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Marianne est de retour

26 octobre 2018

Temps de lecture : 6 minutes
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Marianne est de retour

Temps de lecture : 6 minutes

Le départ de Renaud Dély sous d’autres cieux semble redonner du chien à Marianne. Avec Natacha Polony, il y a quelque chose du nationalisme républicain, au sens historique du terme, un nationalisme qui a existé de la fin du 19e siècle jusqu’à Chevènement, et dont on retrouve des bribes au sein du Printemps Républicain et de ce qu’il reste du Mouvement Républicain et Citoyen, qui paraît être de retour. 

On se croirait presque revenu à l’époque du Mar­i­anne de la fin des années 90, quand la presse de la gauche répub­li­caine et laïque était attaquée par le reste de la gauche pour son attache­ment aux valeurs répub­li­caines. Ce qui suff­i­sait pour la soupçon­ner du pire. On dis­tin­guait alors entre la gauche social­iste, la gauche marx­iste com­mu­niste, l’extrême gauche et les chevène­men­tistes. Nat­acha Polony, depuis peu à la tête de la rédac­tion de Mar­i­anne, s’inscrit dans cette fil­i­a­tion de la gauche répub­li­caine, incar­née dans le monde jour­nal­is­tique par exem­ple par le Comité Orwell. Après avoir par­lé sans tabou des vrais chiffres de l’immigration mi-octo­bre 2018,

le numéro suiv­ant de Mar­i­anne, daté du 19 au 25 octo­bre 2018, sem­ble pren­dre exem­ple sur l’OJIM, et analyse la réal­ité des médias offi­ciels en titrant « Qui veut met­tre au pas les médias ? », avec trois thèmes prin­ci­paux régulière­ment traités par nos soins :

  • « La Macronie tyran­nise et harcèle »
  • « Les mil­liar­daires rachè­tent et contrôlent »
  • « Les GAFA cen­surent et se gavent »

Bien sûr, l’OJIM est flat­té de se savoir si lu ; cela ne l’empêche pas, média indépen­dant s’il en est, de s’interroger sur les revire­ments en cours des mag­a­zines, ain­si à l’image de L’Express, des jour­nal­istes du Monde se ren­dant compte que les ter­ri­toires per­dus de la république exis­tent. Ce que les médias de réin­for­ma­tion démon­trent depuis des années (immi­gra­tion de masse, islami­sa­tion, liens entre crim­i­nal­ité et islam…) s’avère une réal­ité, mais avec un léger retard, pour les médias de grand chemin. Avec le dernier numéro de Mar­i­anne, le Paris médi­a­tique s’aperçoit que la presse française en général n’a pas grand-chose de libre ni d’indépendante.

Un dossier offensif : « Qui veut contrôler les médias ? »

Pour Nat­acha Polony et Mar­i­anne, le souci est clair : à tra­vers la perte d’indépendance des médias offi­ciels, et leur assu­jet­tisse­ment à de grands groupes économiques et numériques, c’est la démoc­ra­tie et la République qui sont men­acées. Que les men­aces sur la lib­erté d’expression et de la presse soient men­aces con­tre la république est un des mantras du nation­al­isme répub­li­cain, et donc un mar­queur évi­dent du retour de ce courant poli­tique sur le devant de la scène, ce qui ne peut man­quer de venir con­cur­rencer les mou­ve­ments sou­verain­istes dits de droite et sou­vent qual­i­fiés de pop­ulistes. Peut-être est-ce le rôle du nou­veau Mar­i­anne ?

Reste que ce dossier de Mar­i­anne con­sacré aux médias pose de vraies ques­tions et soulève des prob­lèmes réels.

Prise en étau entre GAFAM et industriels, la presse souffre

Dans le pre­mier arti­cle, Nat­acha Polony n’y va pas par qua­tre chemins : « Ven­due aux grands groupes, dis­créditée par les “fake news”, sup­plan­tée par les Gafam, la presse peine aujourd’hui à démon­tr­er sa per­ti­nence. Au-delà des ques­tions économiques et idéologiques, c’est un des piliers de notre démoc­ra­tie qui est en jeu. »« per­son­ne ne versera la moin­dre larme sur la dépouille du jour­nal­isme ». Elle par­le de « clergé médi­a­tique », respon­s­able du désamour que lui vouent les citoyens. Et Polony de sig­naler que cela ne date pas d’hier, en rap­pelant qu’en 2005 « 90 % des médias avaient traité de xéno­phobes les 55 % de Français qui avaient eu le mau­vais goût de vot­er non », que les citoyens ne sont pas dupes des expli­ca­tions offi­cielles con­cer­nant le Brex­it ou l’élection de Trump, qu’ils savent par­faite­ment que ce ne sont pas des effets des fake news. Pour la nou­velle patronne de Mar­i­anne, le vrai prob­lème n’est pas là : il est dans l’indépendance ou non économique des médias. Alors, « qui veut con­trôler les médias ? Le pou­voir poli­tique, bien sûr, mais plus sûre­ment encore le pou­voir économique. Non plus en dic­tant son agen­da et ses impérat­ifs, mais en trans­for­mant les jour­nal­istes en exé­cu­tants au sein d’une vaste mécanique dont le but est désor­mais de faire du lecteur devenu inter­naute un con­som­ma­teur de pages pub­lic­i­taires ».

Pourquoi les grands groupes investissent dans la presse

Le sec­ond arti­cle du dossier (Hervé Nathan) s’intitule : « L’info sous la coupe des grands groupes ». Le jour­nal­iste note que l’intérêt de ces groupes économiques pour un secteur pour­tant frag­ilisé mon­tre au moins une chose pos­i­tive : que la presse a encore « une influ­ence cer­taine ». L’article expose com­ment Patrick Drahi con­cen­tre un pou­voir d’oligarque de la com­mu­ni­ca­tion. Tout comme Niel ou Pigasse. Entre autres, une dizaine de ces oli­gar­ques con­trôlant la presse française. Nathan pose alors la vraie ques­tion : « Pourquoi ces grands indus­triels qui n’ont aucune voca­tion au mécé­nat et n’ont pas fait les écoles de jour­nal­isme dépensent-ils tant d’argent dans les médias ? » La réponse est sim­ple : « Pour ces grands cap­i­tal­istes à la tête de con­glomérats, sou­vent en négo­ci­a­tion pour leurs intérêts avec la puis­sance publique, avoir un peu d’influence au corps défen­dant des jour­nal­istes qu’ils emploient, ne peut pas nuire ». Notons que le dossier de Mar­i­anne ne cache pas le fait que l’hebdomadaire est passé sous le con­trôle du groupe Czech Media, pré­cisant que son nou­veau pro­prié­taire Daniel Kretinsky s’est « engagé à respecter l’histoire et la charte de Mar­i­anne ». Pour le reste, le pro­pos est offen­sif : « Les cap­i­tal­istes sont bien aux com­man­des des médias, mais ils se révè­lent les pre­miers béné­fi­ci­aires des aides publiques à la presse ».

La menace grandissante des GAFAM

Le troisième gros morceau de ce dossier est con­sacré à la manière dont les « GAFAM ont asservi la presse », et il est signé d’Alexandra Saviana. « Une dizaine d’années après avoir vu leur salut dans les Gafa ou Gafam (Google, Apple, Face­book, Ama­zon et Microsoft) alors qu’ils étaient con­fron­tés à une audi­ence et à des revenus pub­lic­i­taires en baisse, les médias sont aujourd’hui dému­nis face à eux ». Ain­si, « La con­di­tion des rédac­tions est résumée ici : elles dépen­dent aujourd’hui d’une poignée de trente­naires cal­i­forniens qui n’ont pas d’amour par­ti­c­uli­er pour l’information et la conçoivent davan­tage comme un pro­duit inter­change­able que comme un ser­vice pub­lic ». Saviana mon­tre que le rôle des Gafam est restric­tif de la lib­erté de la presse, avec l’exemple d’Apple news où « un petit cer­cle d’élus truste les qua­tre encar­ts les plus con­voités de la presse en ligne française ». Ce sont les qua­tre infor­ma­tions du jour qui appa­rais­sent chaque jour sur l’écran de tout déten­teur d’iPhone, et ils sont près de 11 mil­lions en France. Autrement dit, Apple fil­tre l’information qui vient à nos conci­toyens. Le choix de ces infor­ma­tions se résumant à « copinage et opac­ité ». Glob­ale­ment, il y a main­tenant « peu de chances » que les médias sor­tent vain­queurs de l’actuel « bras de fer » avec les géants du net.

Les médias d’analyse des pra­tiques délétères d’une presse française de plus en plus inféodée à l’industrie et aux mastodontes d’internet trou­veront un écho de leur vig­i­lance dans les pre­miers numéros de Mar­i­anne où l’influence de Nat­acha Polony se fait sen­tir, une sorte de retour aux sources du style du père fon­da­teur, Jean-François Kahn.

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