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Le magazine Le 1 va au Boxsons, stalinosphère.com

23 février 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Le magazine Le 1 va au Boxsons, stalinosphère.com

Temps de lecture : 6 minutes

Dans son numéro 188 daté du mercredi 7 février 2018, le magazine Le 1, dont la particularité est de consacrer chaque semaine ses pages à un thème unique, s’est associé au récent Boxsons de Pascale Clark. Au menu ? Une ode sur le thème : la migration est l’avenir de l’Homme intitulée « Migrants, la grande hypocrisie ».

Petite piqure de rap­pel : Box­sons, au sujet duquel l’OJIM enquê­tait dès août 2017, est un des nom­breux médias récem­ment nés au sein de la stal­i­nosphère. Créé par Pas­cale Clarke et Can­dice Mar­chal, Box­sons est l’outil mil­i­tant de sa prin­ci­pale fon­da­trice, plus ou moins éman­cipée des prin­ci­paux médias libéraux lib­er­taires où elle a tra­vail­lé de longues années durant. Le site d’information (dans la stal­i­nosphère, on ne par­le jamais de « réin­for­ma­tion » car dans ces lieux l’information est pure comme de la blanche neige) se veut nova­teur : une plate­forme de pod­casts pro­posant des « sons », une « boîte de sons » ou de reportages, sou­vent au long cours, un peu comme ce que l’on peut écouter sur les ondes de Radio France avec Sur les Docks. L’idée n’est pas venue seule à Pas­cale Clarke. Des reportages générale­ment en plusieurs épisodes, de type réc­its, appuyés sur des témoignages. Box­sons veut ain­si être à la radio, ou à la webra­dio, ce que des revues comme XXI sont à la presse. En soi, l’idée est intéressante.

Con­crète­ment, la rumeur n’indique pas que Box­sons soit une grande réus­site, tant son audi­ence sem­ble lim­itée. Qui a enten­du par­ler de ce Box­sons ? Au début, un peu : Pas­cale Clarke n’étant pas sans nom­breuses ami­tiés au cœur de la bobosphère radio­phonique parisi­enne a béné­fi­cié de moults appuis, des radios publiques comme France Inter ou France Cul­ture au Monde et Libéra­tion. La voix de Pas­cale Clarke pas­sait pour être célèbre, au moins dans les stu­dios, célébrité qui plus est accen­tuée par cer­tains choix, comme celui de met­tre en avant des chroniqueurs, alors unanime­ment salués comme tal­entueux dans ces milieux, comme Meh­di Meklat.

C’est alors que le magazine Le 1 vint

Payant, le média paraît avoir du mal à trou­ver son pub­lic. Heureuse­ment, Éric Fot­tori­no, à la car­rière tout aus­si foi­son­nante que sa com­plice Clarke, veil­lait. Son mag­a­zine Le 1, plutôt bien dif­fusé en kiosques et maisons de la presse, forte­ment soutenu par tout ce qui aide dans le Camp du Bien médi­a­tique, les Cen­tres de Doc­u­men­ta­tion des Lycées ou les médiathèques par exem­ple, s’est décidé à ceci, d’après sa cou­ver­ture : « Pour faire enten­dre d’autres voix sur la ques­tion des migrants, Le 1 s’est asso­cié cette semaine à Box­sons Radio (ici, l’adresse du site de Pas­cale Clarke est indiquée), un média indépen­dant de reportage sonore créé par Pas­cale Clarke et Can­dice Mar­chal, qui racon­te l’actualité à hau­teur de femmes et d’hommes, en priv­ilé­giant le ter­rain et le temps long », dont un reportage de Pas­cale Clarke mis en ligne sur le site de l’hebdomadaire en même temps que sur celui de Box­sons, au sujet de « Français pris en fla­grant délit d’aide aux migrants ».

Une opéra­tion pour le moins osée, pour plusieurs raisons : la pub­lic­ité ami­cale a beau se vouloir dis­crète, elle saute aux yeux tant cela s’apparente à une ten­ta­tive de sauve­tage en mer d’indifférence publique, con­cer­nant Box­sons ; la volon­té de faire enten­dre « d’autres voix » est d’un humour dis­cutable, bien que sans doute volon­taire : la voix qui s’entend mas­sive­ment dans les médias offi­ciels, aux­quels Clarke et Fot­tori­no appar­ti­en­nent depuis le biberon jour­nal­is­tique, mal­gré leurs cris d’indépendance, est la même que la leur, une voix pro-migra­tions basée sur une morale faisant fi des réal­ités con­crètes du monde en général, de la France en par­ti­c­uli­er ; l’exergue habituel du mag­a­zine Le 1 indique : « Chaque semaine, une ques­tion d’actualité, plusieurs regards », autrement dit, un heb­do­madaire de débat démoc­ra­tique, ce que revendiquent d’ailleurs haut et fort tant Clarke que Fot­tori­no depuis plusieurs décen­nies – d’être des jour­nal­istes mil­i­tant pour le débat démoc­ra­tique, c’est-à-dire, dans le lan­gage des eaux où ils nagent, con­tre tout ce qui peut être affublé de près ou de loin du mot « droite » ou « enraciné ».

Pour le débat, tu repasseras mon pote

Sans doute s’agit-il de dire « plusieurs regards » dans le sens de « plusieurs per­son­nes qui regar­dent » car ce numéro 188 con­sacré au thème « Migrants, la grande hypocrisie » ne pro­pose qu’un seul angle de vue, même s’il est porté par de nom­breux inter­venants. Un angle qui est celui du cœur du Paris de la com­mu­ni­ca­tion médi­ati­co-poli­tique. Aucun n’intervenant ne porte la parole de la masse des Français qui exprime, quand elle le peut, un ras-le-bol évi­dent des poli­tiques migra­toires bien pen­santes soutenues par des médias tels que Box­sons ou Le 1. Dans ce monde-là des médias, le débat démoc­ra­tique est un entre-soi.

On retrou­vera dont Pas­cale Clarke, le soci­o­logue Éric Fassin, tou­jours prêt pour la Cause, en général sur la bar­ri­cade de France Cul­ture vers midi, qui explique ici que « notre dis­posi­tif d’accueil des migrants est très défi­cient »(sic), sans doute si on le com­pare à celui de la majorité des autres pays du monde, Éric Fot­tori­no qui lance une sorte d’appel, « Tous hors-la-loi », se voulant émou­vant mais qui n’échappe pas au ton lar­moy­ant habituel en ces matières, le pho­tographe Samuel Grat­a­cap qui évoque « Ce que l’Europe refuse de voir », for­cé­ment, il faut bien un grand méchant coupable, Philippe Mey­er (ah… la radio publique, là aus­si) qui a de « mau­vais­es pen­sées » en voy­ant dans les migrants un « drame » par­mi les nom­breux autres drames actuels, le seul angle un peu, un petit peu, dif­férent du numéro, et surtout un énorme reportage en forme de poster signé Manon Paulic, « Des par­cours des com­bat­tants », dont le titre dit le ton.

La jour­nal­iste suit les migrants depuis la val­lée de la Roya jusqu’aux refuges parisiens, dans le but de com­pren­dre en quoi ils sont vic­times de la « com­plex­ité du droit d’asile européen ». Un obser­va­teur atten­tif pour­rait penser que les migrants sont vic­times de l’incurie de leurs gou­verne­ments et de leurs sociétés civiles par exem­ple, ou bien des mul­ti­ples retards qui car­ac­térisent une grande par­tie du monde non occi­den­tal sur tous les plans, à com­mencer par celui de l’eau potable ou du droit des femmes, y com­pris dans des pays ayant entre 5 et 8 % de crois­sance économique annuels, mais ce n’est pas l’angle de vue de cet heb­do­madaire. Ici, ce qui prime, c’est la repen­tance européenne : tous hors-la-loi, dit Fot­tori­no, tous européo-coupables, dis­ent en sub­stance la majeure par­tie des arti­cles. Sans cette image de l’Europe et ses habi­tants comme coupables, ce serait plus com­pliqué pour Le 1 ou Box­sons, il faudrait… réfléchir à d’autres cul­pa­bil­ités poten­tielles. Celles des élites poli­tiques des pays d’origine des clan­des­tins par exem­ple. Atten­dons un reportage dans Le 1 et Box­sons…

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