« Crime d’État », le téléfilm de Pierre Aknine sur l’affaire Boulin, diffusé mardi 29 janvier 2013 sur France 3 a réuni 3 millions de téléspectateurs (11% des parts de marché). C’est la première fois qu’il est dit sur une chaine de service public que le ministre de Giscard, officiellement « suicidé », a été assassiné par une officine liée à l’État.
Englué dans un scandale foncier qui l’avait fait sombrer dans la dépression, Robert Boulin se serait donné la mort en se noyant dans un étang de la forêt de Rambouillet durant la nuit du 29 au 30 octobre 1979 : telle est la thèse officielle.
Face à l’enquête bâclée et aux nombreuses invraisemblances du dossier, cette thèse a néanmoins été remise en cause dès le début des années 80. En 2007, le journaliste Benoit Collombat publiait une contre-enquête extrêmement fouillée et convaincante qui faisait douter jusqu’à certains partisans du suicide eux-mêmes (Un homme à abattre. Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin, Fayard, 2007). C’est de cette enquête que Pierre Akrine s’est inspiré pour la réalisation de son téléfilm.
La thèse défendue par le film est que Boulin, gaulliste en rupture de ban avec le parti enlevé à la hussarde par Chirac et ses amis, était devenu « premier-ministrable », et donc susceptible de faire de l‘ombre à Chirac pour les élections de 1981. Le RPR l’aurait alors fait tomber dans un traquenard foncier et Boulin, pour se défendre, aurait été prêt à dévoiler des dossiers explosifs concernant le financement africain du RPR. Les barbouzes du SAC (service d’action civique, une sorte police privée créée en 1959 par Charles Pasqua, Jacques Foccart et Achille Peretti pour infiltrer et lutter contre l’OAS) auraient alors décidé de supprimer le gêneur, sur ordre de Chirac lui-même…
Foccart et Debizet (le patron du SAC en 1979) étant morts tous les deux, les deux principaux protagonistes de l’affaire toujours en vie sont Pasqua et Chirac, nommément mis en cause dans le film. Dans le débat qui suivait le téléfilm, l’ancien ministre Jean Charbonnel, convaincu de l’assassinat de Robert Boulin, affirmait que peu avant sa mort, Alexandre Sanguinetti, ancien secrétaire de l’UDR, lui avait cité deux noms de personnalités, « toujours vivantes », qui pourraient être impliquées dans cette affaire, ainsi que le nom d’une « organisation ». Au vu du film, cette organisation est évidemment le SAC. Quant aux deux noms, l’ancien ministre a annoncé qu’il ne les donnerait qu’à un juge si l’enquête était rouverte par la Justice…
Les faits n’étant pas prescrits, c’est bien ce qu’espère Fabienne Boulin pour qui c’est une nécessité de rouvrir l’enquête sur les circonstances de l’enquête de son père afin que la vérité jaillisse enfin de ce sombre dossier de la République.
Crédit photo : capture d’écran vidéo France 3 / INA