LVMH ne fait pas seulement prendre ses marques au Parisien en disposant d’un outil pratique pour attirer les investisseurs, au mépris parfois de la déontologie la plus élémentaire. Selon Le Canard Enchaîné (17/05) le journal participe aussi à une importante opération d’optimisation fiscale. Autrement dit la trésorerie du journal part en Belgique, où les impôts sont nettement moins gourmands qu’en France.
« Lorsque le groupe de Bernard Arnault a mis la main sur celui de Marie-Odile Amaury, la trésorerie du Parisien a rapidement été délestée de 20 millions d’euros. Cette ”avance”, comme le mentionnent ses comptes arrêtés au 1er juin 2016, a été réalisée sous la forme d’un emprunt par LVMH Finance Belgique, autre filiale jouant le rôle de superbanquier à Bruxelles », écrit Le Canard Enchaîné. Cette pratique, appelée « cash pooling », n’est pas un pillage de trésorerie : une somme est mise au frais dans un pays où la fiscalité est plus douce, et peut être ramenée à la filiale si elle en fait la demande.
Fume c’est du belge
Cette filiale, LVMH Finance Belgique, avait été créée en 2008 avec un million d’euros dans son bas de laine. Ce dernier était passé à 7,45 milliards d’euros en 2009, puis 9,58 en 2010. Aujourd’hui, ce sont 17,1 milliards d’euros qui ont quitté la France – et sont majoritairement constitués, continue l’hebdomadaire satirique, par « les créances d’autres sociétés du groupe », gérées par six employés.
Outre le fait d’échapper au fisc français, la filiale belge bénéficie de la déduction pour intérêts notionnels, une disposition fiscale belge incitative lancée en 2006. Plus l’entreprise a de fonds propres, plus elle bénéficie de déductions. Ainsi, LVMH Finance Belgique a bénéficié de 69,3 millions d’euros de déductions fiscales en 2015. La Belgique accueille aussi la holding personnelle de Bernard Arnault, Le Peigné SA, qui a eu 61,7 millions d’euros de déductions selon ce régime et plus de 400 millions d’euros en quatre ans. LVMH Finance Belgique aurait eu, selon le Canard, plus de 500 millions d’euros de déductions fiscales depuis 2015. Il y a encore parmi les sociétés financières belges de Bernard Arnault, Le Peigné Invest – 665 000 € de bénéfices en 2015, pour un impôt… de 2 euros. Ou encore Courtinvst – 101 millions d’euros de bénéfices en 2015… pour 1 euro d’impôt. Le climat belge a du bon.
Discrétion de la presse française
Curieusement depuis la révélation des astuces fiscales de LVMH en Belgique, notamment avec l’argent du Parisien, la grande majorité des médias français a préféré ignorer ces informations en-dehors du Canard qui n’a pas de publicité. Tout comme les tracas récents de Bernard Arnault, qui a dû conclure une transaction pénale avec la justice belge pour obtenir l’abandon des poursuites suite à une fausse domiciliation à Uccle en Belgique en 2012. La presse belge en a largement parlé. Les médias française l’ont fait en retard et en page faits divers, sans oublier de mentionner que ladite transaction n’implique « aucune reconnaissance de culpabilité » de la part du milliardaire.
Ce qui n’a évidemment rien à voir, on s’en doute bien, avec la puissance du groupe LVMH, qui verse des centaines de millions d’euros de publicité aux grands médias chaque année et est capable de retirer d’un coup près de 500 000 euros de budget publicitaire à un titre qui a déplu – comme à Libération en 2012 pour son « casse-toi riche con ». Ou de bloquer le traitement par certains médias de Merci patron, le film du journaliste et désormais député de la première circonscription de la Somme François Ruffin, dont le personnage central, et anti-héros n’est autre que Bernard Arnault. Hasard ? Le film a été censuré à plusieurs reprises au Parisien. Nous vous rappelons que de son côté l’Ojim vit des dons de ses lecteurs et n’a pas de publicité…