[Rediffusion – article publié initialement le 18/10/2017]
Promesses tenues ! Avec discrétion. Une nouvelle sobre tombe sur les prompteurs des salles de rédaction le 9 octobre 2017 peu avant minuit. Le Figaro et Le Point sont les premiers à réagir en ligne : « La France va accueillir 10 000 réfugiés » d’ici 2019. Comment cette nouvelle est-elle relayée dans les médias entre le 9 et le 12 octobre ?
Le sujet est évidemment très sensible
La question se pose ou devrait se poser tant le sujet des migrants est sensible depuis deux ans. Chacun ayant pris conscience des omissions volontaires relatives à l’origine de la majorité des migrants. Omissions au niveau de l’Union Européenne et des États, largement relayées par une presse sous influence. Tous l’affirmaient comme un seul homme : les migrants seraient tous des « réfugiés ». Des personnes obligées de fuir des pays en guerre que nous aurions le devoir d’accueillir. Il s’agissait pourtant et avant tout d’hommes jeunes, migrant pour des raisons économiques. L’Europe aurait un tel besoin de bras jeunes, masculins et corvéables, qu’un petit mensonge… La donne a un peu changé : un effet des récentes élections, en France comme en Allemagne. Nombre d’observateurs le notent, par exemple en France : la transformation du paysage ethnique des villes ne va pas sans poser de problèmes. Alors, comment maintenir la fable ?
Les faits ? La France va ouvrir 10 000 places
L’information tombée le 9 octobre au soir et relayé ensuite jusqu’au 12 octobre ? Le Figaro a dégainé le premier, suivi de peu par Le Point : « La France va démarrer “dans les prochaines semaines” des missions au Niger et au Tchad pour identifier des personnes pouvant bénéficier du droit d’asile, sur des listes proposées par le Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR), a annoncé Emmanuel Macron lundi. Ces missions menées par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) visent aussi à “mieux prévenir la situation depuis le Niger et le Tchad pour prévenir un afflux de migrants économiques” non éligibles au droit d’asile, a expliqué le président, après avoir reçu à l’Élysée le président du HCR, Filippo Grandi. Au total, la France “ouvrira sur les deux prochaines années 10.000 places” pour ces réfugiés “réinstallés” depuis le Niger, le Tchad, mais aussi de Turquie, du Liban et de Jordanie, a annoncé le président ». C’est à peu de différences près ce que l’ensemble des médias relaient dans les jours suivants. Peu de choses, mais des nuances de taille.
Un seul mot vous manque et tout est…
Dès le 10 octobre, le mot « réfugiés » apparaît sur les sites de la plupart des médias. Il est parfois, mais rarement, remplacé par l’expression « migrants réinstallés ». BFMTV répercute l’information telle que fournie par la présidence de la République, introduisant cependant une première nuance de taille. D’après la chaîne d’informations en continue, ce sont toujours des « réfugiés » et non des migrants – mais ce sont aussi des « réfugiés supplémentaires ». Ce que l’immense majorité des autres médias passe sous silence. Par contre, à l’instar de l’ensemble des journaux, la chaîne répercute aussi l’élément de langage voulu par l’Élysée, sans esprit critique : il s’agit de « prévenir l’afflux de migrants économiques ». Cet élément de langage est présent dans tous les médias : de Franceinfo au Monde en passant par La Croix ou RFI. L’information est rarement dans les pages papier des quotidiens, jamais en Une. Sur les sites internet surtout. Une information de peu d’importance en somme. Résumons-nous : La France s’engage à accueillir 10 000 « réfugiés », autrement dit des personnes menacées pour cause de guerre, en plus de ceux déjà prévus – mais cela on ne le dit pas. Et ces « réfugiés » sont accueillis dans le but de restreindre l’arrivée de migrants économiques sur le territoire français. La pensée du président semble en effet bien complexe.
Complexe ? Comme une entourloupe ?
Ainsi, tout semble fait pour ne pas inquiéter une population française qui montre des signes d’agacement devant les flux migratoires. Ce n’est pas la réalité de l’inquiétude ou du risque accru de tensions que les médias relaient. Plutôt la simple parole officielle du président et de son gouvernement. Ainsi, en prolongement de l’annonce d’Emmanuel Macron, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a indiqué dans un communiqué que 3000 de ces migrants seront « issus des missions avancées de Ofpra au Niger et au Tchad ». Autrement dit : un tiers des « réfugiés » sont des réfugiés. 70 % seront des migrants ne venant pas d’espaces sous tensions. Le 10 octobre, lors des matinales de France Inter ou d’Europe 1, ce sont les mêmes éléments de langage. L’information disparaît ensuite des médias, et n’est du reste pas relayée par les principaux hebdomadaires en fin de semaine – ni dans L’Obs ni dans L’Express par exemple. Seuls les versions internet des hebdomadaires et quotidiens papier s’en sont fait l’écho. Une information reléguée au second plan pour cause de Catalogne et de mouvements sociaux ?
Conclusion ?
L’État français va accueillir plus de migrants que prévu et continuer d’imprimer dans l’opinion publique cette idée que la majorité d’entre eux sont des « réfugiés ». Avec l’aide de médias qui ne s’interrogent ni sur les éléments de langage fournis par le pouvoir politique ni sur la réalité du terrain, autrement dit sur ce qui est vécu par les populations amenées à concrètement accueillir ces migrants. Tout se passe comme si pouvoirs politiques et médiatiques avaient entériné ce fait que les migrations seraient devenues la norme. Une prétendue norme jamais questionnée par les médias. Par contre, le 12 octobre L’Obs se pose d’autres questions urgentes : « Pourquoi les nationalismes progressent ? » ou « Qui veut la peau d’Anne Hidalgo ? ». Drôle d’époque pour une presse qui ne paraît plus à même de faire de liens entre différents faits, ni de hiérarchiser les informations par rapport au Pays réel. À moins que ce ne soit délibéré ?
Crédit photo : Ville de Nevers via Flickr (cc)