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Marine Le Pen : la télévision se refuse à parler de l’exécution provisoire

12 avril 2025

Temps de lecture : 5 minutes
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Marine Le Pen : la télévision se refuse à parler de l’exécution provisoire

Temps de lecture : 5 minutes

Dans l’affaire de l’inéligibilité de Marine Le Pen, le point le plus impor­tant est l’exécution pro­vi­soire qui la met qua­si-cer­taine­ment hors-course pour l’élection prési­den­tielle. L’enjeu est pour­tant pudique­ment éludé par la majeure par­tie des chaînes de télévision.

Les juges, pourris ou aveugles ?

À la télévi­sion, deux camps s’affrontent, ou d’ailleurs ne s’affrontent pas et restent cha­cun sur leur chaîne. D’une part, les jour­nal­istes qui rejet­tent la déci­sion qui frappe Marine Le Pen d’inéligibilité et surtout l’exécution pro­vi­soire, qui l’empêche de se présen­ter en 2027. Gilles-William Gold­nadel, chroniqueur sur CNews, affirme ain­si que « cette déci­sion poli­tique s’insère dans une déliques­cence de la jus­tice, que j’observe depuis une trentaine d’années et qui s’aggrave. » Selon lui, on ne peut cepen­dant pas en tir­er des con­clu­sions quant à la poli­ti­sa­tion de la jus­tice. D’après lui, tous les juges ne sont pas au Syn­di­cat de la mag­i­s­tra­ture mais « le juge est un type qui lit Libéra­tion le matin et le Monde le soir, il n’est pas for­cé­ment poli­tisé mais man­i­feste une sorte de con­formisme. » Dès lors, le juge « respecte moins le droit pur pour être dans sa pro­pre con­for­mité morale ». Une sit­u­a­tion inquié­tante que Gilles-William Gold­nadel regrette « beau­coup plus pour la jus­tice que pour le Rassem­ble­ment National. »

La gauche ne pardonne pas à Marine Le Pen de ne pas s’excuser

De l’autre côté du spec­tre médi­a­tique, on trou­ve Patrick Cohen, chroniqueur et ani­ma­teur sur France Inter. Sa chronique com­mence ain­si par un texte présen­té comme le brouil­lon d’un dis­cours de Marine Le Pen. Il expli­quera après sa lec­ture qu’il s’agit d’un texte élaboré à par­tir d’une archive d’un dis­cours de François Fil­lon. Cepen­dant, alors que ce dernier recon­nais­sait les faits en s’en excu­sait, Patrick Cohen souligne que « Marine Le Pen n’a rien con­cédé et main­tient qu’il s’agit d’une con­damna­tion poli­tique ». Selon lui, « elle renoue avec le dis­cours vic­ti­maire qui est celui de son par­ti depuis 40 ans ». Une erreur pour la prési­dente du Rassem­ble­ment Nation­al qui ferait mieux de faire amende hon­or­able, elle qui, les jour­nal­istes le notent à longueur de pages et de chroniques, a tou­jours plaidé l’irréprochabilité des élus. Il con­clut que « jouer la rue con­tre les juges, c’est être à peu près cer­tains de per­dre sur tous les tableaux ». Au reste, ils sont peu nom­breux ceux qui croient que Marine Le Pen pour­rait être recon­nue inno­cente, et BMFTV juge l’hypothèse « peu crédible ».

Voir aus­si : Patrick Cohen, portrait

Comment les médias montrent une Marine Le Pen seule

Pen­dant la prési­den­tielle 2017, François Fil­lon était dépeint comme par­ti­c­ulière­ment isolé par les médias. Le por­trait de Marine Le Pen en est une copie. Patrick Cohen note ain­si sur France Inter l’échec de son dis­cours. Il « ne ressoude que les électeurs les plus fidèles », qui ne rem­plis­sent pas la place Vauban, où a eu lieu le 6 avril la man­i­fes­ta­tion de sou­tien à Marine Le Pen. BFM TV ira plus loin en invi­tant Bernard Sananès, prési­dent de l’institut de sondage Elabe, à com­menter un sondage d’opinion por­tant sur le ver­dict qui frappe Marine Le Pen. Un sondage qui mon­tre qu’il n’y a « pas de sen­ti­ment d’un déni de jus­tice pour les français », que la déci­sion d’inéligibilité appa­raît comme « nor­male et perçue comme juste » et que « les Français don­nent plutôt rai­son à la justice. »

Noyer le poisson de l’exécution provisoire

Ce qui choque les poli­tiques et les sou­tiens de Marine Le Pen, et dont les médias ne par­lent guère, c’est l’exécution pro­vi­soire. Ain­si, invitée chez Gilles Bouleau pour le 20h de TF1, Marine Le Pen explique d’entrée de jeu que cette exé­cu­tion pro­vi­soire est le véri­ta­ble scan­dale du ver­dict. Cela n’empêche pas Gilles Bouleau de bot­ter en touche et de deman­der « en quoi la déci­sion était-elle poli­tique ? Elle était étayée, il y a 152 pages de juge­ment ». Il insiste même en rap­pelant que « l’inéligibilité immé­di­ate est prévue par les textes, vous-mêmes dans votre pro­gramme, vous dîtes “il faut de la fer­meté, il faut des peines plancher” ».

Gilles Bouleau se con­cen­tre ain­si sur la déci­sion d’inéligibilité elle-même. Or, même si Marine Le Pen s’estime inno­cente et affirme donc qu’elle gag­n­erait en appel et ne devrait pas purg­er cette peine d’inéligibilité, le vrai prob­lème et que cette peine prend effet immé­di­ate­ment, ne peut pas être sus­pendue par un appel, et que le risque est donc grand que Marine Le Pen n’en soit pas libérée pour l’élection prési­den­tielle 2027. La plu­part des spé­cial­istes esti­ment peu prob­a­ble que l’appel aboutisse avant l’élection.

Tout le pas­sage de Marine Le Pen au 20h de TF1 sera con­sacré par Gilles Bouleau à mon­tr­er que l’inéligibilité est une bonne mesure, quand bien même ce n’est pas le sujet pre­mier pour le Rassem­ble­ment nation­al. L’animateur rap­pellera ain­si à plusieurs repris­es l’histoire de Lau­rence Arrib­agé, adjointe à la mairie de Toulouse et con­damnée à cinq ans d’inéligibilité par le tri­bunal cor­rec­tion­nel de Paris en 2024. Une déci­sion saluée par cer­tains députés du Rassem­ble­ment nation­al. Pour Marine Le Pen, si l’exécution pro­vi­soire s’est appliquée dans ce cas, c’est parce que les faits reprochés à Lau­rence Arrib­agé avaient eu lieu pen­dant le man­dat qu’elle occu­pait encore. Or, Marine Le Pen n’est plus au Par­lement européen.

La plu­part des chaînes de télévi­sion met­tent l’accent sur le sérieux du dossier judi­ci­aire, sur le refus de Marine Le Pen de recon­naître ses torts, mais oublient régulière­ment de par­ler de l’exécution pro­vi­soire qui prive un tiers des Français d’une can­di­date qui a une chance non-nég­lige­able d’emporter l’élection présidentielle.

Voir aus­si : L’inéligibilité de Marine Le Pen divise les médias

Adélaïde Hec­quet

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