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MadmoiZelle racheté par Humanoid

30 août 2020

Temps de lecture : 5 minutes
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MadmoiZelle racheté par Humanoid

Temps de lecture : 5 minutes

Un petit pas en avant pour le féminisme, un grand pas pour le politiquement correct.

Le 16 juillet 2020, le groupe Humanoid a annoncé le rachat du webzine MademoiZelle. Le webzine, fondé en 2005 par Fabrice Florent, est d’après l’étude Net Observer-Harris Interactive le cinquième site féminin préféré des Français dans la catégorie « Féminins ». Il dispose donc d’une influence certaine auprès des jeunes filles françaises.

Le site, conçu à des­ti­na­tion de la tranche d’âge 18–30 ans, répond aux préoc­cu­pa­tions et aux inter­ro­ga­tions exis­ten­tielles de la jeunesse mod­erne : Insta­gram, Tik Tok, har­cèle­ment de rue, Polan­s­ki, ten­dances beauté et mode… le tout parsemé de poli­tique fémin­iste mil­i­tante et de philoso­phie poli­tique­ment cor­rect de comp­toir. Les titres racoleurs, les sujets super­fi­ciels ou encore le reg­istre de langue volon­taire­ment fam­i­li­er don­nent un ton de con­fi­dences entre copines au webzine. À sa créa­tion, Fab­rice Flo­rent annonçait « on fait un site sans pren­dre nos lec­tri­ces pour des idiotes » ; il souhaitait adjoin­dre aux caté­gories incon­tourn­ables du genre – beauté, actu peo­ple, san­té, sexe – des arti­cles dédiés à la cul­ture pop, au ciné­ma, à la lit­téra­ture, à la high-tech. Pas sûr que cela ait suf­fit à rem­plir les objec­tifs du fondateur…

Féminisme et auto-bronzant

La revue, comme tous les autres avatars du genre, s’applique avec brio à un grand écart quo­ti­di­en entre fémin­isme mil­i­tant et pon­cifs beauté et sexe des mag­a­zines féminins : les arti­cles sur les meilleurs auto­bron­zants de l’été 2020 ou sur la mode du moment joux­tent sans com­plex­es les arti­cles de vul­gar­i­sa­tion des con­cepts fémin­istes en vogue. Les jeunes lec­tri­ces sont ain­si invitées par le site à s’informer sur le « slut-sham­ing », la « cul­ture du viol », le « mansplain­ing », ou encore le mou­ve­ment « body pos­i­tive ». Le webzine a même ouvert dans son espace privé réservé aux abon­nées au forum une fresque d’images de seins, la Seinte Fresque, des­tinée à aider les jeunes filles à accepter leur corps. Une ini­tia­tive qui a mal tourné lorsque cer­taines de ces pho­tos ont été volées et repub­liées ailleurs sur la toile.

Patriarcat pas mort

Il est finale­ment arrivé à Mad­moiZelle la même mésaven­ture qu’au féminin Causette : ces ardents défenseurs de l’égalité salar­i­ale homme femme se sont avér­er abrit­er en leur sein les pires représen­tants du patri­ar­cat. En sep­tem­bre 2016, les témoignages d’anciennes salariées du webzine se mul­ti­plient pour dénon­cer har­cèle­ment au tra­vail, abus de pou­voir, licen­ciements dis­crim­i­nants ou encore pré­cari­sa­tion des con­tributri­ces. Les témoignages avaient été pub­liés via un compte Tweet­er, @SaferBlueBird, accom­pa­g­nés du hash­tag #bad­moizelle.

Le fon­da­teur du média, Fab­rice Flo­rent a égale­ment lancé Rock­ie, un nou­veau webzine dont le for­mat et le style sont calqués sur ceux de Mad­moiZelle, mais avec un pub­lic cible plus âgé. Le site lui-même se décrit comme s’adressant aux anci­ennes lec­tri­ces de Mad­moiZelle : « Si tu as gran­di avec mad­moiZelle, et que tu affrontes désor­mais la vraie vie des adultes, alors Rock­ie devrait te plaire ». Le média dis­pose lui aus­si de sa com­mu­nauté, les « Rock­ies », qui con­tribuent occa­sion­nelle­ment aux articles.

Fab­rice Flo­rent, quant à lui, sem­ble avoir petit à petit pris ses dis­tances avec ses deux créa­tions pour se lancer dans le pod­cast avec de nou­veaux sujets de prédilec­tion, par­mi lesquels sa pater­nité. L’entrepreneur dis­pose de son pro­pre site, dont cer­tains arti­cles sont d’ailleurs repostés sur Mad­moiZelle et Rockie.

Ce sont donc ces deux webzines qu’achète le groupe Humanoid, déjà pro­prié­taire de Fran­droid – média spé­cial­iste du numérique et des nou­velles tech­nolo­gies, Numera­ma – spé­cial­isé dans l’innovation tech­nologique et sci­en­tifique, et Humanoid xp – agence de créa­tion de con­tenu au ser­vice des mar­ques. L’achat représente une impor­tante diver­si­fi­ca­tion pour le groupe fondé par Ulrich Rozi­er et Bap­tiste Michaud, à l’origine spé­cial­isé dans le numérique et la tech­nolo­gie et qui ne dis­pose d’aucune exper­tise dans le domaine de la presse féminine.

Écriture inclusive et conformisme

Le groupe annonce pour­tant son objec­tif de faire de Mad­moiZelle « le média féminin web de référence pour les jeunes femmes, mod­erne, inclusif et tourné vers l’avenir ».

Le terme d’inclusif est loin d’être anodin puisqu’il est directe­ment lié à une nou­velle école du fémin­isme, l’intersectionnalité. Ce courant fémin­iste par­ti­c­ulière­ment à la mode prône la con­ver­gence des luttes entre groupes dis­crim­inés. Le terme, né sous la plume de l’afroféministe Kim­ber­lé Williams Cren­shaw, désigne toutes formes de dis­crim­i­na­tions qui peu­vent se crois­er et se surim­pos­er (couleur de peau, reli­gion, sexe, sex­u­al­ité…). Effec­tive­ment, à l’examen, si les arti­cles de Fran­droïd et Numéra­ma restent glob­ale­ment neu­tres en ter­mes poli­tiques et cen­trés sur leurs sujets, le site du groupe revendique ouverte­ment son pro­gres­sisme et sa tolérance. L’écriture inclu­sive omniprésente dans les textes donne le ton.

Avec ce rachat, le fémin­isme de Mad­moiZelle et Rock­ie a donc toutes les chances de pass­er au niveau supérieur, avec un mil­i­tan­tisme poli­tique assumé et agres­sif. Le groupe Humanoïd annonce sans fard sa volon­té de « remet­tre la presse fémi­nine en phase avec l’époque, […] en s’éloignant des injonc­tions autour du corps des femmes, en décen­trant la blancheur, l’hétérosexualité, la minceur et la valid­ité des normes restric­tives indé­pass­ables et en pro­posant des out­ils d’action fémin­istes et inclusifs à un lec­torat qui les demande, dans un monde en change­ment per­pétuel. […] Nous tra­vaillerons à faire de Mad­moiZelle et Rock­ie des mag­a­zines réac­t­ifs et poin­tus sur les ques­tions poli­tiques et de société ».

En somme, nous allons dès sep­tem­bre 2020 avoir sur la toile un nou­v­el avatar du jour­nal­isme façon Inrocks ; de quoi façon­ner de nou­velles généra­tions de « social jus­tice war­rior » au féminin et de mil­i­tantes fémin­istes LGBTQI+ qui pour­ront aller prêch­er la bonne parole dans toutes les sphères de la société, et surtout façon­ner dès leur plus jeune âge le regard des jeunes filles sur le monde qui les entoure. Pour suiv­re la même décon­fi­ture que Causette ou les Inrocks ? Le pre­mier survit et le sec­ond annonce un nou­veau plan social…

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