L’année 2018 est celle de la commémoration des 50 ans de 1968, moment fondateur de la société bobo libérale libertaire et de ses centres de pouvoir, dont le pouvoir médiatique. Radio France étant au cœur du dispositif idéologique de ce pouvoir, il n’est pas surprenant que ce soit « Mai 68 partout, décence nulle part ! »
La France étant encore (?) une démocratie dans laquelle équilibre des pouvoirs, tolérance, liberté d’expression (?) et d’opinion fondent la vie politique, culturelle et médiatique, il n’est pas interdit de commémorer les événements de Mai 68. Rien que de très normal, le mot « commémorer » signifiant « rappeler par une cérémonie le souvenir d’une personne ou d’un événement », un verbe qui est donc différent de « célébrer », lequel veut quant à lui dire « accomplir solennellement » ou « marquer un événement par une cérémonie ».
La France commémore donc Mai 68, elle n’est pas censée célébrer l’événement, autrement dit le pays ne prend pas parti en se souvenant. Ni son État, et donc pas plus sa radio d’État. C’est pourquoi le comité en charge des commémorations de 2018 avait aussi prévu nombre d’autres moments de souvenir, au sujet de Charles Maurras par exemple. Une mesquine polémique a pourtant conduit à retirer Maurras de la série des commémorations prévues, avec l’assentiment de la Ministre de la Culture, à jeter au pilon les centaines de milliers d’agendas des commémorations déjà édités et à regarder le comité démissionner en bloc. La confusion règne donc : Maurras est mis à la porte des commémorations 2018, bien qu’ayant 150 ans cette année, car le libéral libéralisme ambiant confond les verbes « commémorer » et « célébrer », en particulier sur les antennes radio du service public, lesquelles ont amplement relayé la voix des personnes choquées par l’existence de ce simple nom, « Maurras ».
Ces mêmes antennes, dans le même élan de confusion, organisent trois mois de célébration de Mai 68… Au nom de la liberté, bien entendu, et sous l’égide d’une exposition consacrée à « Mai 68 à l’ORTF », exposition dont l’affiche reprend une affiche de 68 montrant une voix bâillonnée à la radio… Personne chez Radio France ne semble s’apercevoir que le bâillon est en réalité aujourd’hui imposé aux voix rejetées par le pouvoir dominant, à commencer par ces mêmes médias d’État.
Demandez le programme
Ce n’est pas difficile : en ce premier semestre 2018, Mai 68 est partout sur les antennes de Radio France. À croire que cet événement récent a joué un rôle aussi important, sans souci de hiérarchie et juste pour l’exemple, de Sumer, les Pharaons, Rome, Athènes, Verdun, 1492 ou Michel-Ange… Quelques enfants de bonne bourgeoisie en mal de libertés et avides de « modernité », soucieux d’entrer dans le dortoir des filles, c’est un peu cela Mai 68. C’est aussi cela, la majorité des médias français, et en particulier sur France Inter, Franceinfo ou France culture ; au fond, les bourgeois bohèmes qui peuplent les antennes de Radio France ont retrouvé leurs ancêtres Cro-Magnon du quartier latin, le tout dans un esprit de célébration qui, selon plusieurs sources de l’OJIM, paraît déplacé même dans les salles des professeurs des lycées de l’Éducation Nationale, c’est dire. Radio France ne commémore pas Maurras. La radio d’État ne commémore pas plus Mai 68 : elle le célèbre, dans la plus pure tradition du culte de la personnalité, pour le coup appliqué à un événement et non plus ici à un individu (même FIP est de la partie avec une émission en quatre volets intitulée « Magnifip »). Le comportement est cependant le même. Un exemple au hasard.
Allô ? Les bobos 2018 parlent aux bobos 68
France Inter consacrait ainsi à Mai 68 « Une semaine spéciale du 17 au 24 mars » (pour info, le mouvement de 68 aurait débuté le 22 mars), présentée de cette façon : « Une semaine consacrée aux évènements de mai 68 : ni commémoration, ni célébration mais une réflexion sur ce mouvement social qui a permis à la France, de se moderniser, de se réformer en profondeur. Une semaine joyeuse et inventive au cours de laquelle la parole, les témoignages, les réactions des auditeurs sont sollicités ». « Ni commémoration, ni célébration » dit-on mais… tout de même… le mouvement « social » à l’origine de la modernisation et des réformes « en profondeur » de la France. Contradiction flagrante en l’espace de quatre lignes qui symbolisent à elles seules ce qu’est justement le bobo depuis 68 : le tenant du camp du Bien. Sur fond de festivités. Parmi les nombreuses émissions consacrées à Mai 68, durant cette semaine qui ne célébrait ni ne commémorait tout en célébrant vivement, la Matinale n’a pas été en reste. Il est vrai qu’elle est dirigée par Léa Salamé et Nicolas Demorand, pour le coup parfois remplacés (pour cause de mal de dos et avec jour de carence suppose-t-on) par Ali Baddou, surgeons quasi caricaturaux de l’état d’esprit bobo en partie issu de Mai 68 et qui ne risquent pas d’être critiqués pour un engagement critique vis-à-vis de ce mois. Du coup, du 17 au 24 mars, de grandes parties de la Matinale célébraient 68, dont par exemple le « zoom de la rédaction » de 7 h 16. Un simple exemple réellement pris au hasard, pour ne pas abuser de la patience du lecteur, laquelle dure justement depuis 50 ans tant la majeure partie des médias est colonisée par l’esprit 68 :
19 mars, Mai 68 et l’évolution de l’enseignement
Questions de départ (lues par Baddou) : « peut-on parler de révolution éducative, est-ce que les changements étaient déjà en germe dans les années 60 ? ». La parole est à Sonia Bourane, et à des témoins qui expliquent que le mal était dans le « par cœur » de l’apprentissage ou dans le fait « qu’il était hors de question de contester quoi que ce soit, en histoire par exemple »… « Il y avait un point de vue qui était celui du manuel scolaire »… « et que dire de la discipline : on s’alignait deux par deux avant de rentrer en cours »… Les enseignants aussi aspiraient à plus de « liberté » dit Baddou, c’était le début de « la démocratisation » insiste Bourane. Témoin, une femme enseignante : « Plus d’estrade. Le professeur n’était plus au-dessus des élèves, il était devenu l’égal des élèves » (trémolo ému dans la voix), « on a fait disparaître les notes, plus de composition, formidable, et plus de classement, on s’est mis à comprendre qu’il fallait donner un enseignement différent… ». Baddou : « Les changements sont rapides, très rapides ». Sentiment d’ensemble : 68 a révolutionné l’éducation scolaire, selon les caractéristiques citées plus haut. Un simple coup d’œil sur l’état actuel de l’école, à Stains par exemple ou ailleurs, sur des élèves — dont tout le monde reconnaît qu’ils ne savent massivement plus ni lire, ni écrire ni compter — devrait introduire quelque distance dans les propos. Après mai 68, avec les réformes mises en œuvre, lire, écrire, compter, deviennent de simples souhaits et non plus une réalité. Ne comptons pas sur France Inter et une partie de ses journalistes pour le dire. Pour eux, en Mai 68 tout le monde s’est « retourné contre un système scolaire archaïque ». Tout auditeur ayant des enfants scolarisés et tout lecteur de l’OJIM étant dans la même situation aura un peu de difficulté pour communier avec France Inter, à la Gloire de mai 68 en général et de sa révolution éducative en particulier.