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Médiapart censure sans censurer : Edwy Plenel champion de la dialectique !

4 janvier 2017

Temps de lecture : 6 minutes
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Médiapart censure sans censurer : Edwy Plenel champion de la dialectique !

Temps de lecture : 6 minutes

Les lecteurs du site bien connu les-crises.fr animé par Olivier Berruyer ont pu prendre connaissance, le 31 décembre dernier, d’un incident survenu entre la rédaction de Médiapart et l’un de ses abonnés qui intervenait sous le pseudonyme de « Swank » et dont le blog est accessible sur internet pour les non abonnés à MDP.

Ce dernier a écrit un arti­cle posté le 12 décem­bre 2016 sous forme d’une Let­tre ouverte aux jour­nal­istes de Médi­a­part (et à quelques autres) con­damnant la ligne édi­to­ri­ale du « jour­nal par­tic­i­patif » à pro­pos de la crise syri­enne, l’as­sim­i­lant à un matraquage édi­to­r­i­al d’in­spi­ra­tion atlantiste.

L’au­teur s’en prend cor­recte­ment, mais avec vir­u­lence, au par­ti-pris du jour­nal, avéré selon lui. Il met en cause un débat organ­isé par la rédac­tion en présence d’Edwy Plenel à pro­pos d’Alep dont « tous les inter­venants pen­saient la même chose », fait un lien avec le jour­nal Le Monde dont Edwy Plenel a été l’un des dirigeants ; bref, il fait part non sans tal­ent de son indig­na­tion qui peut paraître fondée quand on aspire à une presse plus ou moins hon­nête et plu­ral­iste. Surtout lorsque l’on a fondé quelque espoir que Médi­a­part puisse représen­ter une alter­na­tive crédi­ble au con­formisme général­isé des grands médias français.

Mais voilà que l’« équipe de mod­éra­tion » du jour­nal, de ser­vice ce week-end là, aurait décidé de son pro­pre chef (si l’on en croit Edwy Plenel dans sa sur­prenante mise au point évo­quée ci-dessous) de sup­primer le bil­let en ques­tion avant que Edwy Plenel ne décide, du haut de son autorité apparem­ment sou­veraine, de le remet­tre en ligne. Aupar­a­vant, « Swank » avait dénon­cé cette cen­sure sous le titre « Juste une mise au point ».

Plenel intervient en personne sur le « mode Plenel »

Ceci resterait anec­do­tique pour les citoyens non abon­nés au jour­nal en ligne, si la réponse de Edwy Plenel, amu­sante à cer­tains égards, ne don­nait pas à l’af­faire un reten­tisse­ment regret­table du fait du renom de ce « grand jour­nal­iste » sur la place publique. Car Edwy Plenel a pris la peine d’écrire à Swank une réponse sous le titre « Com­men­taire de Edwy Plenel en réponse».

Pre­mier élé­ment intéres­sant, Edwy Plenel ras­sure en spé­ci­fi­ant «… nous avons repub­lié… », tout en met­tant en cause « l’équipe restreinte chargée de la per­ma­nence du week-end », pour aus­sitôt l’ex­onér­er au motif qu’elle aus­si a le droit d’être « énervée et dégoûtée » (terme repris du papi­er de Swank), ce qui est une approche inhab­ituelle de ce que l’on attend de jour­nal­istes professionnels.

Puis vient la con­tre attaque clas­sique, laque­lle est sus­cep­ti­ble de don­ner un éclairage sur la respon­s­abil­ité réelle de Edwy Plenel dans cette his­toire. Il y qual­i­fie notam­ment les pro­pos de Swank de « dén­i­gre­ment aveu­gle, tis­sé de préjugés et de men­songes, d’a­mal­games et d’ex­com­mu­ni­ca­tions dans le déni de toute vérité de ce qu’est ce jour­nal ». On recon­naît là la prose d’un grand excom­mu­ni­ca­teur devant l’éter­nel qui a par exem­ple traité de « moi­sis » les opposants à l’ar­rivée des « réfugiés » en UE.

Et sur­git le morceau de bravoure où l’on s’in­surge con­tre l’ac­cu­sa­tion d’at­lantisme qui serait la ligne édi­to­ri­ale de MDP et sa prox­im­ité avec la doxa des médias main­stream. On con­tin­ue avec les mots « dia­boli­sa­tion, insul­ter, cam­pagne d’aveu­gle­ment par­ti­sane, vision com­plo­tiste du monde (tiens tiens) », etc.

Après cette sor­tie en tout point con­forme aux cri­tiques adressées par les « grands médias » aux récal­ci­trants qui n’ac­ceptent pas les infor­ma­tions man­u­fac­turées que nous sert notre presse « faite par des pro­fes­sion­nels » (l’indig­na­tion est en effet un bon out­il pour délégitimer l’ad­ver­saire du jour), vient l’ap­proche déon­tologique et le rap­pel des principes de la « Charte édi­to­ri­ale » de Médi­a­part.

Plenel ayant accusé Swank de « dén­i­gre­ment », il rap­pelle oppor­tuné­ment que le dén­i­gre­ment est pro­scrit par la Charte. Cela ne vous rap­pelle rien ?

Il pour­suit alors avec le pen­dant moral d’un tel com­man­de­ment, au demeu­rant jus­ti­fié sur le plan de la déon­tolo­gie jour­nal­is­tique, et ouvre son argu­men­taire en se référant aux « 128 000 abon­nés » qui font la force de MDP, avant de brandir la table de la loi : « Nous ne pou­vons accepter que les espaces con­tribu­tifs soient pris en otage par des cam­pagnes de dén­i­gre­ment… », etc.

Ren­dons jus­tice à Edwy Plenel et à ses col­lègues : les con­tri­bu­tions sur MDP sont fil­trées à pos­te­ri­ori et non à pri­ori, avant pub­li­ca­tion, ce qui fait pour une part notable l’o­rig­i­nal­ité de ce jour­nal. En « bon » pam­phlé­taire, Edwy Plenel ter­mine en citant la déc­la­ra­tion des droits de l’homme et du citoyen » (« préam­bule de la Con­sti­tu­tion de l’An I »), boucli­er impa­ra­ble con­tre les critiques.

La dépub­li­ca­tion aura donc été « éphémère », et se veut un rap­pel au principe de bas de la Charte.

Comprendre les « tables de la loi » selon Plenel

L’équipe de mod­éra­tion du week-end était fatiguée et frag­ilisée. Elle a donc eu une lec­ture de la Charte sans doute erronée qui l’a con­duite à « dépub­li­er » le papi­er en ques­tion. Elle été désavouée par Edwy Plenel. Par respect de la charte ? Pourquoi pas.

Edwy Plenel dans son immense sagesse décide donc de pass­er out­re, et s’as­soit sur la Charte et/ou le pro­fes­sion­nal­isme à ses yeux frag­ile de l’équipe en ques­tion, quelle qu’en soit la qual­ité réelle par ailleurs, por­tant dans tous les cas grave­ment atteinte à sa légitimité.

Mais il use de ce désaveu de ses pro­pres troupes pour immé­di­ate­ment le muer en « aver­tisse­ment » à l’en­con­tre du con­trevenant, ten­tant d’in­fan­tilis­er son abon­né en lui sig­nifi­ant que c’est une leçon. Le gar­ne­ment ne devrait plus se ris­quer à met­tre en cause la ligne édi­to­ri­ale de son jour­nal tel qu’il la perçoit, ce qui pour­tant devrait sus­citer une réponse argu­men­tée et non de sim­ples rap­pels à l’ordre. Car en vérité, un quo­ti­di­en a tou­jours loisir de mon­tr­er la place éventuelle faite à ceux qui ne par­lent pas tout à fait son lan­gage. Si la Charte a été bafouée, pourquoi repub­li­er ? Si tel n’est pas le cas, pourquoi atta­quer si féro­ce­ment Swank ? Mystère.

Pour en arriv­er là, Edwy Plenel aura fait le détour par l’indig­na­tion habituelle ren­voy­ant à des principes uni­versels qui ont le mérite d’éloign­er le débat du con­cret, hic et nunc.

Or, cha­cun peut con­stater en par­courant au moins ses unes que Médi­a­part opte fréquem­ment pour la rus­so­pho­bie, le mul­ti­cul­tur­al­isme, l’u­ni­ver­sal­isme mon­di­al­iste, et que son traite­ment de la poli­tique inter­na­tionale se démar­que peu de celle de ses grands con­frères. En bref, son dis­cours s’ap­par­ente sou­vent à la doxa véhiculée par les médias « oli­gar­quisés ». Pourquoi pas ?

Mais peut-être faudrait-il en ce début 2017 chang­er de logi­ciel et de méth­ode pour rester crédi­ble. Dénon­cer des accu­sa­tions au demeu­rant de peu de portée au vu de la notoriété con­fi­den­tielle de l’abon­né pour pro­longer avec hargne un dis­cours « des valeurs » (tiens tiens…) com­mence sans doute à lass­er. Mme Clin­ton en sait quelque chose !

Si Edwy Plenel aban­don­nait les « tables de sa loi » pour retrou­ver l’acuité et la déon­tolo­gie d’un jour­nal­iste sim­plex, peut-être pour­rait-il n’avoir plus à répon­dre à des abon­nés en colère sur le ton d’un réquisi­toire d’un autre temps. Mais cela regarde ces derniers. Bien­v­enue donc en 2017 avec Médi­a­part !

Sources : les-crises.fr du 31 décem­bre, Swank blog Médi­a­part. La réponse de Edwy Plenel fig­ure en commentaire.

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