Une première dans la médiasphère, en Belgique le 15 novembre : un journaliste, Christophe Deborsu, sur la Chaîne RTL TV1, menace d’exclure du plateau un écrivain d’origine turque vivant en Belgique, Bahar Kumyongur, s’il persiste a vouloir démontrer que Daesh et les mouvements djihadistes sont soutenus par les occidentaux.
Face aux protestations de l’expert turc, le journaliste répond tranquillement : « effectivement, Monsieur Kumyongur, vous êtes un peu muselé puisque vous racontez des choses qui ne me conviennent pas… ». Les invités des médias n’auraient-ils donc le droit de parler que dans la mesure où ce qu’ils racontent convient au journaliste qui les invite ? Cela a au moins le mérite de la franchise.
Scénario plus ou moins similaire, en un peu moins brutal, sur France 2, le 19 novembre. L’expert en djihadisme Mohammed Sifaoui, se fait sèchement remettre à sa place par Julian Bugier parce qu’il s’étonne de la contradiction apparente du système qui consiste, au nom de la laïcité, à déplorer la prolifération du voile et du foulard islamique dans l’espace public, tout en faisant de la mère d’un des jeunes parachutistes assassinés par Mohamed Merah, une icône de la tolérance qui va porter la bonne parole laïque dans tous les collèges et lycées de France. Or cette femme, ostensiblement, porte le foulard islamique. « Ce débat n’a pas sa place sur ce plateau », lance un Julian Bugier visiblement agacé. Face à l’insistance de Sifaoui qui veut aller jusqu’au bout de son idée, le journaliste de France 2 rétorque, afin de clore le débat : « c’est un avis très personnel, je pense que tout le monde ne partage pas votre analyse ». Il faudrait donc pour venir commenter l’actualité, donner un avis qui ne soit pas personnel et qui corresponde, autant que possible, à ce que « tout le monde » pense ?
Au-delà de l’effet de sidération des images, des commentaires en boucle et des slogans émotionnels, examinons quelques questions que l’on n’a pas vraiment vu émerger dans le concert médiatique. Des questions auxquels les responsables politiques et les faiseurs d’opinion ne devraient plus pouvoir échapper :
Pourquoi les frontières jusque-là présentées, au mieux comme inutiles, et souvent comme dangereuses, deviennent soudain une condition indispensable de notre sécurité ?
Pourquoi la Hongrie a‑t-elle subi une telle avalanche de condamnations morales pour avoir fermé ses frontières à la vague migratoire, alors que l’on nous explique maintenant que Schengen ne fonctionne pas parce que les pays qui ont des frontières hors UE ne respectent pas leurs engagements européens de contrôler ces frontières ?
Pourquoi le gouvernement français s’est-il acharné à exiger le départ de Bachar el-Assad comme préalable à toute négociation ? Pourquoi a‑t-il refusé d’échanger des informations avec les services syriens sur les terroristes français présents en Syrie ?
Pourquoi les Américains et leurs alliés occidentaux n’ont militairement pas ébranlé Daesh après plus d’un an de bombardements intensifs qui se sont traduits, nous dit-on, par plus de 4000 attaques sur les positions de l’Etat islamique ?
Pourquoi n’a‑t-on pas averti les Français que plus de 10 000 activistes étaient fichés S ? Pourquoi a‑t-il fallu attendre les massacres du 13 novembre pour lancer des centaines de perquisitions dans les zones à risque afin de retrouver des armes de guerre et d’interpeller des dizaines d’activistes ?
Pourquoi, dans le même ordre d’idée, ne donne-t-on pas aux Français une idée précise de la situation des mosquées au regard de l’influence des groupes fondamentalistes ?
Pourquoi un terroriste potentiel pouvait-il travailler comme machiniste à la RATP sans jamais être signalé? Alors que certains experts évoquent les risques d’infiltration dans le personnel des centrales nucléaires et la présence manifeste de réseaux fondamentalistes parmi les employés des aéroports, une dernière question : pourquoi les gouvernements successifs ont-ils laissé ce type de situation se créer ?
Une liste non exhaustive de questions que chacun peut compléter à sa guise On attend la réponse des médias.