autre contexte », petit frère du « changement structurel » est le Grand remplacement ? Le dernier mot revient au journaliste qui nuance gentiment : « Une autre forme de remplacement, en somme ». Un remplacement intelligent dirons-nous, un remplacement gentil, positif, cool, parfait, irréversible. Une étude sérieuse indique que le niveau des migrants d’Afrique est loin d’être un apport : un écho ici. Mais cela, chacun le sait ou le pressent s’il ne se met pas des oeillères. Ne parlons pas des chiffres de la délinquance par catégorie ethnique – interdits — qui devraient être fournis à la société.
Est-il surprenant de voir le quotidien libéral de Bernard Arnault ressortir un article vieux de quatre mois et le diffuser en masse pour contrecarrer un débat ayant eu lieu la vieille ? Un article non journalistique, rempli d’erreurs, de contre-sens dont il est difficile de savoir s’ils sont volontaires ou dus à la simple paresse d’esprit. Par pudeur nous ne donnerons pas le nom du signataire de l’article.