La Hongrie va se doter d’une nouvelle chaîne de télévision à vocation culturelle, si l’on en croit Daniel Papp (photo), directeur des programmes des médias publics, qui s’exprimait vendredi 22 avril 2016 sur Kossuth radio.
Cette décision a été prise à la suite d’un sondage traduisant l’opinion d’une majorité de sondés pour lesquels l’offre de chaînes culturelles est insuffisante. M. Papp a précisé le cadre qui devrait définir le profil de la future M5. Il s’agit notamment de renouer avec les retransmissions de pièces de théâtre et de fournir un outil éducatif aux professeurs et à leurs élèves. Des cours de langues étrangères devraient trouver leur place dans ce projet éducatif. Serait en outre prévue une utilisation fréquente de documentaires historiques qui font d’ores et déjà partie du patrimoine de la télévision publique.
Les médias culturels hongrois
Le contexte politique actuel en Hongrie ne suscite pas, c’est le moins que l’on puisse dire, une franche adhésion de la part des médias français, qui auscultent généralement ce pays avec un parti pris gros d’arrière pensées contre la politique de M. Orban.
Qu’un état de l’UE crée une chaîne publique de télévision à vocation culturelle est déjà en soi assez extraordinaire pour être souligné. Cette initiative est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un pays où des médias publics se préoccupent déjà largement de culture.
Qu’on en juge : la Hongrie dispose de M2, dans la journée surtout destinée aux enfants, avec des dessins animés de qualité, et de la culture générale. Le soir, M2 devient une chaîne publique généraliste. Parallèlement, la chaîne Duna (Danube) diffuse des documentaires, d’anciens films souvent hongrois en noir et blanc très populaires et des débats politiques.
Les Hongrois peuvent aussi trouver dans le système public la chaîne M1, qui privilégie l’actualité politique et étrangère et les informations liées à cette dernière, ce qui à tout prendre est aussi une forme de culture version sciences politiques. En outre, la radio publique propose Kossuth radio, l’équivalent de France Culture, et Bartok radio, l’équivalent de France Musique.
La culture enjeu télévisuel ?
La décision de créer M5, est en soi un événement dans une UE des oligarchies triomphantes et de la marginalisation des formes d’expression portées par une puissance publique. Elle permet de pointer une comparaison avec la France. Qui se souvient de l’ORTF, média monopole d’État démembré par M. Giscard d’Estaing dans les années 70 puis de la privatisation de TF1 en 1986 sous le premier septennat Mitterrand au motif de « libéralisation » et de modernité, avec les résultats déplorables que l’on peut constater depuis en terme de contenus illustrés par les propos de M. Le Lay en 2004 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». La période ORTF, certes imparfaite, s’était au moins illustrée par la fréquente qualité de la programmation culturelle, qui n’a pas survécu à cette « modernisation des ondes ». Cette dernière a conduit à la course à l’audimat, à l’omniprésence de la publicité, et souvent au moins disant culturel.
Un patrimoine public technique et culturel a ainsi été perdu en France (qu’en reste-t-il à l’INA?), tout comme une culture de service public. Cette brusque orientation libérale des années 80 a permis la naissance d’un nouveau monde médiatique, bientôt majoritairement assujetti aux forces d’argent, et par voie de conséquence idéologiquement uniforme. Au-delà du faux pluralisme de la presse française, pour une bonne part propriété des oligarques représentant l’ « État profond », celui qui gouverne et les élus et le pays (les médias publics télévisuels et radiophoniques affichant en conséquence les mêmes pré-requis que leurs « concurrents »), la création d’une chaîne culturelle publique doit être saluée en particulier en Hongrie un pays où le pluralisme de l’information existe.
Les donneurs de leçons
La Hongrie reçoit régulièrement des « leçons de maintien » de la part de ses partenaires de l’UE et de leurs journalistes, qu’ils soient en poste à Budapest ou non. Contrairement à ce qui se passe à l’Ouest, la Hongrie n’a pas abandonné son histoire, et donc sa dignité et ses ambitions, au vestiaire de l’internationalisme oligarchique européen. La future M5 répond sans doute au vœu des Hongrois, elle est également l’une des réponses aux exigences de l’heure à Budapest, à savoir imposer le fait national face aux empiétements grandissants de la technocratie bruxelloise. Si l’on se réfère aux positions de M. Orban à propos des « réfugiés », le discours ne peut être véritablement compris qu’à la lumière des événements historiques qui ont lourdement marqué la Hongrie
Voilà en tout cas une nouvelle création , avec la naissance encore proche de « Visegrad Post », média internet consultable en français et en hongrois, prouvant que le monde des médias en Hongrie est bien vivant, et ne vit pas pour l’heure au rythme des achats, ventes et rachats de titres, par le secteur privé comme en France avec « restructurations » à la clé. Rendez-vous donc en septembre 2016, pour affiner l’approche de ce nouveau média que l’on attend avec intérêt.