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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Première partie

23 septembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes
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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Première partie

Temps de lecture : 6 minutes

À l’approche de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre 2024, Meta a annoncé bannir certains médias russes, comme Russia Today (RT) et Rossia Segodnya, de ses plateformes. La mesure s’applique à Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads, et elle n’a rien d’anodin : RT comptait plus de 7,2 millions d’abonnés sur Facebook et 1 million sur Instagram. Si Meta affirme avoir pris cette décision pour éviter les ingérences russes dans l’élection, un rappel des précédents de censure montre que Meta a l’habitude de censurer, et qu’il ne s’agit pas de limiter les ingérences étrangères, mais bien de favoriser l’ingérence américaine ou de réécrire la réalité.

Première partie : Meta rejette les médias russes

Comment Meta combat la Russie, et inversement

Les médias d’État russes interdits sur Facebook, Instagram et WhatsApp

Meta a annon­cé le ban­nisse­ment mon­di­al d’un groupe de médias de l’ensemble de ses plate­formes, notam­ment Face­book, Insta­gram et What­sApp, ain­si que Threads, un con­cur­rent récent à X, ex-Twit­ter. Cer­taines chaînes comme Rossia Segod­nya et RT sont donc con­cernées, et leur compte est sus­pendu. Elles ne peu­vent donc plus partager leurs con­tenus, mais d’autres util­isa­teurs de Meta qui les suiv­raient le peu­vent. Youtube a égale­ment annon­cé avoir sup­primé 230 chaînes liées à Rossia Segod­nya et AVO TV Novosti, ces deux chaînes étant déjà inter­dites. Rus­sia Today, traduit en français, anglais, espag­nol et arabe, est présent dans plusieurs pays européens, dont la France avant son inter­dic­tion en 2022. Quant à Rossia Segod­nya, il s’agit de l’organe financier de RT, créé fin 2013 par un décret de Vladimir Pou­tine. L’objectif affiché était de réduire les dépens­es dans les médias russes.

Meta contre la Russie : une guerre sans merci

L’inimitié entre Meta et la Russie n’est pas neuve, loin s’en faut. Meta est cou­tu­mi­er des accu­sa­tions d’ingérence russe dans les élec­tions améri­caines. Ain­si, avant leur ban­nisse­ment, les médias russ­es n’avaient déjà pas l’autorisation de dif­fuser des pub­lic­ités et n’accédaient qu’à une portée réduite. Leur vis­i­bil­ité était donc amoin­drie, et leurs moyens financiers dimin­ués. La riposte de la Russie à cette poli­tique est plus récente. En mars 2022, alors que la guerre entre l’Ukraine et la Russie venait de com­mencer, Face­book et Insta­gram avaient été inter­dits en Russie car con­sid­érés comme extrémistes. Ils étaient très util­isés par les opposants à Vladimir Pou­tine, dont cer­tains sont proches de l’extrême-droite et souhait­ent des actions mil­i­taires plus vio­lentes et déci­sives con­tre l’Ukraine, ou au con­traire atten­dent le retour du communisme.

La guerre en Ukraine, un catalyseur ?

Étant don­né que Don­ald Trump gêne beau­coup les élites améri­caines, depuis son entrée fra­cas­sante en poli­tique, les rumeurs d’ingérences russ­es sont légions pour ten­ter de le décrédi­bilis­er. Cepen­dant, il ne s’agissait encore que de faits dif­fi­ciles à prou­ver, donc dif­fi­ciles à sanc­tion­ner frontale­ment et offi­cielle­ment. Il n’en va pas de même de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. La sit­u­a­tion étant con­nue de tous, il était plus facile pour Meta de men­er sa guerre à vis­age décou­vert. En 2022, la plate­forme a donc mod­i­fié sa poli­tique d’incitation à la haine. Les util­isa­teurs pou­vaient exprimer leurs sen­ti­ments, de préférence négat­ifs, à l’encontre de la Russie. C’est à cette occa­sion que Moscou avait qual­i­fié Meta d’organisation extrémiste et blo­qué Insta­gram et Face­book sur le sol russe, afin d’éviter ce que la Russie con­sid­érait comme une influ­ence des idées occidentales.

Meta contre la Russie, un combat commandé

Derrière Meta, les États-Unis

En réal­ité, le choix de Meta est loin d’être spon­tané, et même libre. L’interdiction des médias russ­es fait suite à une pres­sion du gou­verne­ment améri­cain, d’autant plus impor­tante que la vic­toire n’a rien de sûr pour le camp Démoc­rate. Don­ald Trump soulève les foules, appa­raît même en immor­tel après qu’on a ten­té de l’assassiner. Pen­dant ce temps, Joe Biden, dont il deve­nait de plus en plus dif­fi­cile de dis­simuler l’état de san­té men­tale et physique, a dû renon­cer à un deux­ième man­dat, et la cam­pagne de Kamala Har­ris ne parvient pas à décoller. Le risque d’un deux­ième man­dat de Trump est donc réel, et pour l’éviter, le camp Démoc­rate recourt aux accu­sa­tions d’ingérences russ­es. La pra­tique n’est pas neuve. En 2017, une enquête fédérale cher­chait à savoir si la Russie n’avait pas influ­encé les élec­tions en faveur de Don­ald Trump en 2016. En 2021, le ren­seigne­ment améri­cain avait pub­lié un rap­port affir­mant que de nou­velles ingérences avait eu lieu lors de l’élection de 2020, que Joe Biden avait rem­portée. Der­rière l’interdiction des médias russ­es, l’enjeu est donc d’éviter une troisième ingérence, bien que les deux pre­mières soient sujettes à caution.

Pourquoi les États-Unis craignent les médias russes

Les médias russ­es sont accusés de désta­bilis­er les esprits, de jouer sur les divi­sions, de s’appuyer sur les influ­enceurs et les médias d’extrême-droite. Ain­si, le min­istère améri­cain de la jus­tice accuse une trentaine de sites de dés­in­for­ma­tion, par­mi lesquels Tenet Media. Ce site emploie quelques influ­enceurs accusés d’être à l’extrême-droite, et surtout indi­recte­ment financés par la Russie via Rossia Segod­nya, quoiqu’ils assurent ne pas avoir eu con­nais­sance de ces liens. Pire encore, plusieurs de ses cofon­da­teurs ont tra­vail­lé avec d’anciens cadres de RT, ou Rus­sia Today. Le min­istère en con­clue que RT dirige Tenet Media. Cepen­dant, les médias russ­es ne sont pas seule­ment engagés dans la guerre de l’information. Ils sont aus­si, selon Antony Blinken, secré­taire d’État, des branch­es du renseignement.

Dans la guerre de l’information, y a‑t-il vraiment des gentils ?

Les États-Unis à l’œuvre pour discréditer les médias russes

Meta n’est pas le seul à subir, ou du moins à con­naître, la pres­sion des États-Unis pour s’opposer à la Russie. 20 Min­utes explique que le départe­ment d’État améri­cain a indiqué qu’il déploy­ait lui-même « des efforts diplo­ma­tiques » pour encour­ager « les gou­verne­ments du monde entier » à, selon les ter­mes du départe­ment améri­cain, lim­iter « la capac­ité de la Russie à s’ingérer dans des élec­tions étrangères et à se pro­cur­er des armes pour sa guerre con­tre l’Ukraine ». Rap­pelons ici que les États-Unis ont une puis­sance qua­si-hégé­monique, notam­ment pour des raisons économiques et cul­turelles, mais égale­ment mil­i­taires. Il est donc pos­si­ble que les efforts diplo­ma­tiques soient tein­tés d’une cer­taine pres­sion qui, elle, le serait un peu moins.

Russia Today, une réputation de propagande

Rus­sia Today, fondé en 2005, est con­sid­éré à l’ouest et depuis quelques années comme un organe de pro­pa­gande des­tiné à désta­bilis­er les Occi­den­taux et à les ral­li­er à la cause russe. Ain­si, en jan­vi­er 2023 lors du début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, la France a fer­mé son organe français RT France, après que l’Union européenne ait gelé ses comptes ban­caires. À suivre.

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