Le 9 avril 2025, Emmanuel Macron lâche une bombe diplomatique pendant l’émission C à Vous de France 5 : la France envisage de reconnaître un État palestinien dès juin 2025, lors d’une conférence onusienne co-organisée avec l’Arabie saoudite.
Cette déclaration, prononcée après un voyage en Égypte, résonne dans un Moyen-Orient en crise. Rapidement, les rédactions s’emparent de l’événement. Le Monde, Le Figaro, Libération, France 2, BFMTV, CNews et LCI livrent des lectures contrastées – diplomatiques, sécuritaires, humanitaires – révélant la diversité des regards médiatiques. Retraçons ces approches distinctes.
Une mosaïque de récits dans la presse écrite
Le Monde ou l’analyse distanciée
Le Monde aborde l’annonce avec une rigueur analytique, scrutant ses enjeux stratégiques. Dans son édition du 10 avril 2025, le journal cite Macron : « On doit aller vers une reconnaissance [de l’État palestinien] et donc, dans les prochains mois, on ira. » Sous la plume de Marc Semo, l’article précise que cet objectif repose sur un effort collectif pour relancer une solution à deux États, tout en soulignant que l’opposition d’Israël et la fragilité de l’Autorité palestinienne rendent cette démarche incertaine. Le Monde explore avec soin les dynamiques entre Riyad, Washington et Tel Aviv, offrant une perspective nuancée.
Souvent aligné sur les priorités diplomatiques françaises, Le Monde traduit une prudence qui reflète les équilibres délicats de l’Élysée face à ses alliés internationaux.
Le Figaro : l’alerte sécuritaire
Le Figaro examine l’annonce avec réserve, mettant en lumière les critiques qu’elle suscite. Le 9 avril 2025, le quotidien titre : « La France pourrait reconnaître l’État palestinien “en juin”, annonce Macron. » Le journal relaie les propos de Gideon Saar, ministre israélien des Affaires étrangères, qui avertit : « Une reconnaissance unilatérale d’un État palestinien sera une récompense pour le terrorisme. » Le Figaro note également que le Hamas qualifie l’initiative d’« une étape importante », un point qui attise les débats. Georges Malbrunot, expert du Moyen-Orient, interroge les répercussions sur la stabilité régionale.
Dassault, un acteur majeur de l’industrie de l’armement, entretient des liens commerciaux avec Israël, un client clé pour ses équipements militaires. Cette connexion pourrait expliquer pourquoi Le Figaro, propriété du groupe Dassault, met souvent en avant les menaces sécuritaires que peuvent faire peser des initiatives pro-palestiniennes, comme l’annonce de Macron sur une possible reconnaissance de la Palestine. En insistant sur les réactions israéliennes ou les risques diplomatiques, le journal pourrait refléter – consciemment ou non – les préoccupations de ses propriétaires, soucieux de préserver des contrats lucratifs. Un rapport très précis publié par le collectif Stop Arming Israel France met en lumière la collaboration des grands groupes français tels que Dassault, Airbus, Thales, avec Israël, notamment dans le domaine de la défense.
Libération : une voix humanitaire et anticoloniale
Libération ancre l’annonce dans la crise à Gaza, soulignant son potentiel pour raviver les espoirs de paix. Le journal met en avant les épreuves des Palestiniens, adoptant une tonalité humanitaire. Cette couverture s’inscrit dans la tradition anticoloniale de Libération, qui résonne auprès d’un lectorat acquis à cette cause.
Libération, qui tient des positions pro-palestiniennes assumées, pourrait avoir des raisons d’un ordre plus politique à le faire. En effet, étant très proche de la gauche anti-sioniste, ayant pris le parti du NFP aux dernières élections législatives, Libération prend soin de ménager une certaine composante communautaire de son lectorat et, par voie de conséquence un segment de l’électorat des partis de gauche.
Les chaînes d’information : un kaléidoscope cathodique
France 2 : l’angle pédagogique
France 2 opte pour une approche éclairante. Le 9 avril 2025, son journal de 20 heures, présenté par Anne-Sophie Lapix, introduit l’annonce ainsi : « Emmanuel Macron envisage de reconnaître un État palestinien en juin 2025, un pari audacieux dans un contexte de violences à Gaza. » Un reportage, enrichi de cartes et d’une chronologie (1947, 1967), décrypte les enjeux diplomatiques pour un large public, dans un souci de clarté.
BFMTV : l’urgence de l’instant
BFMTV se lance dans une couverture tous azimuts, captant l’annonce avec une réactivité électrique. Dès le 9 avril, les bandeaux claquent : « Macron prêt à reconnaître la Palestine : un tournant diplomatique ? ». Des correspondants à Paris, Jérusalem et Ramallah relaient les premières réactions. La chaîne diffuse la déclaration du Hamas – « une étape importante » (Al-Monitor, 10 avril 2025) – mais cette reprise, parfois peu contextualisée, suscite des critiques sur X, où certains accusent BFMTV de donner la parole à une organisation terroriste comme s’il s’agissait d’un interlocuteur légitime.
Avec des bandeaux accrocheurs comme « Macron prêt à reconnaître la Palestine : un tournant ? », la chaîne mise sur le sensationnalisme pour capter l’attention dans un flux numérique saturé. En privilégiant les déclarations choc au détriment d’analyses complexes, elle répond aux attentes des algorithmes, qui favorisent les contenus émotionnels et immédiats. Cette stratégie maximise l’audience, mais réduit l’information à une succession de flashes décontextualisés.
CNews : la vigilance sécuritaire
CNews met l’accent sur les inquiétudes. La chaîne cite Gideon Saar, qui dénonce une « récompense pour le terrorisme » (The Jerusalem Post, 10 avril 2025), et relève que le Hamas voit l’annonce comme « une étape importante » (Al-Monitor, 10 avril 2025). Cette approche, centrée sur les risques, attire sur X des remarques pointant un manque de pluralisme.
LCI : le carrefour des idées
LCI privilégie le débat, réunissant des experts le 9 avril 2025 pour analyser les implications de l’annonce. En évitant de se limiter aux réactions les plus tranchées, la chaîne propose une couverture mesurée, favorisant une réflexion approfondie.
Échos internationaux : un spectre de visions
Les médias étrangers traduisent des priorités propres. Reuters informe : « Macron a déclaré que la France pourrait reconnaître un État palestinien en juin, espérant un mouvement collectif » (9 avril 2025). Al Jazeera rapporte : « Une étape vers l’autodétermination, saluée par les dirigeants à Ramallah » (9 avril 2025). The Jerusalem Post critique : « Gideon Saar a qualifié la décision de Macron de coup de pouce pour le Hamas » (10 avril 2025). The Guardian observe : « L’annonce de Macron pourrait relancer les discussions, mais risque de tendre les relations avec Israël » (10 avril 2025). WAFA salue : « Cette reconnaissance réaffirme l’engagement de la France envers le droit international » (10 avril 2025).
Vives controverses
Le Parisien suscite des controverses d’une rare intensité, étant accusé par certains internautes de se faire le relai du Hamas, comme si l’organisation terroriste était un interlocuteur comme un autre. En effet, le journal titre : « « Une étape importante : le Hamas salue la volonté française de reconnaître l’État palestinien . » Florence Bergeaud-Blacker, présidente du CERIF (Centre de recherche sur le frérisme) évoque un « baiser de la mort ». Claude Posternak, fondateur du baromètre Posternak Ifop écrit : « Emmanuel, les 24 otages, encore vivants, te maudissent. » Driss Ghali commente avec ironie l’éventuelle reconnaissance de la Palestine sur les plateaux de CNews : « Emmanuel Macron est devenu comme un chef d’État arabe. ». Toujours sur CNews, Gérard Larcher, président du Sénat, s’oppose fermement à la reconnaissance d’un État palestinien dans le contexte actuel : « Cela reviendrait à légitimer le Hamas, une organisation terroriste responsable du massacre du 7 octobre. » Rachel Khan évoque, quant à elle « une nouvelle trahison ».
Un contexte géopolitique tendu
Environ 145 pays, dont la Norvège, l’Irlande et l’Espagne, reconnaissent la Palestine. En France, des manifestations pro-palestiniennes et pro-israéliennes traduisent une société polarisée. Israël, par la voix de Benjamin Netanyahu, rejette l’initiative, tandis que les Palestiniens y perçoivent une ouverture au dialogue. Les relations avec les États-Unis, sous Donald Trump, pourraient s’en trouver influencées.
Conclusion : un puzzle médiatique
L’annonce de Macron a donné lieu à une mosaïque d’interprétations. Le Monde explore la diplomatie, Le Figaro souligne les risques, Libération met l’accent sur l’humanitaire. France 2 éclaire, BFMTV relaie en temps réel, CNews met en garde, LCI favorise le débat. Quelle lecture s’imposera ?
Dans un Tweet du 11 avril, Emmanuel Macron semble vouloir siffler la fin de la partie des interprétations tous azimuts : « Je lis ici tout et n’importe quoi sur nos intentions pour Gaza. Voici la position de la France, elle est claire : Oui à la paix. Oui à la sécurité d’Israël. Oui à un État palestinien sans le Hamas. Cela exige la libération de tous les otages, un cessez-le-feu durable, la reprise immédiate de l’aide humanitaire et la recherche d’une solution politique à deux États. La seule voie possible est politique. Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et sécurité, l’un et l’autre reconnus par leurs voisins. La conférence pour les deux États en juin prochain doit être un tournant. Je fais mon maximum avec nos partenaires pour atteindre cet objectif de paix. Nous en avons tant besoin. Pour réussir, nous ne devons relâcher aucun effort. Ne cédons à aucun raccourci, à aucune provocation. Ne laissons pas prospérer les fausses informations et manipulations. Par-dessus tout, restons unis. » Un discours régalien qui permet d’occulter les impasses de la politique intérieure et les fragilités du gouvernement Bayrou.