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Macron, héros d’un jour des médias arabes

28 avril 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Macron, héros d’un jour des médias arabes

Temps de lecture : 4 minutes

Bien que très divisés sur les grandes lignes politi­co-idéologiques, et même sur l’avenir des rela­tions avec Israël, les médias arabes ont été unanimes à saluer l’initiative annon­cée le 9 avril par le prési­dent français, d’envisager une recon­nais­sance offi­cielle d’un État pales­tinien en juin prochain.

Cette annonce survient à l’heure où le con­flit au Proche-Ori­ent est tou­jours dans l’impasse, avec la pour­suite des opéra­tions mil­i­taires dans la bande de Gaza. Pour l’opinion arabe, l’engagement d’Emmanuel Macron rap­pelait celui de son ainé, le général Charles De Gaulle, qui, con­tre vents et marées, défendait dans les années 1960 le droit des Pales­tiniens à un État indépendant.

Quand Macron concilie les médias arabes

Tous les grands médias s’étaient félic­ités d’une annonce décrite comme «courageuse» et «rompant l’immobilisme ambiant». La chaine qatarie Al-Jazeera y a con­sacré une large cou­ver­ture, tout en s’interrogeant sur les chances de suc­cès d’une telle ini­tia­tive dans un con­texte de ten­sion extrême qui car­ac­térise les rela­tions inter­na­tionales, et où la France tente de se dis­tinguer. Al-Jazeera rend compte des réac­tions favor­ables à l’annonce, dont notam­ment celles de l’Autorité pales­tini­enne et des dif­férentes fac­tions qui ne sont pour­tant pas toutes sur la même longueur d’onde.

Pour sa part, Al-Ara­biya, chaîne à cap­i­taux saou­di­ens et basée à Dubaï, met en exer­gue le cal­en­dri­er choisi par le chef de l’État français pour une éventuelle annonce qui serait «his­torique». Ce média réputé anti-Hamas, évoque l’hypothèse d’une « recon­nais­sance mutuelle» impli­quant poten­tielle­ment d’autres acteurs inter­na­tionaux et régionaux. Ce que les médias de l’autre camp désig­nent sous le nom réduc­teur de «nor­mal­i­sa­tion» qui, pour eux, est syn­onyme d’abdication.

Dans la même optique, Acharq Al-Awsat, quo­ti­di­en saou­di­en parais­sant à Lon­dres, estime que les pro­jec­tions de Paris sur la ques­tion pales­tini­enne sont sus­cep­ti­bles de rap­procher les vues jusqu’ici irré­c­on­cil­i­ables qui empêchent, selon ce jour­nal, l’avènement d’une solu­tion poli­tique et négo­cié à la crise du Proche-Ori­ent. Même point de vue défendu par le quo­ti­di­en pro-gou­verne­men­tal égyp­tien Al-Ahram qui rend hom­mage à un Emmanuel Macron «plus proche que jamais» des ori­en­ta­tions égyp­ti­ennes sur la question.

Pour Al-Mayadeen, chaine d’information con­tin­ue libanaise proche du Hezbol­lah, met en relief l’engagement de Macron dans un con­texte dom­iné par l’immobilisme, y com­pris dans la région arabe, où la ten­dance est partagée entre une « rue » révoltée mais con­trainte au silence, et des régimes poli­tiques qui sem­blent tétanisés ou dépassés par les événe­ments. Ce média qual­i­fie la posi­tion française de « courageuse », car défi­ant l’intransigeance israéli­enne sur la ques­tion de la recon­nais­sance d’un État pales­tinien. Réagis­sant à chaud à l’annonce de Macron, le chef de la diplo­matie s’Israël l’avait assim­ilée à « une récom­pense pour le terrorisme ». 

L’enthousiasme s’étiole

L’élan de sym­pa­thie provo­quée par l’annonce d’Emmanuel Macron le 9 avril dans le monde arabe s’est rapi­de­ment éti­olé, après de nou­velles déc­la­ra­tions dans lesquelles le prési­dent français sem­blait met­tre de l’eau dans son vin, et qui étaient vite perçue, par des obser­va­teurs arabes, comme une manière habile de « se déjuger ».

Ain­si, le 11 avril, le prési­dent Macron déclarait dans un tweet en plusieurs langues : « Oui à la paix. Oui à la sécu­rité d’Is­raël. Oui à un État pales­tinien sans le Hamas. Cela néces­site la libéra­tion de tous les otages, un cessez-le-feu durable, la reprise immé­di­ate de l’aide human­i­taire et la pour­suite d’une solu­tion poli­tique à deux États. » Trois jours plus tard, Macron a eu un appel télé­phonique avec Netanyahu, au cours duquel le chef de l’État français main­te­nait sa posi­tion favor­able à une solu­tion à deux États.

« Rétropédalage »

Dans la presse arabe, l’euphorie a vite fait place à un dés­ap­pointe­ment, y com­pris chez les plus hos­tiles au mou­ve­ment islamiste pales­tinien. C’est le cas notam­ment du très influ­ent Acharq Al-Awsat, qui, dans un nou­v­el arti­cle (dont le lien sur Inter­net a été sup­primé depuis) inti­t­ulé « Un pavé dans la marre de la solu­tion à deux États », juge l’engagement de Macron «insuff­isant pour relancer un proces­sus de paix enlisé».

Cette désil­lu­sion se retrou­ve dans d’autres titres de médias pro-arabe. Par exem­ple, l’agence offi­cielle turque Anadolu Ajan­si prend un malin plaisir à rap­pel­er que le prési­dent français « est fréquem­ment cri­tiqué par l’op­po­si­tion, notam­ment de gauche, pour ce qu’elle décrit comme un sou­tien sans faille au gou­verne­ment israélien de Benyamin Netanyahu. »

Dans le même reg­istre, le site à voca­tion panara­biste Watanserb, basé aux États-Unis, écrit : « Macron recule : recon­naitre la Pales­tine ? Oui, mais avec les con­di­tions israéli­ennes ! » Plus incisif, le quo­ti­di­en algérien à gros tirage et d’habitude plus mod­éré, El-Khabar, titre : «Macron tombe dans le bour­bier sion­iste». Enfin, le quo­ti­di­en pro-qatari, parais­sant à Lon­dres, Al-Quds Al-Ara­bi, dit ne plus croire à la bonne foi de Macron sur la ques­tion pales­tini­enne, après ce qu’il qual­i­fie de «rétropé­dalage».

Mus­sa A.

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