Avec Emmanuel Macron, les Français ont élu un très jeune président de la République. À la fin du siècle dernier, la France entrait dans l’ère de l’enfant roi et capricieux, persuadé que tout lui est dû. Le nouveau président est-il un faux adulte ou parfois un gamin supportant difficilement contradictions et frustrations ? Un enfant gâté en somme ? Son comportement au sujet de deux médias russes présents en France, Russia Today et Sputnik peut poser question.
Un Macron à la russe je vous prie
Le 29 mai 2017, le président Macron recevait à Versailles le chef d’État de la Russie. Le président de la République française n’a pas apprécié, mais pas du tout, que des médias de langue russe soient moins favorables à son élection que l’immense majorité des médias français et européens. Médias qui ont fabriqué l’élu avant même que le peuple ne choisisse. Comme Michel Onfray, l’affirme dans L’Obs du mercredi 31 mai. Des médias qui ne sont pas parvenus à masquer une grande joie une fois les résultats du 2e tour connus. Seuls des observateurs peu honnêtes ou une presse militante peuvent nier le soutien que Macron a reçu de la part des médias dominants. Mais voilà, une partie de la presse présente en France n’est pas en ordre, pardon En Marche. En particulier les médias russes. Recevant le président Poutine et répondant à une question, Emmanuel Macron accuse ces médias : « Quand des organes de presse répandent des contre-vérités infamantes, ce ne sont plus des journalistes, ce sont des organes d’influence. Russia Today et Sputnik ont été des organes d’influence durant cette campagne qui ont à plusieurs reprises produit des contrevérités sur ma personne et ma campagne. Et donc j’ai considéré qu’ils n’avaient pas leur place, je vous le confirme, à mon quartier général ». En conclusion de son recadrage adressé aux deux médias : « Donc on va se dire les choses en vérité : Russia Today et Sputnik ne se sont pas comportés comme des organes de presse et des journalistes, mais ils se sont comportés comme des organes d’influence et de propagande mensongère, ni plus ni moins ». Le président de la République répondait à une question de Xénia Fedorova, directrice de Russia Today France. Réponse surprenante aux yeux de la majorité des observateurs et qui rappelle la relation établie par Trump avec les médias américains au lendemain de son élection. Sauf que le président des États-Unis avait presque toute la presse de son pays contre lui lors de sa campagne. Pour Emmanuel Macron, c’est le contraire. Et l’honnêteté impose de reconnaître que le comportement des médias français a tourné en propagande en sa faveur.
Qui accuse qui et de quoi ?
Au fond, Emmanuel Macron semble mal supporter la contradiction. Comme le font certains gamins. De quoi s’agit-il ? Lors du débat présidentiel de 2e tour, la candidate adversaire de Macron interroge le futur président au sujet de rumeurs qui circulent sur internet. Rumeurs évoquant un éventuel « compte offshore au Bahamas ». Le lendemain du débat, le candidat d’En Marche déposait plainte contre X pour « faux » et « propagation de fausse nouvelle », disant de madame Le Pen qu’elle « a derrière des troupes sur internet qui se mettent en place », l’accusant d’avoir « des alliés » propageant des mensonges, alliés « pour certains liés à des intérêts russes ». Les médias officiels ne dénonceront pas comme rumeur cette affirmation non vérifiée selon laquelle madame Le Pen aurait des alliés russes propageant de fausses nouvelles. Cette affirmation lancée à l’emporte-pièce au sujet des prétendus intérêts russes liés à madame Le Pen demeure pourtant à ce jour du domaine pur et simple de la rumeur. Exactement au même titre que celle portant sur un compte au Bahamas établi au nom d’Emmanuel Macron. Force est de constater, à ce moment de débat et de l’analyse, que la question est plutôt de déterminer qui fait pipi le plus loin dans la cour de récréation de la campagne. Sauf que le 29 mai 2017, ce n’est plus le candidat Macron ou la candidate Le Pen qui parlent et sont en campagne l’un contre l’autre. C’est le président de la République française. Moins un homme qu’une fonction, dont les français attendent de la hauteur de vue. Et non du ressentiment. La rédaction de Sputnik a publié une mise au point demandant à ce que les « pièces » pouvant être qualifiées de fake news prétendument publiées par ses soins soient produites par les accusateurs, autrement dit les proches de l’actuel président actuel, alors membres de l’équipe de campagne d’En Marche. À l’heure où nous écrivons, ces pièces n’ont pas été fournies. Ce que Sputnik explique. Quant à Russia Today, le média donne la parole au journaliste Guy Mettan. Et le même média publie le 1er juin 2017 une information qui confirme combien l’équipe d’En Marche, entre les deux tours, et le président récemment élu, le 29 mai 2017, semblent intégrer de vraies rumeurs dans leur relation personnelle des prétendus faits : « Guillaume Poupard, le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) qui a enquêté sur le piratage de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, a déclaré qu’aucune trace de hackers russes n’avait été relevée » (…) « L’attaque informatique était si générique et simple qu’elle aurait pu être perpétrée par pratiquement n’importe qui », a‑t-il expliqué, ajoutant « qu’il était possible qu’elle soit le fait d’une seule personne, dans n’importe quel pays ». Il n’y a tout simplement pas d’affaire Sputnik ou Russia Today. Par contre, la légèreté avec laquelle le jeune président de la République accuse des médias russes en public et en présence du chef de l’État de ce pays peut interpeller.
À rumeur, rumeur et demie
Retour en arrière. Le Point du 4 mai 2017 : « L’équipe de Macron n’a pas tardé à réagir, revenant tôt jeudi matin sur les différentes étapes de la diffusion de cette “fake news” et observant que l’article en question a été partagé plusieurs milliers de fois sur Twitter. D’une publication anonyme sur le forum 4chan à la reprise en direct lors du débat télévisé par Marine Le Pen, “l’information” aurait circulé sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter, relayée par des soutiens de Donald Trump, puis s’est retrouvée « dans la sphère d’influence de comptes associés, en France, à Sputnik et à RussiaToday, affirme En Marche ! ». Notons l’origine de l’information : « affirme En Marche ».
Qu’une équipe en campagne comme celle d’En Marche réagisse après les graves maladresses de madame Le Pen lors du débat télévisé, cela peut se comprendre. Les campagnes électorales sont rarement d’une grande élégance. Qu’elle parle de « sphère d’influence », autrement dit propage une rumeur fondée sur des opinions personnelles non vérifiées, cela ne manque pas de surprendre. Que cette rumeur revienne le 29 mai dernier, lors de la rencontre entre deux chef d’État, cela ressemble tant à une gaminerie que l’observateur impartial est en droit de s’interroger sur les motivations du président de la République française. Compte-t-il intégrer la capacité de déterminer qui est ou n’est pas journaliste dans la fonction présidentielle ? Définir les médias autorisés ou non sur le territoire de la République ? Ou bien s’agit-il d’un simple caprice comme en font si souvent les jeunes de cette génération et des suivantes ? Les journaux satiriques ont sans doute intérêt à faire attention à l’humour de leurs Unes à venir… et peut-être aussi les autres.
Crédit photo : Jeso Carneiro via Flickr (cc)