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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Troisième partie

26 septembre 2024

Temps de lecture : 8 minutes
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Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Troisième partie

Temps de lecture : 8 minutes

À l’approche de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre 2024, Meta a annoncé bannir certains médias russes, comme Russia Today (RT) et Rossia Segodnya, de ses plateformes. La mesure s’applique à Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads, et elle n’a rien d’anodin : RT comptait plus de 7,2 millions d’abonnés sur Facebook et 1 million sur Instagram. Si Meta affirme avoir pris cette décision pour éviter les ingérences russes dans l’élection, un rappel des précédents de censure montre que Meta a l’habitude de censurer, et qu’il ne s’agit pas de limiter les ingérences étrangères, mais bien de favoriser l’ingérence américaine ou de réécrire la réalité. Troisième partie.

Voir aus­si : Meta, une cen­sure de gauche libérale lib­er­taire insti­tu­tion­nal­isée. Deux­ième partie

Troisième partie et conclusion : quand Meta fait de la censure

Instagram censeur de la droite

La censure de la droite influente

Le prob­lème de la cen­sure, c’est qu’elle n’est pas aus­si aveu­gle que la jus­tice est réputée l’être. Ain­si, Meta a l’habitude de cen­sur­er, on l’a vu, et pas des pub­li­ca­tions vio­lentes ou crim­inelles. Meta s’attaque sou­vent à des pub­li­ca­tions qui ne s’alignent pas sur l’idéologie ambiante, autrement nom­mée bien-pen­sance. En France, à la fin de l’été 2024, l’entreprise a procédé à une vague de cen­sures qui a touché plusieurs comptes influ­ents ori­en­tés à droite. Un acte qui a été d’autant plus éton­nant qu’il a eu lieu à la fin du mois d’août, alors que les influ­enceurs et autres vic­times étaient en vacances et ne postaient plus, ou très peu. Comme si tous ces comptes étaient sur la sel­l­ette depuis un cer­tain temps et que, faute d’occasion légitime de les ban­nir, Meta attendait une bonne occa­sion. Par exem­ple un moment où per­son­ne n’est sur les réseaux. Fort heureuse­ment, mal­gré la péri­ode, l’affaire a fait du bruit, et cer­tains comptes ont pu être rétab­lis. D’autres en revanche sont tou­jours sus­pendus, ce qui a un impact sur leur vis­i­bil­ité, mais aus­si sur l’information disponible pour leurs abonnés.

Des censures arbitraires

Loin de se con­cen­tr­er sur des comptes dont les pub­li­ca­tions auraient été haineuses ou crim­inelles, Meta s’est osten­si­ble­ment attaqué à des comptes qui respec­taient ses con­di­tions d’utilisations, et même, pour cer­tains, la bien-pen­sance. Alice Cordier, prési­dente du Col­lec­tif Némé­sis, qui dénonce les coupables d’agressions sex­uelles et le pré­cise lorsqu’ils sont issus de l’immigration, a per­du son compte prin­ci­pal suivi par 50 000 per­son­nes. A la lim­ite, on peut affirmer que ce compte véhic­u­lait des idées racistes, bien qu’il ne s’agisse en l’occurrence que de mon­tr­er une sit­u­a­tion qui, pour déplaire à la gauche, n’en est pas moins réelle. Cepen­dant, Alice Cordier a égale­ment per­du son compte sec­ondaire, sur lequel elle ne pub­li­ait que des mes­sages de sou­tien aux Ukraini­ennes. Bien malin qui saura dire en quoi ce genre de pub­li­ca­tion con­tre­vient aux con­di­tions de Meta, qui per­met par ailleurs à ses util­isa­teurs d’être vio­lents à l’encontre de la Russie en tant qu’ennemi de l’Ukraine. De son côté, la Cocarde Etu­di­ante, un syn­di­cat, a été touchée, non seule­ment pour le compte de sa sec­tion lyon­naise, mais aus­si pour celui de son antenne de la Sor­bonne. Or, ce dernier compte ne con­te­nait aucune pub­li­ca­tion et venait d’être créé. ASLA, l’Association de sou­tien aux lanceurs d’alerte a égale­ment été sus­pendue avant d’être rétablie sans aucune expli­ca­tion. Par­mi les vic­times, on compte enfin Une Bonne Droite, un compte par­o­dique, ain­si que Fron­tières, ex-Livre Noir, un média d’investigation suivi par 100 000 per­son­nes rétabli par la suite, et enfin l’Institut de for­ma­tion poli­tique (IFP), qui s’attache à for­mer la jeunesse de droite avec des cours théoriques et des par­cours pra­tiques, notam­ment sur la prise de parole.

Occidentis, l’information importune sur Instagram

Dans cette affaire de cen­sure, le cas d’Occidentis est révéla­teur. Ce média, mon­té par David Alaime en 2019, était suivi par 160 000 per­son­nes sur Insta­gram, avait obtenu l’agrément presse et était recon­nu par le min­istère de la Cul­ture. Il ne s’agit donc pas d’un obscur ramas­sis de faits divers sor­dides pub­liés par des skin­heads obsédés. Ce compte a été sus­pendu sans motif ou préavis, et son fon­da­teur ne parvient pas à avoir d’échanges avec la plate­forme, ni de réponse à sa procé­dure d’appel, mal­gré des efforts répétés depuis plusieurs semaines. De plus, le compte de réserve d’Occidentis, qui ne con­te­nait aucune pub­li­ca­tion, a lui aus­si été suspendu.

Occi­den­tis était au reste fam­i­li­er de la cen­sure d’Instagram, puisque plusieurs de ses pub­li­ca­tions avaient été sup­primées aupar­a­vant. Des sup­pres­sions arbi­traires, puisque toutes les procé­dures d’appel engagées par le fon­da­teur pour récupér­er ces pub­li­ca­tions aboutis­saient. Cette affaire mon­tre bien que ce qui gène Meta, ce n’est pas ce que l’on dit, mais qui le dit. Sur Meta, la lib­erté d’expression n’est que pour la gauche, ou à la rigueur les apolitiques.

La censure chez Meta n’est pas nouvelle

Meta, une censure un peu hâtive ?

Lorsque des util­isa­teurs sont con­fron­tés à la sup­pres­sion de leur compte, ils font appel, et surtout ils scru­tent les con­di­tions d’utilisation. Or, il se trou­ve que plusieurs comptes n’en avaient enfreint aucune, et ne méri­taient donc pas de sus­pen­sion. Dans ces cas-là, Meta est par­fois obligé de faire machine arrière, et de trou­ver une expli­ca­tion. En général, il invoque l’erreur. Un clic un peu trop hâtif. C’est l’excuse invo­quée pour le compte de Fron­tières, qui a été rétabli. Une expli­ca­tion qui ne sat­is­fait per­son­ne, car il sem­ble impos­si­ble qu’une procé­dure aus­si grave puisse être déclenchée par erreur. L’ASLA et l’IFP ont égale­ment récupéré leurs comptes après avoir fait appel. Autrement dit, chez Meta, si vous ne bataillez pas pour vos droits, vous avez plutôt intérêt à avoir les bonnes opin­ions, et surtout à pou­voir fédér­er der­rière vous. Qui peut dire si des comptes avec moins d’abonnés, qui n’auraient pas pu porter l’affaire dans la sphère médi­a­tique, auraient obtenu gain de cause ?

Une longue histoire de la censure

En août 2021, lors de la cam­pagne prési­den­tielle de 2022, Eric Zem­mour avait subi la même mésaven­ture avec son compte Insta­gram, qui avait été rétabli après une cam­pagne médi­a­tique. Là encore, les équipes de Meta avaient invo­qué une erreur. Plus récem­ment, les comptes de Dora Moutot et Mar­guerite Stern, les écrivains de Trans­ma­nia, une enquête dénonçant les dérives du lob­by trans, avaient été sup­primés. Cette fois, Meta avait invo­qué des accu­sa­tions de trans­pho­bie. Ces précé­dents mon­trent que l’entreprise tente depuis plusieurs années de musel­er une droite qui a ten­dance à un peu trop mon­ter. Elle cen­sure un compte, un autre, cette pub­li­ca­tion, celle-là, et par­fois, elle va un peu trop loin, s’attaque à la mau­vaise per­son­ne et doit rétro-pédaler. En réal­ité, aucune de ses plate­formes n’est un espace d’expression sûr.

Au-delà de la suppression des comptes, l’invisibilisation des publications

On appelle cela, en bon français, le shad­ow-ban­ning. Le ren­voi dans l’ombre, où une procé­dure qui per­met d’interdire à cer­taines pub­li­ca­tions d’avoir la vis­i­bil­ité à laque­lle elles pour­raient pré­ten­dre. En principe, la vis­i­bil­ité d’une pub­li­ca­tion est déter­minée par les mots util­isés, plus ou moins présents dans les recherch­es des util­isa­teurs, la présence d’images, les réac­tions à la pub­li­ca­tions – une pub­li­ca­tion large­ment aimée, partagée, com­men­tée, est mieux mise en avant par les plate­formes – et bien sûr le nom­bre d’abonnés du compte émet­teur. Toute­fois, sur Meta, les règles changent : depuis le 9 févri­er, le « con­tenu poli­tique » n’est plus mis en avant sur Insta­gram et Threads. Offi­cielle­ment, les util­isa­teurs de ces deux plate­formes ont demandé à en voir moins. C’est pos­si­ble, tout comme il est pos­si­ble que Meta souhaite rejeter le voile sur une réal­ité de moins en moins com­pat­i­ble avec les idéolo­gies dom­i­nantes. Car il n’y a pas de déf­i­ni­tion du fameux « con­tenu poli­tique ». Dès lors, un témoignage por­tant sur une agres­sion est-elle poli­tique ? Cela dépen­dra peut-être de l’agresseur.

La droite cessera-t-elle un jour d’être censurée ?

Au fond, Meta agit comme beau­coup d’autres entre­pris­es influ­entes vis-à-vis de la droite. Qu’il s’agisse de Wikipé­dia, qui présente les actu­al­ités et les per­son­nes sous un angle fausse­ment neu­tre et vrai­ment de gauche, des ban­ques, qui coupent par­fois les comptes ban­caires des asso­ci­a­tions, comme cela est arrivé au col­lec­tif Néme­sis, ou des instances médi­a­tiques qui rejet­tent les chaînes qui ne leur con­vi­en­nent pas comme l’ARCOM a retiré C8 de la TNT, être de droite est mau­vais pour les affaires.

Aujourd’hui, encore rares sont les grandes entre­pris­es qui sécurisent les influ­enceurs de droite et leur per­me­t­tent de s’exprimer. Au reste, elles sont vues d’un très mau­vais œil. En témoignent les sanc­tions de la Com­mis­sion européenne à l’encontre de X ou l’arrestation de Pavel Durov, dirigeant de Telegram, en France, arrêté pour avoir refusé de cen­sur­er cer­tains con­tenus. Bien sûr, à en croire leurs auteurs, ces déci­sions ne sont jamais poli­tiques, mais tou­jours guidées par la volon­té de faire taire les dis­cours de haine ou crim­inels. Toute­fois, les erreurs recon­nues de Meta mon­trent que, pour qu’une déci­sion raisonnable devi­enne arbi­traire, il n’y a qu’un pas. Et ce pas a déjà été fait, plusieurs fois.

Voir aus­si : Coup d’état au Par­ti démoc­rate : les médias suivent

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