Première diffusion le 24 mai 2023
Jusqu’au 21 mai 2023, le nom de l’institut Iliade pour la longue mémoire européenne, créé en 2014 dans le droit fil des travaux et de la mémoire de l’historien Dominique Venner, était peu connu sinon des participants à son colloque annuel. Depuis l’interdiction d’un hommage privé (sur invitations) à Dominique Venner, l’Institut liade est devenu une des nouvelles victimes de la censure préventive. Récit d’un itinéraire, qui part des archives de la police, émerge dans un article de Médiapart, et aboutit comme en boucle à une interdiction de la préfecture de police de Paris.
Un article de Médiapart du 19 mai sert d’indicateur de police
Retenez les dates, l’hommage privé à Dominique Venner devait avoir lieu le dimanche 21 mai à 15 heures. Deux jours avant, le vendredi 19 à 17 heures, Nicolas Lebourg publie sur Médiapart un papier « Dix ans après la mort de Dominique Venner, l’extrême droite européenne commémore son samouraï ». Les bases de cet article sont d’après l’auteur :
« Les informations ayant nourri cette analyse proviennent des fonds d’archives, les plus importants utilisés étant ceux du dossier de poursuite contre le réseau Jeune Nation par la cour de sûreté de l’État, et ceux des Renseignements généraux sur les divers groupuscules qu’a animés Dominique Venner entre 1958 et 1968. »
Soit des sources militaires et policières auxquelles tout le monde n’a pas accès. Dont acte. Ce dossier est une suite d’extraits de rapport de police et des RG réécrits à la hâte. Pour la curiosité, l’auteur cite longuement des rapports de psychiatres interrogeant Dominique Venner lorsqu’il fut incarcéré. Ces rapports sont plutôt élogieux, mais la tentative de définir l’adversaire comme une sorte de malade mental est évidente. La suite est un fourre-tout mal rédigé mais à charge. Là n’est pas le plus important, ce qui compte c’est la chronologie.
De Médiapart à l’interdiction
L’article paraît à 17 heures, le soir même le vendredi 19 (voir infra), la préfecture de police interdit l’hommage privé organisé le dimanche 21 à 15h. Les motifs de l’interdiction reprennent largement ou paraphrasent une bonne partie du dossier de Nicolas Lebourg.
- Action : l’article.
- Réaction : l’interdiction.
La préfecture de police publie son arrêté d’interdiction le 19 au soir. Mais elle le notifie tardivement (par erreur ?) à François Bousquet – orateur mais non organisateur de l’hommage – alors en déplacement en province, le samedi 20 à 15h30. L’Institut Iliade dépose le même jour deux référés liberté à 18 heures et 19 heures. Le tribunal administratif répond le lundi 22 au matin indiquant que les juges des référés n’ont pas eu le temps matériel de statuer et rejetant la plainte car dépassée, l’évènement interdit devant avoir eu lieu la veille.
Où certains médias servent de poisson pilote
Les liens de Médiapart avec certains services de police et de la magistrature ne sont un secret pour personne. De bons esprits pourront s’interroger sur la chronologie de l’affaire et en tirer les conclusions qu’ils jugent utiles.
Extrait des attendus de l’interdiction
L’arrêté signé Laurent Nuñez, préfet de Paris reprend une bonne partie de l’article (sous une autre forme) de Médiapart et stipule entre autres « Il existe des risques sérieux pour que à l’occasion de cet hommage, des propos incitant à la haine et à la discrimination envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion soient tenus…de nature à mettre en cause la cohésion nationale et les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». ». De facto, la préfecture préjuge de ce qui pourrait être dit, véritable invention de la censure préventive. Un retour à 1984 de George Orwell et son arrêt du crime.
Voir aussi : La méthode Médiapart, vue par Pierre Péan dans Le Monde diplomatique
Nota Bene, Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme (Ojim) est également secrétaire de l’Institut Iliade