Beaucoup de journaux et de sites d’information arabes ont jubilé à l’annonce de la condamnation du chef de file du Rassemblement national, dépeinte, elle et son parti, comme l’incarnation du mal. La presse algérienne s’est distinguée par des commentaires aux accents de vengeance qui rappellent l’interminable et épineuse histoire qui liait ce mouvement et son fondateur avec l’Algérie. Cela lui fait oublier, un moment, Bruno Retailleau.
« Alliée de MBZ » ?
Absorbés par l’avalanche d’événements qui secoue toujours le Proche-Orient, les grands médias du Moyen-Orient se sont contentés, pour la plupart, de reprendre l’information, sans commentaire. C’est le cas des chaînes d’information continue Al-Jazeera (Qatar), Al-Arabiya (Arabie saoudite) ou Sky News Arabia (Émirats arabes unis). Or de nombreux organes, issus pourtant des mêmes pays mais à la tonalité plus libre, ont jeté l’opprobre sur Marine Le Pen. Exemple de ce titre du site Al-Adassa (pro-qatari) : « L’alliée de Mohamed Ben Zayed (1), et ennemie de l’islam et des musulmans bientôt en prison ! »
Al-Adassa n’explique pas cette présumée alliance avec le prince et homme fort d’Abu Dhabi, mais suggère que la presse émiratie pleurerait la déroute de Marine Le Pen. Pas si sûr. « La condamnation de Le Pen montre que la justice française préfère le courage à la soumission », titre Emarat Al-Youm, porte-voix du régime. Ce journal loue l’indépendance et la rigueur des juges français comme « un exemple à suivre ».
À l’opposé, certains titres de la presse panarabes y ont vu un cas d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. C’est ce qu’ont voulu traduire des titres comme le journal indépendant égyptien Al-Youm7 et Al-Quds Al-Arabi, quotidien à capitaux qataris paraissant à Londres, en relayant en Une les déclarations à chaud de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni et de son adjoint Matteo Salvini : « La condamnation de Marine Le Pen est un jour triste pour la démocratie », « voire une déclaration de guerre ».
Bouc émissaire ?
La chaîne Al-Mashhad (basée à Dubaï) fait le lien entre la condamnation de la présidente du RN et l’entretien téléphonique, le 31 mars, entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, et sort avec cette conclusion : la mise à l’écart de Marine Le Pen « semble ouvrir la voie au réchauffement des relations entre la France et l’Algérie ».
Plus tranchée et plus incisive, la presse algérienne n’accorde aucune circonstance atténuante à celle qui a longtemps incarné, pour une large opinion algérienne, le racisme anti-arabe et l’islamophobie, et la bête noire de l’immigration maghrébine à prédominance algérienne en France. « Large accueil favorable de la condamnation de Marine Le Pen par la justice », titre partagé par de nombreux quotidiens et journaleux en ligne, y compris ceux de la radio nationale. Ces organes font table rase d’un passé récent, où le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, est présenté comme « l’ennemi juré » et, plus précisément, l’homme à abattre.
De son côté, Ennahar TV, chaîne privée mais réputée proche des cercles de la décision en Algérie, décrit Marine Le Pen comme « le symbole de la faillite politique et morale de la France.
Mussa A.
*Mohamed Ben Zayed, alias MBZ, est l’émir d’Abou Dabi, président des Émirats arabes unis et ferme opposant aux intérêts du Qatar dans la région.