Après l’alignement de la TVA de la presse en ligne au même taux que celui de la presse écrite, Médiapart se lance dans un nouveau combat : obtenir un statut de société à but non lucratif ouvert au mécénat et aux donateurs.
Edwy Plenel l’avait déjà évoqué à la mi-mars, lors de la conférence de presse organisée pour les 6 ans du site : il souhaite faire de Médiapart une « société de presse à but non lucratif », qui serait « détenue par un fonds de dotation ». Les bénéfices dégagés serviraient alors « à payer les salaires, à se développer, et non à récompenser des actionnaires ». Pour lui, ce statut pourrait être « une solution vertueuse au problème de sous-financement de la presse ».
Telle que la loi est actuellement conçue, elle ne permet pas à la presse commerciale de disposer de ce type de statut, à mi-chemin entre l’association et la fondation. « En l’état, les champs couverts par les fonds de dotation sont des activités caritatives, culturelles… La presse n’est pas explicitement citée : il faut faire évoluer le texte », a plaidé Marie-Hélène Smiéjan directrice administrative et financière de Médiapart.
Le fonds de dotation est né en 2008, « de la volonté du gouvernement précédent de créer un outil souple pour favoriser l’arrivée de fonds privés dans des activités d’intérêt général. Le fonds de dotation s’adresse aux personnes fortunées qui ont un projet philanthropique, mais qui se sont découragées devant les délais, les contraintes administratives, et le regard de l’État qu’imposent les fondations », a expliqué à Libération l’avocat Lionel Devic.
Ces fonds, au nombre de 1500 aujourd’hui en France, ont des statuts presque identiques à ceux des fondations avec, par exemple, des exonérations fiscales pour le fonds comme pour les donateurs. Très facile à constituer, le fonds de dotation présente en plus l’avantage de ne pas avoir de représentant de l’État à son conseil d’administration. Un gage d’« indépendance » selon Marie-Hélène Smiéjan.
Ce statut permettra également aux fondateurs et amis de Médiapart de garder le contrôle de leur titre, « ce que n’ont pas réussi à faire les sociétés de rédacteurs du Monde et de Libération », a précisé Edwy Plenel, soulignant qu’il fallait « réinventer l’écosystème des médias ». « Il nous faut mobiliser dans une logique de majorité d’idée pour refonder notre système face aux risques de crises des médias » pour éviter à la fois « la dépendance aux mécènes » ainsi que le « dépendance étatique », a‑t-il conclu.
Pour faire évoluer la loi et ouvrir ce type de statut aux journaux, encore faut-il démontrer que la presse remplit une mission d’intérêt général, et non commerciale… « Pour démontrer la mission d’intérêt général, et donc recevoir des dons déductibles, il faudra démontrer que la gestion de la société est faite de façon désintéressée », par exemple, avec des membres du conseil d’administration non rémunérés, a souligné M. Devic.
Mais où en est l’État à propos de cette évolution ? Justement, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti vient tout récemment d’abonder en ce sens devant un parterre de patrons de presse conviés pour une conférence sur le secteur au ministère. Son cabinet a d’ailleurs précisé qu’un texte de loi pourrait être soumis au parlement « à l’automne ».