À l’approche de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre 2024, Meta a annoncé bannir certains médias russes, comme Russia Today (RT) et Rossia Segodnya, de ses plateformes. La mesure s’applique à Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads, et elle n’a rien d’anodin : RT comptait plus de 7,2 millions d’abonnés sur Facebook et 1 million sur Instagram. Si Meta affirme avoir pris cette décision pour éviter les ingérences russes dans l’élection, un rappel des précédents de censure montre que Meta a l’habitude de censurer, et qu’il ne s’agit pas de limiter les ingérences étrangères, mais bien de favoriser l’ingérence américaine ou de réécrire la réalité.
Première partie : Meta rejette les médias russes
Comment Meta combat la Russie, et inversement
Les médias d’État russes interdits sur Facebook, Instagram et WhatsApp
Meta a annoncé le bannissement mondial d’un groupe de médias de l’ensemble de ses plateformes, notamment Facebook, Instagram et WhatsApp, ainsi que Threads, un concurrent récent à X, ex-Twitter. Certaines chaînes comme Rossia Segodnya et RT sont donc concernées, et leur compte est suspendu. Elles ne peuvent donc plus partager leurs contenus, mais d’autres utilisateurs de Meta qui les suivraient le peuvent. Youtube a également annoncé avoir supprimé 230 chaînes liées à Rossia Segodnya et AVO TV Novosti, ces deux chaînes étant déjà interdites. Russia Today, traduit en français, anglais, espagnol et arabe, est présent dans plusieurs pays européens, dont la France avant son interdiction en 2022. Quant à Rossia Segodnya, il s’agit de l’organe financier de RT, créé fin 2013 par un décret de Vladimir Poutine. L’objectif affiché était de réduire les dépenses dans les médias russes.
Meta contre la Russie : une guerre sans merci
L’inimitié entre Meta et la Russie n’est pas neuve, loin s’en faut. Meta est coutumier des accusations d’ingérence russe dans les élections américaines. Ainsi, avant leur bannissement, les médias russes n’avaient déjà pas l’autorisation de diffuser des publicités et n’accédaient qu’à une portée réduite. Leur visibilité était donc amoindrie, et leurs moyens financiers diminués. La riposte de la Russie à cette politique est plus récente. En mars 2022, alors que la guerre entre l’Ukraine et la Russie venait de commencer, Facebook et Instagram avaient été interdits en Russie car considérés comme extrémistes. Ils étaient très utilisés par les opposants à Vladimir Poutine, dont certains sont proches de l’extrême-droite et souhaitent des actions militaires plus violentes et décisives contre l’Ukraine, ou au contraire attendent le retour du communisme.
La guerre en Ukraine, un catalyseur ?
Étant donné que Donald Trump gêne beaucoup les élites américaines, depuis son entrée fracassante en politique, les rumeurs d’ingérences russes sont légions pour tenter de le décrédibiliser. Cependant, il ne s’agissait encore que de faits difficiles à prouver, donc difficiles à sanctionner frontalement et officiellement. Il n’en va pas de même de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. La situation étant connue de tous, il était plus facile pour Meta de mener sa guerre à visage découvert. En 2022, la plateforme a donc modifié sa politique d’incitation à la haine. Les utilisateurs pouvaient exprimer leurs sentiments, de préférence négatifs, à l’encontre de la Russie. C’est à cette occasion que Moscou avait qualifié Meta d’organisation extrémiste et bloqué Instagram et Facebook sur le sol russe, afin d’éviter ce que la Russie considérait comme une influence des idées occidentales.
Meta contre la Russie, un combat commandé
Derrière Meta, les États-Unis
En réalité, le choix de Meta est loin d’être spontané, et même libre. L’interdiction des médias russes fait suite à une pression du gouvernement américain, d’autant plus importante que la victoire n’a rien de sûr pour le camp Démocrate. Donald Trump soulève les foules, apparaît même en immortel après qu’on a tenté de l’assassiner. Pendant ce temps, Joe Biden, dont il devenait de plus en plus difficile de dissimuler l’état de santé mentale et physique, a dû renoncer à un deuxième mandat, et la campagne de Kamala Harris ne parvient pas à décoller. Le risque d’un deuxième mandat de Trump est donc réel, et pour l’éviter, le camp Démocrate recourt aux accusations d’ingérences russes. La pratique n’est pas neuve. En 2017, une enquête fédérale cherchait à savoir si la Russie n’avait pas influencé les élections en faveur de Donald Trump en 2016. En 2021, le renseignement américain avait publié un rapport affirmant que de nouvelles ingérences avait eu lieu lors de l’élection de 2020, que Joe Biden avait remportée. Derrière l’interdiction des médias russes, l’enjeu est donc d’éviter une troisième ingérence, bien que les deux premières soient sujettes à caution.
Pourquoi les États-Unis craignent les médias russes
Les médias russes sont accusés de déstabiliser les esprits, de jouer sur les divisions, de s’appuyer sur les influenceurs et les médias d’extrême-droite. Ainsi, le ministère américain de la justice accuse une trentaine de sites de désinformation, parmi lesquels Tenet Media. Ce site emploie quelques influenceurs accusés d’être à l’extrême-droite, et surtout indirectement financés par la Russie via Rossia Segodnya, quoiqu’ils assurent ne pas avoir eu connaissance de ces liens. Pire encore, plusieurs de ses cofondateurs ont travaillé avec d’anciens cadres de RT, ou Russia Today. Le ministère en conclue que RT dirige Tenet Media. Cependant, les médias russes ne sont pas seulement engagés dans la guerre de l’information. Ils sont aussi, selon Antony Blinken, secrétaire d’État, des branches du renseignement.
Dans la guerre de l’information, y a‑t-il vraiment des gentils ?
Les États-Unis à l’œuvre pour discréditer les médias russes
Meta n’est pas le seul à subir, ou du moins à connaître, la pression des États-Unis pour s’opposer à la Russie. 20 Minutes explique que le département d’État américain a indiqué qu’il déployait lui-même « des efforts diplomatiques » pour encourager « les gouvernements du monde entier » à, selon les termes du département américain, limiter « la capacité de la Russie à s’ingérer dans des élections étrangères et à se procurer des armes pour sa guerre contre l’Ukraine ». Rappelons ici que les États-Unis ont une puissance quasi-hégémonique, notamment pour des raisons économiques et culturelles, mais également militaires. Il est donc possible que les efforts diplomatiques soient teintés d’une certaine pression qui, elle, le serait un peu moins.
Russia Today, une réputation de propagande
Russia Today, fondé en 2005, est considéré à l’ouest et depuis quelques années comme un organe de propagande destiné à déstabiliser les Occidentaux et à les rallier à la cause russe. Ainsi, en janvier 2023 lors du début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, la France a fermé son organe français RT France, après que l’Union européenne ait gelé ses comptes bancaires. À suivre.