Première diffusion le 30/04/2019
Un nouvel essai signé Mathieu Bock-Côté, cela attire toujours l’œil de qui ne se rend pas chaque jour à la soupe libérale-libertaire. Encore plus quand, et c’est le cas avec L’Empire du politiquement correct, ce récent opus analyse les médias officiels et leur collaboration avec l’idéologie politique dominante.
La voix du sociologue et essayiste politique québécois Mathieu Bock-Côté est très présente dans le débat public français, en particulier depuis la parution en 2016 de son essai consacré au « multiculturalisme comme religion politique ». De retour avec L’Empire du politiquement correct, Bock-Côté prolonge les thèses alors développées, dont celle depuis lors amplement validée de minorités diversitaires et agissantes ayant volonté d’imposer leurs conceptions du monde à toute la société, LGBT, décoloniaux et autres « racisés ».
Une situation médiatique nouvelle ?
Ce très récent essai intéresse cependant l’OJIM sur un autre plan, correspondant à son sous-titre : « Essai sur la respectabilité politico-médiatique ». Mathieu Bock-Côté, nourri de la lecture de ses contemporains, analyse le lien qu’il présente comme dominant entre politiques et médias, ce même lien sur lequel travaille l’OJIM. Dans ce cadre, l’essayiste montre que la mainmise sur « la mise en récit de la collectivité » est la condition de la domination de l’idéologie commune qui anime politiques et médias dominants, une domination qui passe par la censure (soft ou dure), la volonté de contrôle des réseaux sociaux et le rejet d’intellectuels considérés comme « infréquentables », quand bien même la parole leur aurait été auparavant donnée avant de leur être en partie retirée.
C’est en effet un des phénomènes actuels : des paroles et des conceptions du monde qui n’avaient il y a encore peu voix au chapitre que dans des marges sont maintenant présentes dans les pages de médias officiels ou sur les plateaux de chaînes d’information en continue : « Concrètement, écrit-il, le système médiatique officiel perd son monopole », en particulier du fait des réseaux sociaux où « il est désormais possible pour le peuple de se soulever contre les médias qui traditionnellement prétendaient parler pour lui ». Cependant, Bock-Côté insiste sur la naïveté qui consisterait à penser qu’il s’agit d’une acceptation de ces autres conceptions du monde : il y a là simple adaptation à une situation.
Une volonté de garder le contrôle idéologique
Sur le fond, les médias officiels contrôlent la liberté d’expression et veulent la censurer si elle « dérape ». Il y a donc des lois explicites et implicites qui régentent la vie publique en France et ce sont ces lois suivies par chacun des journalistes officiels, quand bien même pousserait-il des cris d’orfraie quand un Dupont-Aignan lui reproche de travailler pour le pouvoir. L’essai de Bock-Côté montre qu’actuellement ce n’est pas le jeu démocratique qui fixe la parole médiatique mais cette dernière qui organise un jeu pour le coup plus guère démocratique.
Pourquoi ? Les médias officiels diffusent une parole massivement uniforme, ce que l’OJIM démontre depuis sa création. Mathieu Bock-Côté qui ne craint de s’aliéner personne, fait ainsi par exemple l’éloge du travail réalisé par les sites accusés d’être de « réinformation », manière de leur refuser un statut d’information équivalent, et balaie d’un revers de bras la volonté de les réduire à une « fachosphère » imaginaire, tout comme l’est la sempiternelle reductio ad hitlerum, laquelle n’intéresse que ceux qui obsédés par leurs fantasmes politiques ne voient pas, par exemple, que la Ligue du Lol menace dans leur dos.
Fin du monopole médiatique
Le travail de ces sites, trouve considération dans ces pages : « La révolte contre les médias s’accompagne aussi d’une volonté de plus en plus explicite de décrypter le traitement qu’ils proposent de l’information en révélant son sous-texte idéologique (…) La plupart produisent moins de l’information eux-mêmes qu’ils n’entendent hiérarchiser autrement l’information déjà disponible et prétendent proposer une autre lecture de l’actualité, à partir d’une autre vision du monde – ce qui consiste à dire que le système dominant en a une aussi. Ils contestent autrement dit le monopole du récit légitime réclamé par le système médiatique sur la description du réel. Souvent ils sont associés de manière énigmatique à la fachosphère, sans qu’on ne sache trop pourquoi exactement la critique de la narration médiatique dominante devrait être symptomatique d’un fascisme plus ou moins avoué ».
Un essai à lire avec gourmandise.
Mathieu Bock-Côté, L’empire du politiquement correct, Cerf, 2019, 297 p, 20 €