Mediacités est un média web d’investigation locale. Il s’est fixé pour mission de mener des enquêtes sur des sujets concernant les métropoles de Nantes, Lille, Lyon et Toulouse. Il complète ainsi la presse quotidienne régionale (PQR) plutôt consacrée à l’actualité qu’à l’investigation. Or, dans ce domaine, l’honnêteté journalistique est presque plus importante que dans le journalisme d’actualité, tant une enquête à charge peut être nocive, quelle que soit par ailleurs la véracité de ses accusations. Jetons un coup d’œil.
Mediacités, Médiapart au capital
Les fondateurs de Mediacités, déclaré au Greffe du Tribunal de Commerce de Paris en octobre 2016, ont souhaité bâtir un média qui réponde à « l’esprit de transparence, de fiabilité et d’indépendance d’une entreprise de presse digne de ce nom ». Son capital est détenu pour moitié (56%) par ses fondateurs, à 40% par des investisseurs et à 4% par la Sociétés des Amis de Mediacités, qui compte 75 sociétaires et permet, selon Mediacités, « une forme d’actionnariat populaire de presse. » « Chacun est, à sa mesure, co-propriétaire de Mediacités. » Il existe donc plusieurs façons de soutenir le média : le don simple, puis, entre 200 et 5 000 euros, l’investissement dans la Société des Amis de Mediacités, et enfin, au-dessus de 5 000 euros, l’investissement direct au capital. Mediacités précise que ses quarante actionnaires « partagent nos valeurs », ce qui est une précision peu courante. Quant à savoir de quoi sont faites ces valeurs, peut-être la présence de Mediapart parmi les actionnaires peut-elle en donner une idée.
Des ambitions nobles en affiche
Mediacités garantit son indépendance totale à l’égard de ses actionnaires et des différents pouvoirs, qu’ils soient « publics, politiques, économiques, idéologiques et religieux », estimant que c’est là « la condition indispensable à une information crédible et de qualité. » On ne saurait au reste lui donner tort. Un journaliste qui ne s’autorise que certains sujets ou angles pour éviter de froisser manque à une partie de son devoir d’informer. Gageons en souriant que cette affirmation est sincère, et que Mediacités ne dit jamais que ce dont ses journalistes très engagés sont convaincus. Ajoutons que, étant donné que selon les mêmes engagements, « aucun texte ne peut être imposé à sa rédaction », Mediacités soutient tous les textes présents sur son site. Cela englobe les tribunes, ce qui n’est pas forcément évident. Bien des médias se dégagent de toute responsabilités concernant ce type de contenu.
Des tribunes immigrationnistes à sens unique
Fin février 2024, Mediacités publiait une tribune intitulée « Mettre fin à la chasse aux mineurs isolés », et signée notamment par La Cimade, le Secours Catholique, La France Insoumise, le CCFD, la CGT, EELV, Médecins du Monde, Solidaires. Cette tribune demandait aux pouvoirs publics « de prendre en charge ces jeunes étrangers isolés dont la minorité est contestée par le conseil départemental. » Au nom du « droit inconditionnel à un hébergement d’urgence », les signataires demandent la fin de la « chasse aux mineurs isolés », et l’ouverture d’un dispositif d’aide administrative, juridique et matérielle. La tribune se conclut par l’exigence suivante : « Un logement et des papiers pour toutes et tous. » Si les tribunes n’engagent pas nécessairement les rédactions, force est de constater que chez Mediacités, celles qui concernent les « mineurs isolés » sont en systématiquement leur faveur. Pourtant, selon sa charte, Mediacités « s’engage à produire une information de qualité, vérifiée, indépendante, engagée mais non partisane. » Que les tribunes soient partisanes, c’est assez normal. Mais pourquoi vont-elles toujours dans le même sens ? Mediacités ne reçoit-il que celles-là, ou refuse-t-il les autres ? Sans doute les deux.
Des enquêtes orientées
Il y aurait pourtant bien des questions propres à l’enquête locale sur ce sujet : les mineurs isolés ont‑ils bien l’âge qu’ils prétendent ? Combien coûte leur entretien aux municipalités concernées ? Quelles sont les conséquences de leur hébergement d’urgence pour les utilisateurs des lieux réquisitionnés, qu’il s’agisse d’écoles, de gymnases, de lieux culturels ? Autant de sujets qu’un média d’investigation pourrait traiter, et sur lequel il serait même attendu, car ils concernent directement les locaux, qui voient lesdits mineurs isolés dans leurs rues et ne peuvent profiter normalement des gymnases payés par leurs impôts. Pourtant, ces sujets, Mediacités les oublie.
Vive les éoliennes !
Cette partialité, on la retrouve au reste dans toutes les enquêtes. Prenons les éoliennes. On trouve plusieurs papiers regrettant le sabordage des subventions. Il serait intéressant de se pencher sur les critères d’attribution de ces dernières et la façon dont les promoteurs profitent de l’argent des contribuables, mais non. Il ne s’agit que de veiller à ce que les éoliennes en reçoivent leur part, quelle que soit la gestion qu’elles en font. Quant aux conséquences largement documentées des éoliennes sur la biodiversité, Mediacités en parle, il faut le reconnaître. Pour confronter, sans analyse journalistique, les arguments des promoteurs avec ceux des défenseurs des oiseaux ou des riverains opposés aux projets. La charte du média se réfère pourtant aux obligations du journaliste qui « examine avec rigueur et vigilance critique les informations, documents, images, sons et prises de position qu’il collecte ou qui lui parviennent. » Où sont l’examen et la vigilance, quand il ne s’agit que de retranscrire ?
Mediacités, aujourd’hui présent dans quatre grandes villes françaises, a les moyens de mener ses recherches à sens unique. Et pourquoi pas un « Médiavilles » conservateur qui ferait un pendant utile ?