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Meta/Zuckeberg, demi-tour droite !

28 janvier 2025

Temps de lecture : 6 minutes
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Meta/Zuckeberg, demi-tour droite !

Temps de lecture : 6 minutes

Mark Zuckerberg aurait-il été touché tardivement par la Grâce ?

Hier défenseur farouche des « valeurs de la communauté » sur ses réseaux (Facebook, Instagram, WhatsApp), valeurs fort incertaines permettant toutes les censures, il fait acte de contrition, mange son chapeau numérique et appelle à la liberté d’expression.

Première repentance en août 2024

La nou­velle était passée qua­si inaperçue. Le 26 août le patron de Meta envoy­ait un cour­ri­er à la com­mis­sion du Con­grès améri­cain revenant sur ses erreurs. Pre­mière erreur, avoir accep­té que le gou­verne­ment Biden fasse « pres­sion sur ses équipes pen­dant des mois pour qu’elles cen­surent cer­tains con­tenus sur le Covid ». Deux­ième erreur, avoir cédé aux pres­sions du FBI pour cacher les turpi­tudes du fils Biden, Hunter. « Le FBI nous a mis en garde con­tre une opéra­tion de dés­in­for­ma­tion russe poten­tielle con­cer­nant la famille Biden ». Mais « il a été claire­ment établi qu’il ne s’agissait pas de dés­in­for­ma­tion russe et… nous n’aurions pas dû rétro­grad­er l’article ». Dont acte.

Voir aus­si : Dans la peau de Mark Zuckerberg

Deuxième repentance avec effets le 7 janvier 2025

Le pre­mier acte de con­tri­tion était encour­ageant, mais ce n’était que le début con­duisant à un change­ment com­plet de poli­tique dévoilé en début d’année. Les quelques 3 mil­liards d’utilisateurs des plate­formes Meta vont pou­voir prof­iter d’une nou­velle lib­erté d’expression. Une évo­lu­tion spec­tac­u­laire pour celui qui avait ban­ni Trump de ses réseaux. Adieu la cen­sure préal­able, bon­jour les notes de com­mu­nauté comme sur X/Twitter. Cette méth­ode per­met d’ajouter une note à un tweet con­sid­éré comme impré­cis ou comme fraud­uleux. Autrement dit le débat (on peut faire une note sur la note) rem­place la censure.

Adieu fact checkers !

Mais Zucker­berg va plus loin et acca­ble les fameux vérifi­ca­teurs d’information alias les fact-check­ers. « Nous allons nous débar­rass­er des fact check­ers … trop biaisés et qui… ont détru­it plus de con­fi­ance qu’ils n’en ont créée, en par­ti­c­uli­er aux États-Unis ». Les con­séquences ont été immé­di­ates, 5% des employés vont être licen­ciés et les équipes de mod­éra­tion vont démé­nag­er de la woke Cal­i­fornie au con­ser­va­teur Texas. Autre con­séquence, la rup­ture des juteux con­trats des pseu­do fact check­ers avec Meta. Des agences comme Reuters ou l’AFP (voir infra) vont per­dre de nom­breux censeurs ou devront les financer, de même pour nom­bre de médias comme Les Obser­va­teurs de France 24, 20 Min­utes et bien d’autres. Un réseau inter­na­tion­al pro­gres­siste comme l’IFCN (Inter­na­tion­al Fact Check­ing Net­work) cou­vrait 45% de ses dépens­es en 2022 grâce aux fonds de Meta. D’où l’ire du français Julien Pain, qui y voit tout sim­ple­ment « une attaque con­tre notre démoc­ra­tie », rien de moins.

L’AFP en manque de financement pour sa censure

Dans un mail interne (source La Let­tre), le directeur de l’information de l’AFP se plaig­nait le 9 jan­vi­er du manque de con­sid­éra­tion de Meta :

« L’AFP a été infor­mée de la fin des opéra­tions de fact-check­ing de Meta aux États-Unis 15 min­utes avant l’an­nonce offi­cielle par la plate­forme. Nous avions pour­tant reçu une let­tre offi­cielle en sep­tem­bre, avant l’élec­tion prési­den­tielle améri­caine, con­fir­mant que tous nos pro­jets de fact-check­ing avec Meta se pour­suiv­raient au moins jusqu’en 2026 ».

Il est vrai que l’AFP emploie directe­ment ou indi­recte­ment 150 (150 !) jour­nal­istes dans le monde dans son ser­vice de pseu­do véri­fi­ca­tion des faits, Factuel. Meta financerait jusqu’à 8 M€ annuels soit env­i­ron 75% de cette activ­ité qui était en pleine expan­sion à l’agence. Si Face­book n’a pas annon­cé la fin de son finance­ment en Europe, l’avenir de ce sou­tien n’est pas assuré.

Rappel de l’orientation politique des journalistes de l’AFP

On sait que la très grande majorité des fact check­ers améri­cains pen­chaient poli­tique­ment du côté démoc­rate le plus woke. Il n’est pas inutile de rap­pel­er les ori­en­ta­tions poli­tiques des jour­nal­istes de l’AFP. Il suf­fit pour cela de se pencher sur les résul­tats des élec­tions syn­di­cales de l’agence le 15 octo­bre 2022 :

CATÉGORIE JOURNALISTES EN % 2022

  • SNJ 40%
  • SUD 26%
  • CGT 20%
  • AUTRES 14%

Le Syn­di­cat Nation­al des Jour­nal­istes SNJ est mar­qué à gauche entre social-démoc­ra­tie et extrême gauche suiv­ant les rédac­tions, la CGT s’est éman­cipée de la tutelle du PCF mais reste mar­quée par son his­toire com­mu­niste avec des accents sou­vent cor­po­ratistes, SUD a été créé en 1988 par des mil­i­tants trot­skistes de la Poste. Depuis 2011 le vote SUD a plus que dou­blé chez les jour­nal­istes de l’AFP, pas­sant de 11% à 26% en 2022. Les con­clu­sions vous appartiennent.

Remar­quons au pas­sage que cer­taines agences comme Asso­ci­at­ed Press sont financées par­tielle­ment par George Soros ou les fon­da­tions du cou­ple Melin­da et Bill Gates

Haro sur l’Union européenne

Au même moment, Zucker­berg, attaque frontale­ment l’UE qui « adopte un nom­bre crois­sant de lois insti­tu­tion­nal­isant la cen­sure » et « rend dif­fi­cile la con­struc­tion de quoi que ce soit d’innovant ». Dans le même mes­sage il annonce vouloir tra­vailler avec Trump pour défendre les entre­pris­es améri­caines con­tre les insti­tu­tions qui veu­lent les brid­er ou les con­trôler. En ligne de mire le DSA (Dig­i­tal Ser­vices Act) en vigueur depuis 2023 pour com­bat­tre les « dis­cours de haine » (com­prenez musel­er les idées incor­rectes) en imposant aux réseaux soci­aux l’emploi d’un nom­bre suff­isant de censeurs humains ou numériques sous peine d’amende voire d’interdiction du réseau en infraction.

L’obscure min­istre française déléguée au numérique, Clara Chap­paz ne s’y est pas trompée et a défendu ardem­ment la cen­sure, assur­ant qu’après avoir échangé avec la direc­tion de Meta France, cette dernière l’a infor­mée que le rem­place­ment des véri­fi­ca­tions par les fact check­ers par des notes de la com­mu­nauté ne serait pas déployé en Europe pour le moment. Ouf souf­flent soulagés les par­ti­sans de la cen­sure de l’extrême-centre.

Hen­na Virkkunen, vice-prési­dente de la Com­mis­sion et respon­s­able de la tech­nolo­gie et de la sou­veraineté numériques a déjà mis en garde Musk, affir­mant « Notre tâche est de nous assur­er que les droits des citoyens européens sont respec­tés et que notre lég­is­la­tion est appliquée. Cela garan­tit des con­di­tions de jeu équita­bles et un envi­ron­nement en ligne sûr pour tous», une jolie langue de bois qui cache l’embarras de la Com­mis­sion face à un cou­ple Trump-Musk qui n’a pas la répu­ta­tion de se laiss­er faire.

N’oublions pas que Musk comme Zucker­berg défend­ent d’abord leurs intérêts et ceux des États-Unis. Ne sous-esti­mons pas l’opportunisme poli­tique de Zucker­berg soucieux d’apprivoiser l’administration Trump. Mais salu­ons une forte brise vent d’ouest et souhaitons qu’elle vienne rafraîchir la lib­erté d’expression en France et en Europe.

Voir aus­si : Dig­i­tal Ser­vices Act : l’UE veut impos­er ses normes et sa vision du monde à sens unique

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