Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Assassinés parce que chrétiens ? La question qui fâche après le massacre de Nashville

10 avril 2023

Temps de lecture : 10 minutes
Accueil | Veille médias | Assassinés parce que chrétiens ? La question qui fâche après le massacre de Nashville

Assassinés parce que chrétiens ? La question qui fâche après le massacre de Nashville

Temps de lecture : 10 minutes

Après un premier article sur la tuerie de Nashville perpétrée par une femme « transgenre », l’Ojim revient sur les silences coupables de la plupart des médias américains quant aux motivations du tueur.

Une per­son­ne « trans­genre » qui attaque une école chré­ti­enne est chose déli­cate à traiter pour les grands médias améri­cains de gauche et pour les autorités. La ques­tion cen­trale, qui devrait être de savoir si la moti­va­tion est chris­tianophobe, n’est pas posée dans les milieux de la bien-pen­sance trop occupés à accuser de trans­pho­bie ceux qui s’en éton­nent. La police a pour­tant infor­mé que la tueuse, une femme de 28 ans s’identifiant à un homme, avait lais­sé un man­i­feste et une let­tre de sui­cide mais, curieuse­ment, les autorités se refusent à ren­dre leur con­tenu pub­lic. On avait con­nu les mêmes autorités plus réac­tives et plus trans­par­entes pour pub­li­er et citer large­ment les moti­va­tions affichées par des tueurs classés « supré­ma­tistes blancs », pour ne citer qu’un exemple.

Pour rap­pel, le drame s’est déroulé le lun­di 29 mars à Nashville, la cap­i­tale du Ten­nessee, dans l’est des États-Unis. Afin de com­met­tre la tuerie qu’elle sem­blait avoir pré­parée depuis plusieurs mois, Audrey Eliz­a­beth Hale, une anci­enne élève de l’établissement visé qui se fai­sait désor­mais appel­er Aiden et demandait à être désignée par des pronoms mas­culins dans ses mes­sages sur Face­book, s’est présen­tée munie de trois armes à feu à l’école « Covenant School », une école privée appar­tenant à une con­gré­ga­tion presbytérienne.

À l’instar du jour­nal français La Croix, qui, le lende­main, titrait « L’auteur de la tuerie dans une école améri­caine pos­sé­dait sept armes à feu », les médias de la gauche pro-LGBT améri­caine, large­ment majori­taires, ont voulu cen­tr­er le débat sur le droit de pos­séder des armes, men­tion­nant à la marge le fait que la tueuse était suiv­ie par un médecin pour des trou­bles émo­tion­nels, mais omet­tant com­plète­ment d’envisager un crime à moti­va­tion christianophobe.

à l’inverse, un des grands jour­naux de références de la gauche pro­gres­siste out­re-Atlan­tique, le New York Times, soulig­nait, dans un arti­cle pub­lié dans le fil d’actualité du jour­nal le jour de la tuerie – sous le titre « L’église pres­bytéri­enne Covenant fait par­tie d’une dénom­i­na­tion évangélique con­ser­va­trice »  (Covenant Pres­by­ter­ian Church is part of a con­ser­v­a­tive evan­gel­i­cal denom­i­na­tion) –, le con­ser­vatisme de l’Église évangélique pro­prié­taire de l’école pour qui l’homosexualité, le trans­sex­u­al­isme et le « trans­gen­risme » sont des péchés. Mais plutôt que d’en faire émerg­er une ques­tion sur les moti­va­tions de la tueuse alors que les autorités se refu­saient tou­jours, une semaine après le crime, à divulguer ses écrits, le jour­nal se con­tente de sig­naler cela après la descrip­tion du crime, comme pour jus­ti­fi­er en par­tie le fait qu’une telle école puisse sus­citer des animosités.

Bien fait pour le pas­teur local dont la fille de neuf ans fait par­tie des trois enfants et trois adultes assas­s­inés ce jour-là ? Non, le New York Times ne va quand même pas jusque-là.

Mais chez l’autre grand jour­nal pro­gres­siste de la côte est, le Wash­ing­ton Post, c’est mal­gré tout d’abord de la sit­u­a­tion de la com­mu­nauté trans que l’on préfère s’inquiéter face à la ques­tion dérangeante posée par les politi­ciens et médias con­ser­va­teurs. Dans un arti­cle inti­t­ulé « La droite exploite la fusil­lade de Nashville pour ali­menter la rhé­torique anti-trans », le jour­nal­iste Fen­it Nirap­pil, spé­cial­iste des ques­tions de san­té et des ques­tions LGBTQ au Wash­ing­ton Post, s’en pre­nait le 30 mars aux « com­men­ta­teurs con­ser­va­teurs et politi­ciens répub­li­cains » qui « ont déclenché une nou­velle vague de rhé­torique anti-trans à la suite de la fusil­lade qui a fait six morts lun­di dans une école chré­ti­enne de Nashville, aggra­vant ain­si un retour de bâton plus général face à la vis­i­bil­ité crois­sante des per­son­nes trans­gen­res dans la vie publique ».

« Les ten­ta­tives de la droite pour associ­er la vio­lence aux per­son­nes trans­gen­res inter­vi­en­nent alors que ces dernières sont rarement les auteurs des fusil­lades de masse, qui sont en grande majorité le fait d’hommes cis­gen­res, selon les experts en jus­tice pénale », souligne le jour­nal­iste. « De plus, de nom­breuses études ont mon­tré que les per­son­nes trans­gen­res sont plus sus­cep­ti­bles d’être vic­times de vio­lences que les per­son­nes cis­gen­res », écrit-il encore en rap­pelant aus­si que « à Nashville, l’identité sex­uelle et le mobile du tireur restent flous ». L’article n’aborde d’ailleurs pas la prob­lé­ma­tique des attaques ver­bales et physiques con­tre les chré­tiens, mais unique­ment con­tre la « com­mu­nauté trans ».

Ceci sans toute­fois aller aus­si loin que le Trans Resis­tance Net­work (réseau de résis­tance trans) qui a pub­lié le jour du mas­sacre de six chré­tiens à Nashville, dont trois enfants de neuf ans, un com­mu­niqué affir­mant que la per­son­ne « trans­genre » à l’origine du mas­sacre avait  « estimé qu’elle n’avait pas d’autre moyen effi­cace d’être perçue que de se déchaîn­er en s’en prenant à la vie des autres ».

« La haine a des con­séquences », affir­mait en effet le groupe trans en con­clu­sion des pro­pos suiv­ants, qui suiv­aient un pre­mier para­graphe rap­pelant la pre­mière tragédie, celle des vic­times et de leurs proches : « La sec­onde tragédie, plus com­plexe, est celle d’Aiden ou Aubrey Hale, qui a estimé qu’il n’avait pas d’autre moyen effi­cace d’être perçu que de se déchaîn­er en s’en prenant à la vie des autres, et par voie de con­séquence, à la sienne. Nous ne pré­ten­dons pas con­naître l’individu ou avoir accès à ses pen­sées et sen­ti­ments pro­fonds. Nous savons que la vie des per­son­nes trans­gen­res est très dif­fi­cile et qu’elle a été ren­due encore plus dif­fi­cile au cours des mois précé­dents par une véri­ta­ble avalanche de lois anti-trans et par les appels publics de per­son­nal­ités et de fig­ures poli­tiques de droite qui ne deman­dent rien de moins que l’éradication géno­cidaire des per­son­nes trans­gen­res de la société. De nom­breuses per­son­nes trans­gen­res souf­frent d’anxiété, de dépres­sion, de pen­sées sui­cidaires et de stress post-trau­ma­tique en rai­son du rythme presque con­stant de la haine anti-trans, du manque d’acceptation de la part des mem­bres de leur famille et de cer­taines insti­tu­tions religieuses, du déni de notre exis­tence et des appels à la détran­si­tion et à la con­ver­sion for­cée. »

Effacé depuis par ce groupe rad­i­cal du lob­by trans, le com­mu­niqué a toute­fois été relayé, pour être dénon­cé, par plusieurs médias de droite, comme ici sur Bre­it­bart.

La même organ­i­sa­tion avait con­vo­qué une « Journée trans de la vengeance » pour le same­di suiv­ant devant le siège de la Cour suprême des États-Unis à Wash­ing­ton D.C., avec une affiche deman­dant rien de moins que l’arrêt du « géno­cide des trans ». Cette affiche ultra-rad­i­cale a d’ailleurs fait l’objet d’une cen­sure indis­crim­inée sur Twit­ter qui a sup­primé tous les mes­sages la relayant, y com­pris quand c’était pour la dénon­cer. Une cen­sure automa­tisée visant le mot « vengeance » qui con­tiendrait un appel ouvert à la vio­lence, même si le Trans Resis­tance Net­work, qui a finale­ment annulé la man­i­fes­ta­tion  en pré­tex­tant des risques pour la vie et la san­té des par­tic­i­pants, assure que ce n’était pas un appel à la violence.

Le 31 mars, le New York Post sig­nalait que la chaîne CBS News avait de son côté don­né à ses jour­nal­istes la con­signe de ne pas utilis­er le mot « trans­genre » pour qual­i­fi­er la tireuse de Nashville.

« La direc­tive de CBS News a été com­mu­niquée lors d’une réu­nion de rédac­tion tenue mar­di matin par Ingrid Cipri­an-Matthews, vice-prési­dente exéc­u­tive chargée de la col­lecte des infor­ma­tions, et Clau­dia Milne, vice-prési­dente prin­ci­pale chargée des normes et des pra­tiques », écrit le New York Post qui cite les con­signes don­nées : « Pour l’instant, nous con­seil­lons de dire que la police a iden­ti­fié le sus­pect comme étant AUDREY HALE, âgée de 28 ans, qu’elle a abattue sur place, et de se con­cen­tr­er sur d’autres points impor­tants de l’enquête, de la com­mu­nauté et des solu­tions. »

« Selon cer­taines sources », pour­suit le New York Post, « Cipri­an-Matthews et Milne ont passé 15 min­utes à dis­cuter de la direc­tive lors de l’appel de mar­di, ce qui a décon­certé de nom­breux jour­nal­istes, étant don­né que le chef de la police mét­ro­pol­i­taine de Nashville, John Drake, avait déclaré que Mme Hale était trans­genre et que son iden­tité pou­vait être per­ti­nente pour l’enquête. “C’est absurde parce que la police a iden­ti­fié Hale comme étant trans­genre”, a déclaré une per­son­ne de CBS. “Si les policiers n’en par­laient pas, on pour­rait peut-être l’éviter, mais cacher des infor­ma­tions n’est pas du jour­nal­isme.” La déci­sion s’est depuis lors reflétée dans la cou­ver­ture de la chaîne. Quelques heures après la fusil­lade, lun­di matin, la cor­re­spon­dante Janet Sham­lian avait indiqué dans l’émission “CBS Evening News with Norah O’Donnell” que Hale “s’identifiait comme trans­genre”. Toute­fois, à la suite de l’appel de CBS du mar­di, les men­tions de l’identité de genre de Hale ont cessé. »

Le site con­ser­va­teur Bre­it­bart sig­nalait aus­si le 1er avril – et ce n’était pas un can­u­lar – que cer­tains man­i­fes­tants rassem­blés devant le Capi­tole pour deman­der l’interdiction de la vente d’armes à feu à la suite de ce énième mas­sacre dans une école évo­quaient explicite­ment sept vic­times au lieu de six : les six per­son­nes tuées par Audrey Hale et Audrey Hale elle-même, qui a été abattue par la police.

Quelques heures après le mas­sacre per­pétré par la jeune femme trans dont le jour­nal anglais Dai­ly Mail affirme que son homo­sex­u­al­ité, puis son « iden­tité de genre », avaient été rejetée par ses par­ents chré­tiens, Jos­se­lyn Berry, l’attachée de presse du gou­verneur démoc­rate de l’Arizona, a pub­lié un tweet avec la pho­to d’une femme au regard déter­miné ten­ant un pis­to­let dans chaque main, prête à tir­er, sous le titre « Nous quand nous voyons des transphobes ».

Le 29 mars, le site Bre­it­bart sig­nalait égale­ment un jeu vidéo « anti-trans­pho­bes » sor­ti deux mois avant le mas­sacre com­mis par une femme « trans­genre » dans cette école pres­bytéri­enne de Nashville : « Un jeu vidéo met­tant en scène un héros trans­genre qui abat des cri­tiques des trans – y com­pris des prêtres – afin de per­me­t­tre aux joueurs de “libér­er [leur] fureur refoulée sur les tyrans cri­tiques du genre avec un arse­nal d’armes mortelles” a été pub­lié par un développeur de jeux trans deux mois avant la fusil­lade sur­v­enue lun­di dans une école chré­ti­enne de Nashville, dans le Ten­nessee », peut-on lire dans cet arti­cle. Fox News a par ailleurs pub­lié sur son site l’homélie d’un pas­teur « trans­genre » luthérien com­para­nt le sort subi par Audrey Hale et la com­mu­nauté trans au sort subi par Jésus sur la croix. Quant à la Mai­son Blanche, s’exprimant par la voix de son attachée de presse Karine Jean-Pierre, elle a tenu à pren­dre la défense de la com­mu­nauté trans qu’elle con­sid­ère comme étant « attaquée » par le camp con­ser­va­teur dans la foulée du mas­sacre de Nashville.

Mais sur Fox News, le célèbre jour­nal­iste Tuck­er Carl­son est d’un autre avis, et il expli­quait pourquoi dès le 29 mars, illus­trant com­bi­en il importerait de divulguer les moti­va­tions revendiquées par la tueuse, comme cela se fait d’habitude :

« Prenons l’exemple de la tuerie qui s’est déroulée lun­di à Nashville. La tueuse, une trans­gen­riste de 28 ans, s’est intro­duite dans une école pri­maire chré­ti­enne et a assas­s­iné trois enfants de neuf ans et trois adultes. Pourquoi a‑t-elle fait cela ? Dans un pays rationnel, c’est la toute pre­mière ques­tion que l’on se poserait. Dans notre pays, c’est la dernière ques­tion. En fait, elle n’est sou­vent jamais posée. Les rares fois où quelqu’un parvient enfin à s’interroger à voix haute sur le motif, nos dirigeants com­men­cent immé­di­ate­ment à men­tir, ce qui en dire long. (…) Juste avant d’ouvrir le feu, la tireuse de Nashville a écrit ces mots à sa meilleure amie sur Insta­gram : “Un jour, cela aura plus de sens. J’ai lais­sé der­rière moi plus qu’assez de preuves”. Ces preuves com­pren­nent un man­i­feste écrit dans lequel la tueuse explique exacte­ment pourquoi elle a tué des enfants. Le FBI, l’ATF, la police nationale et [le pro­cureur général] Mer­rick Gar­land ont tous accès à ce man­i­feste. Et pour­tant, le pro­cureur général nous informe qu’aucun motif n’a encore été iden­ti­fié. Eh bien, il ment. Ils mentent tous. Nous ne pou­vons pas voir ce man­i­feste parce que le lob­by trans­genre, qui a bien plus de pou­voir que vous, a fait pres­sion sur les politi­ciens pour qu’il reste caché, mais nous pou­vons être cer­tains de ce qu’il dit. Les vic­times de lun­di ont été assas­s­inées parce qu’elles étaient chré­ti­ennes. C’est aus­si sim­ple que cela. »

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés