Bien que très divisés sur les grandes lignes politico-idéologiques, et même sur l’avenir des relations avec Israël, les médias arabes ont été unanimes à saluer l’initiative annoncée le 9 avril par le président français, d’envisager une reconnaissance officielle d’un État palestinien en juin prochain.
Cette annonce survient à l’heure où le conflit au Proche-Orient est toujours dans l’impasse, avec la poursuite des opérations militaires dans la bande de Gaza. Pour l’opinion arabe, l’engagement d’Emmanuel Macron rappelait celui de son ainé, le général Charles De Gaulle, qui, contre vents et marées, défendait dans les années 1960 le droit des Palestiniens à un État indépendant.
Quand Macron concilie les médias arabes
Tous les grands médias s’étaient félicités d’une annonce décrite comme «courageuse» et «rompant l’immobilisme ambiant». La chaine qatarie Al-Jazeera y a consacré une large couverture, tout en s’interrogeant sur les chances de succès d’une telle initiative dans un contexte de tension extrême qui caractérise les relations internationales, et où la France tente de se distinguer. Al-Jazeera rend compte des réactions favorables à l’annonce, dont notamment celles de l’Autorité palestinienne et des différentes factions qui ne sont pourtant pas toutes sur la même longueur d’onde.
Pour sa part, Al-Arabiya, chaîne à capitaux saoudiens et basée à Dubaï, met en exergue le calendrier choisi par le chef de l’État français pour une éventuelle annonce qui serait «historique». Ce média réputé anti-Hamas, évoque l’hypothèse d’une « reconnaissance mutuelle» impliquant potentiellement d’autres acteurs internationaux et régionaux. Ce que les médias de l’autre camp désignent sous le nom réducteur de «normalisation» qui, pour eux, est synonyme d’abdication.
Dans la même optique, Acharq Al-Awsat, quotidien saoudien paraissant à Londres, estime que les projections de Paris sur la question palestinienne sont susceptibles de rapprocher les vues jusqu’ici irréconciliables qui empêchent, selon ce journal, l’avènement d’une solution politique et négocié à la crise du Proche-Orient. Même point de vue défendu par le quotidien pro-gouvernemental égyptien Al-Ahram qui rend hommage à un Emmanuel Macron «plus proche que jamais» des orientations égyptiennes sur la question.
Pour Al-Mayadeen, chaine d’information continue libanaise proche du Hezbollah, met en relief l’engagement de Macron dans un contexte dominé par l’immobilisme, y compris dans la région arabe, où la tendance est partagée entre une « rue » révoltée mais contrainte au silence, et des régimes politiques qui semblent tétanisés ou dépassés par les événements. Ce média qualifie la position française de « courageuse », car défiant l’intransigeance israélienne sur la question de la reconnaissance d’un État palestinien. Réagissant à chaud à l’annonce de Macron, le chef de la diplomatie s’Israël l’avait assimilée à « une récompense pour le terrorisme ».
L’enthousiasme s’étiole
L’élan de sympathie provoquée par l’annonce d’Emmanuel Macron le 9 avril dans le monde arabe s’est rapidement étiolé, après de nouvelles déclarations dans lesquelles le président français semblait mettre de l’eau dans son vin, et qui étaient vite perçue, par des observateurs arabes, comme une manière habile de « se déjuger ».
Ainsi, le 11 avril, le président Macron déclarait dans un tweet en plusieurs langues : « Oui à la paix. Oui à la sécurité d’Israël. Oui à un État palestinien sans le Hamas. Cela nécessite la libération de tous les otages, un cessez-le-feu durable, la reprise immédiate de l’aide humanitaire et la poursuite d’une solution politique à deux États. » Trois jours plus tard, Macron a eu un appel téléphonique avec Netanyahu, au cours duquel le chef de l’État français maintenait sa position favorable à une solution à deux États.
« Rétropédalage »
Dans la presse arabe, l’euphorie a vite fait place à un désappointement, y compris chez les plus hostiles au mouvement islamiste palestinien. C’est le cas notamment du très influent Acharq Al-Awsat, qui, dans un nouvel article (dont le lien sur Internet a été supprimé depuis) intitulé « Un pavé dans la marre de la solution à deux États », juge l’engagement de Macron «insuffisant pour relancer un processus de paix enlisé».
Cette désillusion se retrouve dans d’autres titres de médias pro-arabe. Par exemple, l’agence officielle turque Anadolu Ajansi prend un malin plaisir à rappeler que le président français « est fréquemment critiqué par l’opposition, notamment de gauche, pour ce qu’elle décrit comme un soutien sans faille au gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu. »
Dans le même registre, le site à vocation panarabiste Watanserb, basé aux États-Unis, écrit : « Macron recule : reconnaitre la Palestine ? Oui, mais avec les conditions israéliennes ! » Plus incisif, le quotidien algérien à gros tirage et d’habitude plus modéré, El-Khabar, titre : «Macron tombe dans le bourbier sioniste». Enfin, le quotidien pro-qatari, paraissant à Londres, Al-Quds Al-Arabi, dit ne plus croire à la bonne foi de Macron sur la question palestinienne, après ce qu’il qualifie de «rétropédalage».
Mussa A.