Deux semaines après l’annonce de la suspension des médias publics américains diffusés à l’étranger, dont principalement VOA (Voice of America), destiné au continent africain, Radio Free Asia, Radio Free Europe et le groupe MBN (Middle East Broadcasting Network, qui diffuse notamment la chaîne d’expression arabe Al-Hurra), des résistances commencent à se former autour de ce dernier îlot qui continue à porter une certaine voix de l’Amérique dont le président Donald Trump ne veut plus.
Financement limité
Pour rappel, le président américain a signé le 14 mars dernier un décret exécutif réduisant, supprimant ou limitant le financement de sept agences gouvernementales, dont l’USAGM (Agence des États-Unis pour les médias mondiaux), qui supervise plusieurs médias internationaux.
Propagande américaine
Depuis le 17 mars, un hashtag alarmant “#إغلاق_قناة_الحرة” (#Chaîne_Alhurra_Fermeture) a été lancé par des détracteurs de cette chaîne, nombreux dans les milieux souverainistes arabes, et heureux d’annoncer la fin d’un média (avec quelques plateformes qui y sont affiliées, dont notamment Maghreb Voices) qualifiés d’instrument de propagande et de domination américaines.
Les employés d’Al-Hurra auraient-ils reçu un préavis de 30 jours ?
Après la décision annoncée par le Congrès américain de fermer la chaîne Al-Hurra, des sources évoquent un préavis de 30 jours signifié aux employés, tandis que d’autres font état d’une fermeture imminente. Pendant ce temps, la chaîne continue à diffuser le plus normalement du monde (ou paraissant comme telle), et son site à publier des comptes-rendus quotidiens de l’actualité régionale et internationale, tout en se payant le luxe d’héberger les productions d’un autre site du même groupe, Aswat Magharibiya, qui, lui, a été contraint très tôt de fermer boutique.
La direction de MBN porte l’affaire au tribunal
The National précise que le groupe MBN aurait informé son personnel de la réception d’une lettre de Kari Lake de l’USAGM concernant la résiliation de l’accord de subvention. Lors de l’émission « Inside Washington » sur Al-Hurra, le 23 mars 2025, le PDG du MBN, Jeffrey Gedmin, accompagné de l’ambassadeur Ryan Crocker, ne désespéraient pas de voir les autorités revoir leur décision, en rappelant « le rôle crucial » d’Al-Hurra en tant que «tribune indépendante» et «voix objective dans une région sujette à la désinformation». Deux questions ont été soulevées dans le débat. D’abord :
« Qui décide des dépenses dans notre système constitutionnel : le Congrès ou la présidence ? »
La seconde :
« Au moment où les ennemis des États-Unis dépensent des millions de dollars pour la propagande, est-ce le moment opportun pour notre gouvernement d’abandonner la bataille des idées ? »
La direction a annoncé son intention de contester la décision de fermeture devant les tribunaux.
La suppression de l’USAID touche le public maghrébin
Parmi les médias sacrifiés sur l’autel de la politique protectionniste américaine, Aswat Magharibiya, dédié à la région du Maghreb. Sa fermeture divise néanmoins les internautes, entre ceux qui regrettent un média qui rend compte «en toute liberté et loin de la censure» qui prévaut dans les pays de la région, et ceux qui, nombreux notamment en Algérie, lui reprochent de faire la part belle au Maroc, au détriment des autres pays.
Lancée en mai 2017 par le groupe MBN, cette plateforme ambitionnait de créer un espace où les discussions peuvent se tenir librement, sans censure, sur des enjeux régionaux cruciaux. Elle a réussi à tisser un large réseau de correspondants couvrant les cinq pays de la sous-région, et s’est vite imposée sur la scène médiatique devant des plateformes richement dotées, telles que Ultrasawt, créés par un groupe qatari, dans le cadre des guerres d’influence que se livrent les monarchies du Golfe dans la région du Maghreb.
Le site a cessé ses publications en ligne. Mais, son adresse (maghrebvoices.com) est, à ce jour, redirigée vers le site d’Al-Hurra, avec le maintien de son propre logo. Signe aussi d’une résistance tenace, le média reste présent et actif sur les réseaux sociaux tels que Facebook, TikTok et YouTube.
Mussa A.