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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Deuxième partie

25 septembre 2024

Temps de lecture : 9 minutes
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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Deuxième partie

Temps de lecture : 9 minutes

À l’approche de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre 2024, Meta a annoncé bannir certains médias russes, comme Russia Today (RT) et Rossia Segodnya, de ses plateformes. La mesure s’applique à Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads, et elle n’a rien d’anodin : RT comptait plus de 7,2 millions d’abonnés sur Facebook et 1 million sur Instagram. Si Meta affirme avoir pris cette décision pour éviter les ingérences russes dans l’élection, un rappel des précédents de censure montre que Meta a l’habitude de censurer, et qu’il ne s’agit pas de limiter les ingérences étrangères, mais bien de favoriser l’ingérence américaine ou de réécrire la réalité. Deuxième partie.

Voir aus­si : Meta, une cen­sure de gauche libérale lib­er­taire insti­tu­tion­nal­isée. Pre­mière partie

Deuxième partie : Meta choisit les ingérences à combattre

La bonne ingérence est américaine

Ces ingérences que Meta ne condamne pas

Il est pos­si­ble que la Russie se soit ren­du coupable d’ingérence dans le cadre de l’élection prési­den­tielle améri­caine afin de favoris­er Trump. Ce genre de méfait est dif­fi­cile à prou­ver, et l’enquête pren­dra sans doute encore des années, du moins si elle cherche la vérité, et non à faire tomber une per­son­ne qui ne con­vient pas au sys­tème dom­i­nant. En revanche, les États-Unis ne doivent-ils pas bal­ay­er devant leur porte con­cer­nant les ingérences ? John Boni­field, jour­nal­iste pour CNN, a été piégé en 2017 par une caméra cachée lors d’un entretien.

On peut donc l’entendre affirmer que les États-Unis eux-mêmes ten­tent de s’ingérer dans les élec­tions russ­es, et que la CIA n’est pas en reste con­cer­nant le con­trôle des gou­verne­ments. Cer­tains de ces agisse­ments sont au reste con­nus, notam­ment dans le cadre des échanges entre l’Ukraine et la Russie.

La pression de l’administration Biden pendant la crise sanitaire

Il se trou­ve que les États-Unis ne per­pètrent pas seule­ment des ingérences con­tre les autres États, mais aus­si chez Meta lui-même. L’entreprise affirme que la pro­pa­gande sur ses réseaux vient prin­ci­pale­ment de la Russie. Pour­tant, si l’on en croit Mark Zucker­berg, les États-Unis ne sont pas en reste quand il s’agit de con­trôler les agisse­ments des plate­formes, et pas seule­ment en ce qui con­cerne la Russie.

Mark Zucker­berg a ain­si affir­mé que l’administration Biden avait incité, on pour­rait dire con­traint, Meta à cen­sur­er cer­tains con­tenus pen­dant la crise san­i­taire, en 2021. Twit­ter avait égale­ment subi cette pres­sion. À cette époque, Joe Biden esti­mait que laiss­er cir­culer des infor­ma­tions dites fauss­es sur les vac­cins reve­nait à tuer cer­taines per­son­nes qui y croiraient. Cepen­dant, cette cen­sure n’a pas con­cerné que des pub­li­ca­tions con­sid­érées comme com­plo­tistes, ce qui est déjà prob­lé­ma­tique, mais égale­ment des con­tenus humoristiques.

Au total, plus de 20 mil­lions de con­tenus ont été sup­primés par Face­book. La Mai­son Blanche nie totale­ment avoir fait pres­sion sur Meta, et Ouest France cite même Renée DiRes­ta, experte en dés­in­for­ma­tion, qui affirme que Mark Zucker­berg « ne fait que céder aux pres­sions de la droite ».

Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais d’être dans le ton

Qu’une plate­forme veuille sup­primer des infor­ma­tions fauss­es, c’est plus que con­testable. La vérité est tou­jours mieux défendue quand on réfute les idées fauss­es que lorsqu’on les inter­dit. Toute­fois, la cen­sure dans ce cas de fig­ure peut à la rigueur s’entendre si l’on estime que le com­bat pour la vérité est à ce prix dans cer­tains cas. Pour­tant, il a fal­lu atten­dre mai 2021 pour que Face­book cesse de sup­primer les pub­li­ca­tions qui affir­maient que l’épidémie de Covid-19 était due à la fuite d’un lab­o­ra­toire du virus SARS-CoV2.

Or, aujourd’hui, on sait que la vérité était bien là, et non dans une orig­ine naturelle à base de pan­golin ou de chauve-souris. Dès lors, les sup­pres­sions étaient bien abu­sives, et n’ont eu lieu que parce que la thèse de la fuite de lab­o­ra­toire n’arrangeait pas les décideurs, sans que l’on sache for­cé­ment pourquoi. C’est aus­si pour cela que cen­sur­er les infor­ma­tions jugées fauss­es est dan­gereux : il est dif­fi­cile d’être cer­tain que, dans quelques mois ou années, elles ne seront pas avérées.

Les mauvaises informations, celles qui dérangent les élites

L’administration Biden, et plus large­ment le par­ti Démoc­rate, sem­ble au cœur de la stratégie de cen­sure de Meta. En 2021, un scan­dale con­cer­nant Hunter Biden, le fils du prési­dent améri­cain, a fail­li éclater. Son ordi­na­teur pou­vait con­tenir cer­tains doc­u­ments le liant à des affaires de cor­rup­tion en Ukraine. Or, réqui­si­tion­né par la CIA, l’ordinateur s’y est trou­vé cassé au point que les don­nées étaient irrécupérables. L’information est dif­fi­cile à croire. D’abord parce que cet ordi­na­teur aurait dû être dans un espace sécurisé, ensuite parce que des don­nées ne dis­parais­sent pas comme cela. Si vous cassez votre clé USB en deux mais que la carte mère est intacte, récupér­er vos doc­u­ments ne vous deman­dera que quelques points de soudure.

L’affaire aurait donc dû faire par­ler. Si cela n’a pas eu lieu, c’est en par­tie grâce à Meta, qui a retiré de sa plate­forme cer­tains arti­cles sur le sujet sous pré­texte, à nou­veau, d’ingérence russe. La Russie, on le con­state, a bon dos. D’après Mark Zucker­berg, il s’agit d’une réac­tion exces­sive aux deman­des por­tant sur le Covid-19. C’est pos­si­ble, mais il faut bien admet­tre que sa crédi­bil­ité est amoindrie.

Des remords peu crédibles

La gauche, pas la liberté d’expression

Aux États-Unis, ce n’est pas parce que les Démoc­rates s’auto-déclarent le camp du Bien qu’ils le sont. En réal­ité, tout ce qui se rap­proche de la cen­sure y est mon­naie courante. Telle­ment mon­naie courante que Kamala Har­ris a affir­mé que la lib­erté d’expression n’était pas un droit, mais un priv­ilège. Une con­cep­tion qui, au fond, se retrou­ve en France, où seule la gauche a le droit de s’exprimer, par­fois pour dire des hor­reurs, qu’il s’agisse d’insulter ses enne­mis ou de répan­dre des infor­ma­tions d’une faus­seté sidérante. De son côté, la droite doit lut­ter pour avoir le droit de don­ner sa ver­sion des faits, sans oubli­er les ronds-de-jambe per­pétuels pour ne pas être, juste­ment, censurée.

Autant d’efforts qui ne sont même pas effi­caces. Plus qu’une arme pour éviter à la vérité d’être pol­luée par de fauss­es infor­ma­tions issues d’ingérences étrangères, la cen­sure appa­raît comme une façon, pour un camp bruyant mais aux idées minori­taires, d’éviter qu’une réal­ité qui ne lui con­vient pas ne soit trop vis­i­ble. Ain­si sup­prime-t-on les théories sur l’apparition d’un virus ou la cor­rup­tion de la famille d’un chef d’État.

Covid-19 : des regrets tardifs

Aujourd’hui, Mark Zucker­berg dit regret­ter d’avoir cédé à la pres­sion de l’administration Biden en dimin­u­ant la vis­i­bil­ité de cer­tains con­tenus. Si Mar­i­on Maréchal, députée européenne, décrit ce remord, et surtout l’intention de Mark Zucker­berg de ne plus obéir, comme un « trem­ble­ment de terre sans précé­dent », il est facile, trois ans après les faits, alors que la vérac­ité des infor­ma­tions incrim­inées est établie et que les auteurs ne peu­vent plus rien tir­er de leur tra­vail, de faire amende hon­or­able. Au reste, Mark Zucker­berg prof­ite de cette facilité.

Son cour­ri­er, envoyé à la Com­mis­sion judi­ci­aire de la Cham­bre des représen­tants améri­caine, est on ne peut plus explicite, ce dont le par­ti Répub­li­cain prof­ite. Le PDG de Meta jure pren­dre la ferme réso­lu­tion de ne plus céder à la pres­sion d’un gou­verne­ment, quel qu’il soit.

Des mots guère suivis d’actes

Seule­ment voilà, on attend tou­jours les con­séquences de ces vœux pieux. Le ban­nisse­ment des médias russ­es n’est-il pas, au con­traire, la preuve que ces mots ne se chang­eront pas en acte ? Ici, c’est à nou­veau l’administration Biden qui est à l’œuvre, et c’est à nou­veau des médias qui per­dent de la notoriété, des abon­nés, de l’argent.

Autant de pertes dif­fi­ciles à com­penser. La let­tre de Mark Zucker­berg est peut-être le signe de remords réels, comme elle peut être une assur­ance-vie qui lui per­me­t­tra de ne pas céder aux pres­sions éventuelles d’une admin­is­tra­tion Trump, ou la recherche d’un buzz alors que son con­cur­rent, X (ex-Twit­ter) défraie régulière­ment la chronique.

Les médias français ont choisi leur camp

Comment Meta a pris la seule décision raisonnable

Sans sur­prise, les médias français sont du côté de Meta. Au reste, s’ils n’y sont pas oblig­és, ils y sont forte­ment incités, étant don­né que RT France a été ban­ni. Un média qui dénon­cerait le ban­nisse­ment des médias russ­es, même au nom de la lib­erté d’expression, pour­rait être con­sid­éré comme défen­dant une cer­taine pro­pa­gande russe. Il ris­querait alors de per­dre son droit de dif­fu­sion, sans même par­ler des sub­ven­tions. 20 Min­utes mon­tre tous les gages de bonne volon­té dès le début de son arti­cle : « Préven­tion – La Russie est la plus grande source d’influence secrètes détec­tée par Meta depuis 2017 », explique-t-il dans son cha­peau, afin de désign­er l’ennemi au plus vite. Et de con­tin­uer en expli­quant que, « comme pru­dence est mère de sûreté », on ne saurait s’offusquer de la déci­sion de Meta.

En matière de lib­erté d’expression, l’adage a d’ailleurs de quoi sur­pren­dre. Dès lors, on ne voit pas bien pourquoi on per­met à cer­taines per­son­nal­ités dis­si­dentes de s’exprimer en pub­lic. Au nom de la sûreté, il faudrait les musel­er, voire les enfermer.

La Russie, éternelle coupable

Lorsque la radio RFI explique la sit­u­a­tion, elle note que « sur fond de guerre en Ukraine et de pro­pa­gande pro russe en ligne, la nor­mal­i­sa­tion des rela­tions entre Meta et Moscou ne risque pas d’arriver de sitôt ». Cette phrase est une réponse d’une ironie grinçante à Dim­itri Peskov, porte-parole du Krem­lin. Ce dernier réagis­sait au ban­nisse­ment des médias russ­es de Meta en affir­mant que « cela com­plique cer­taine­ment les per­spec­tives de nor­mal­i­sa­tion de nos rela­tions avec Meta. » Cepen­dant, RFI rap­pelle rapi­de­ment l’interdiction de Face­book et Insta­gram en Russie, ce qui lui per­met d’insinuer que, dans cette bataille, la Russie est le pre­mier belligérant.

Dès lors, le ban­nisse­ment décidé par Meta n’est plus qu’une « réac­tion » au ban­nisse­ment de la Russie. Une expli­ca­tion qui com­porte tout de même un peu de mau­vaise foi : les rela­tions entre Meta et la Russie étaient fraîch­es avant 2022, notam­ment à cause des accu­sa­tions d’ingérences dans les élec­tions présidentielles.

À suiv­re.

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