Le Média, la chaine de télévision qui doit être lancée le 15 janvier 2018 par des personnalités proches de la France Insoumise et de Jean-Luc Mélenchon, peine à cacher ses origines politiques sous des oripeaux associatifs. Et ce bien que plusieurs figures de la presse de gauche ont rejoint l’aventure, notamment Aude Lancelin, virée du Nouvel Obs pour avoir été trop à gauche.
Avec elle et Aude Rossigneux, rédactrice en chef depuis le début du projet, on retrouve Serge Faubert, employé chez France-Soir (2005–2006) puis à Bakchich.info, puis rédacteur en chef de Jeune Afrique (2008–2009) et de Quoi.info (2011–2012) avant de rejoindre le cabinet de Jean-Paul Huchon quand il était président de la région Ile de France (novembre 2013 – mars 2014). Il y aussi Catherine Kirpach, ancienne de LCI ou Marc de Boni, ancien grand reporter au Figaro, mais qui a aussi écrit pour Libération. Sans oublier le journaliste franco-camerounais Théophile Kouamouo, Léa Ducré, qui a travaillé pour la télévision vietnamienne, mais aussi L’Orient le Jour, Marianne ou encore Le Monde des Religions, sans oublier Reda Settar, JRI et programmateur sur les émissions du service public.
Bref, une équipe venue d’horizons divers – mais essentiellement de la gauche – auxquelles s’ajouteront Noël Mamère – qu’on ne présente plus – et Bernard Cassen, ex-directeur du Monde Diplomatique, président d’honneur d’Attac, comme chroniqueurs. Aude Rossigneux imposera à tous de remplir une déclaration d’intérêts mentionnant ses activités antérieures ou actuelles, journalistiques ou de communication – cet outil servira-t-il à mieux informer les lecteurs ou à filtrer les voix autorisées et interdites sur la nouvelle Pravda de la France Insoumise ?
Une grosse zone d’ombre subsiste cependant sur la place des « socios », présentés comme les actionnaires participatifs du Média. Censés intervenir sur les choix stratégiques comme « copropriétaires » de la société d’après Sophia Chikirou, cofondatrice du Média et ancienne directrice de communication lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, ils ne sont pourtant toujours pas représentés ni au sein du Média – dont le site diffuseur est la propriété de Sophia Chikirou, remarque Médiapart – ni au sein de l’association. Du reste en droit français la notion de « copropriétaires » n’existe pas au sein d’une association.
« À ce jour, chacun des plus de 9 000 contributeurs est donc censé être propriétaire d’un “titre” d’une société qui n’a aucune existence légale », poursuit Médiapart. Le site internet du Media donne une piste : « Le Média pourra se transformer à l’avenir en coopérative. Dans un tel cas, et selon les modalités que l’association arrêtera, le droit d’entrée sera soit converti en participation dans la nouvelle structure, soit virtuellement remboursé et immédiatement réinvesti dans la coopérative créée ».
Cependant, malgré la récupération de 1,11 millions d’euros par Le Média, rien ne filtre sur la façon précise par laquelle cette somme sera convertie en droits pour les « socios ». D’autant que ça cloche aussi dans leur représentation. Le Média sera, d’après son règlement intérieur, constitué de trois collèges : les fondateurs (Sophia Chikirou et Gérard Miller), les sociétaires (les socios) et les « membres-correspondants » qui auront seuls le droit de vote en assemblée générale. Or, tous sont égaux mais certains plus que d’autres : ceux-là seront « cooptés par le bureau pour leur contribution notable à la réalisation des objectifs de l’association ». Sur quelles bases ? Mystère encore, mais il semble que les petits tuyaux et les grandes entourloupes des démocraties populaires n’ont pas été oubliés par La France Insoumise. Au risque que l’opacité quasi-revendiquée ne revienne comme un boomerang.