À l’approche de l’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre 2024, Meta a annoncé bannir certains médias russes, comme Russia Today (RT) et Rossia Segodnya, de ses plateformes. La mesure s’applique à Facebook, Instagram, WhatsApp et Threads, et elle n’a rien d’anodin : RT comptait plus de 7,2 millions d’abonnés sur Facebook et 1 million sur Instagram. Si Meta affirme avoir pris cette décision pour éviter les ingérences russes dans l’élection, un rappel des précédents de censure montre que Meta a l’habitude de censurer, et qu’il ne s’agit pas de limiter les ingérences étrangères, mais bien de favoriser l’ingérence américaine ou de réécrire la réalité. Troisième partie.
Voir aussi : Meta, une censure de gauche libérale libertaire institutionnalisée. Deuxième partie
Troisième partie et conclusion : quand Meta fait de la censure
Instagram censeur de la droite
La censure de la droite influente
Le problème de la censure, c’est qu’elle n’est pas aussi aveugle que la justice est réputée l’être. Ainsi, Meta a l’habitude de censurer, on l’a vu, et pas des publications violentes ou criminelles. Meta s’attaque souvent à des publications qui ne s’alignent pas sur l’idéologie ambiante, autrement nommée bien-pensance. En France, à la fin de l’été 2024, l’entreprise a procédé à une vague de censures qui a touché plusieurs comptes influents orientés à droite. Un acte qui a été d’autant plus étonnant qu’il a eu lieu à la fin du mois d’août, alors que les influenceurs et autres victimes étaient en vacances et ne postaient plus, ou très peu. Comme si tous ces comptes étaient sur la sellette depuis un certain temps et que, faute d’occasion légitime de les bannir, Meta attendait une bonne occasion. Par exemple un moment où personne n’est sur les réseaux. Fort heureusement, malgré la période, l’affaire a fait du bruit, et certains comptes ont pu être rétablis. D’autres en revanche sont toujours suspendus, ce qui a un impact sur leur visibilité, mais aussi sur l’information disponible pour leurs abonnés.
Des censures arbitraires
Loin de se concentrer sur des comptes dont les publications auraient été haineuses ou criminelles, Meta s’est ostensiblement attaqué à des comptes qui respectaient ses conditions d’utilisations, et même, pour certains, la bien-pensance. Alice Cordier, présidente du Collectif Némésis, qui dénonce les coupables d’agressions sexuelles et le précise lorsqu’ils sont issus de l’immigration, a perdu son compte principal suivi par 50 000 personnes. A la limite, on peut affirmer que ce compte véhiculait des idées racistes, bien qu’il ne s’agisse en l’occurrence que de montrer une situation qui, pour déplaire à la gauche, n’en est pas moins réelle. Cependant, Alice Cordier a également perdu son compte secondaire, sur lequel elle ne publiait que des messages de soutien aux Ukrainiennes. Bien malin qui saura dire en quoi ce genre de publication contrevient aux conditions de Meta, qui permet par ailleurs à ses utilisateurs d’être violents à l’encontre de la Russie en tant qu’ennemi de l’Ukraine. De son côté, la Cocarde Etudiante, un syndicat, a été touchée, non seulement pour le compte de sa section lyonnaise, mais aussi pour celui de son antenne de la Sorbonne. Or, ce dernier compte ne contenait aucune publication et venait d’être créé. ASLA, l’Association de soutien aux lanceurs d’alerte a également été suspendue avant d’être rétablie sans aucune explication. Parmi les victimes, on compte enfin Une Bonne Droite, un compte parodique, ainsi que Frontières, ex-Livre Noir, un média d’investigation suivi par 100 000 personnes rétabli par la suite, et enfin l’Institut de formation politique (IFP), qui s’attache à former la jeunesse de droite avec des cours théoriques et des parcours pratiques, notamment sur la prise de parole.
Occidentis, l’information importune sur Instagram
Dans cette affaire de censure, le cas d’Occidentis est révélateur. Ce média, monté par David Alaime en 2019, était suivi par 160 000 personnes sur Instagram, avait obtenu l’agrément presse et était reconnu par le ministère de la Culture. Il ne s’agit donc pas d’un obscur ramassis de faits divers sordides publiés par des skinheads obsédés. Ce compte a été suspendu sans motif ou préavis, et son fondateur ne parvient pas à avoir d’échanges avec la plateforme, ni de réponse à sa procédure d’appel, malgré des efforts répétés depuis plusieurs semaines. De plus, le compte de réserve d’Occidentis, qui ne contenait aucune publication, a lui aussi été suspendu.
Occidentis était au reste familier de la censure d’Instagram, puisque plusieurs de ses publications avaient été supprimées auparavant. Des suppressions arbitraires, puisque toutes les procédures d’appel engagées par le fondateur pour récupérer ces publications aboutissaient. Cette affaire montre bien que ce qui gène Meta, ce n’est pas ce que l’on dit, mais qui le dit. Sur Meta, la liberté d’expression n’est que pour la gauche, ou à la rigueur les apolitiques.
La censure chez Meta n’est pas nouvelle
Meta, une censure un peu hâtive ?
Lorsque des utilisateurs sont confrontés à la suppression de leur compte, ils font appel, et surtout ils scrutent les conditions d’utilisation. Or, il se trouve que plusieurs comptes n’en avaient enfreint aucune, et ne méritaient donc pas de suspension. Dans ces cas-là, Meta est parfois obligé de faire machine arrière, et de trouver une explication. En général, il invoque l’erreur. Un clic un peu trop hâtif. C’est l’excuse invoquée pour le compte de Frontières, qui a été rétabli. Une explication qui ne satisfait personne, car il semble impossible qu’une procédure aussi grave puisse être déclenchée par erreur. L’ASLA et l’IFP ont également récupéré leurs comptes après avoir fait appel. Autrement dit, chez Meta, si vous ne bataillez pas pour vos droits, vous avez plutôt intérêt à avoir les bonnes opinions, et surtout à pouvoir fédérer derrière vous. Qui peut dire si des comptes avec moins d’abonnés, qui n’auraient pas pu porter l’affaire dans la sphère médiatique, auraient obtenu gain de cause ?
Une longue histoire de la censure
En août 2021, lors de la campagne présidentielle de 2022, Eric Zemmour avait subi la même mésaventure avec son compte Instagram, qui avait été rétabli après une campagne médiatique. Là encore, les équipes de Meta avaient invoqué une erreur. Plus récemment, les comptes de Dora Moutot et Marguerite Stern, les écrivains de Transmania, une enquête dénonçant les dérives du lobby trans, avaient été supprimés. Cette fois, Meta avait invoqué des accusations de transphobie. Ces précédents montrent que l’entreprise tente depuis plusieurs années de museler une droite qui a tendance à un peu trop monter. Elle censure un compte, un autre, cette publication, celle-là, et parfois, elle va un peu trop loin, s’attaque à la mauvaise personne et doit rétro-pédaler. En réalité, aucune de ses plateformes n’est un espace d’expression sûr.
Au-delà de la suppression des comptes, l’invisibilisation des publications
On appelle cela, en bon français, le shadow-banning. Le renvoi dans l’ombre, où une procédure qui permet d’interdire à certaines publications d’avoir la visibilité à laquelle elles pourraient prétendre. En principe, la visibilité d’une publication est déterminée par les mots utilisés, plus ou moins présents dans les recherches des utilisateurs, la présence d’images, les réactions à la publications – une publication largement aimée, partagée, commentée, est mieux mise en avant par les plateformes – et bien sûr le nombre d’abonnés du compte émetteur. Toutefois, sur Meta, les règles changent : depuis le 9 février, le « contenu politique » n’est plus mis en avant sur Instagram et Threads. Officiellement, les utilisateurs de ces deux plateformes ont demandé à en voir moins. C’est possible, tout comme il est possible que Meta souhaite rejeter le voile sur une réalité de moins en moins compatible avec les idéologies dominantes. Car il n’y a pas de définition du fameux « contenu politique ». Dès lors, un témoignage portant sur une agression est-elle politique ? Cela dépendra peut-être de l’agresseur.
La droite cessera-t-elle un jour d’être censurée ?
Au fond, Meta agit comme beaucoup d’autres entreprises influentes vis-à-vis de la droite. Qu’il s’agisse de Wikipédia, qui présente les actualités et les personnes sous un angle faussement neutre et vraiment de gauche, des banques, qui coupent parfois les comptes bancaires des associations, comme cela est arrivé au collectif Némesis, ou des instances médiatiques qui rejettent les chaînes qui ne leur conviennent pas comme l’ARCOM a retiré C8 de la TNT, être de droite est mauvais pour les affaires.
Aujourd’hui, encore rares sont les grandes entreprises qui sécurisent les influenceurs de droite et leur permettent de s’exprimer. Au reste, elles sont vues d’un très mauvais œil. En témoignent les sanctions de la Commission européenne à l’encontre de X ou l’arrestation de Pavel Durov, dirigeant de Telegram, en France, arrêté pour avoir refusé de censurer certains contenus. Bien sûr, à en croire leurs auteurs, ces décisions ne sont jamais politiques, mais toujours guidées par la volonté de faire taire les discours de haine ou criminels. Toutefois, les erreurs reconnues de Meta montrent que, pour qu’une décision raisonnable devienne arbitraire, il n’y a qu’un pas. Et ce pas a déjà été fait, plusieurs fois.
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