Que peuvent craindre les personnes LGBTQI+ de l’accession au pouvoir du Rassemblement national ? Les médias de gauche multiplient les témoignages et reportages pour faire monter la peur d’un retour aux chambres à gaz a minima, voire pire.
Première diffusion le 1er juillet 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Les médias font leur miel des peurs des personnes LGBT+
Le Rassemblement national n’est pas seulement un danger pour les personnes issues de l’immigration : à en croire la sphère médiatique, il le serait aussi pour les personnes LGBTQI+ (nous demandons instamment à nos lecteurs de ne pas oublier le plus sous peine d’être accusé de discrimination et embastillé). Libération rappelle ainsi que ces minorités sont « dans le viseur de l’extrême droite depuis toujours », et le Huffington Post parle d’un gouvernement RN comme d’une « possibilité “terrifiante”. » Dans tous les articles, les témoignages de personnes homosexuelles ou transsexuelles se multiplient pour montrer leur terreur, la crainte qu’elles ont de ne plus avoir accès à certains droits, comme les traitements hormonaux ou la chirurgie, ou encore de ne plus pouvoir poser certains gestes avec leur conjoint en public. Le lien avec le IIIe Reich est fait sans beaucoup de scrupules par Le Huffington Post, qui cite une femme ayant « des ancêtres qui sont morts dans les camps de concentration parce qu’ils étaient juifs », et estime en conséquence que « sous un gouvernement d’extrême droite, le pire est possible. » « J’ai peur que les violences envers les personnes minorisées — LGBTQIA, racisées ou étrangères, personnes en situation de handicap physique et/ou mental — soient très graves », conclut-elle.
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Ces soutiens homophobes qui dérangent le Nouveau Front populaire
Malheureusement pour les médias, les dangers pour les minorités LGBT se trouvent aussi à gauche, notamment du côté de la partie islamique de l’électorat, qui ne se contente pas forcément d’attaques verbales. 20 Minutes parle ainsi d’Ismael Boudjekada, candidat dans la 9e circonscription des Français de l’étranger qui affirmait sur Sud Radio que l’homosexualité n’est « pas dans l’ordre naturel des choses ». Au reste, le titre est sobre, ne parlant que d’un « candidat », sans préciser de quel bord. On connaît son nom dès le chapeau, et on sait qu’il s’agit d’un « candidat revendiquant “soutenir le Nouveau Front populaire” » au deuxième paragraphe. On ne peut que louer d’ailleurs la prudence des journalistes qui laissent son soutien à l’état de citation, pour permettre au Nouveau Front populaire de s’en détacher. On peut regretter cette absence de prudence vis-à-vis d’autres partis. Ismael Boudjekada ayant été faussement présenté par Sud Radio comme un candidat Nouveau Front populaire, 20 Minutes s’empresse de rétablir la vérité dès le deuxième intertitre et précise que « plusieurs personnalités politiques ont immédiatement réagi […] pour “stopper la désinformation”. »
Le combat pour les minorités sexuelles moins facile que celui pour l’immigration ?
Un examen des différents articles de presse concernant les dangers du Rassemblement national pour les personnes LGBT+ mène toutefois à une conclusion étonnante : les médias sont bien moins prolixes que lorsqu’il s’agit de pointer les dangers du RN pour les personnes issues de l’immigration. On peut y trouver plusieurs raisons. D’abord, les personnes concernées sont bien moins nombreuses. Alors qu’un enfant sur quatre né cette année a au moins un parent étranger, les personnes transsexuelles représentent moins de 1% de la population, auxquelles il faut notamment ajouter les personnes homosexuelles. Autrement dit, les articles seraient moins lus, donc moins rentables. Là n’est toutefois pas le seul problème : alors que tout le monde ou presque connaît des personnes issues de l’immigration très aimables qu’il ne veut pas voir chassées, les personnes LGBT+ sont moins connues en-dehors des grandes villes. D’autre part, certaines de leurs actions touchent des enfants, comme des animations proposées par les écoles ou les municipalités, ce qui peut réduire leur capital sympathie. Enfin, et c’est peut-être là le principal problème, le gouvernement ne s’est pas montré particulièrement LGBT-friendly pendant la campagne. « C’est déjà pas simple avec le gouvernement actuel, mais un gouvernement RN sera clairement pire », se plaint un transsexuel dans Le Huffington Post. Emmanuel Macron s’est en effet opposé au projet du Nouveau Front populaire d’autoriser le changement d’état civil en mairie, parlant même d’une proposition « ubuesque ».
Les « Pride » pas si promptes aux appels à voter
Le mois de juin est surnommé le « mois des fiertés ». C’est donc celui où se tiennent les « Pride » dans plusieurs villes de France, ces manifestations des personnes LGBT+ et de leurs soutiens. Or, si les manifestants affichent à titre personnel leur opposition au RN, il n’en va pas forcément de même pour les organisateurs. Ainsi, France Bleu note qu’à La Rochelle, même si le RN est « rejeté par la majorité des manifestants présents », « les organisateurs ont refusé de condamner publiquement. » Il faut dire que certains de leurs militants ou sympathisants, comme au reste dans l’ensemble de la population française, votent pour le Rassemblement national. France Bleu reconnaît que le RN « cultive une image gay-friendly », en précisant ainsi qu’il ne s’agit que de poudre aux yeux. Les très nombreux cadres homosexuels qui entourent Marine Le Pen peuvent difficilement passer pour hostiles aux gays.
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Les médias friands de peinture brune pour un tableau apocalyptique
Si les médias sont peu nombreux à alerter sur la menace que le Rassemblement national fait peser sur les personnes LGBT+, ceux qui le font n’y vont donc pas avec le dos de la cuillère, et montrent des concernés désespérés, des violences en recrudescence, et la possibilité d’une dictature. Le Huffington Post rapporte notamment les propos d’une femme qui explique : « ce qui me terrifie, c’est aussi que si l’extrême droite obtient le pouvoir, je ne vois pas pourquoi elle le rendrait. » Plus simplement exprimé, il serait plus simple de ne pas tenir compte du résultat des urnes. Comme disait Berlolt Brecht « le peuple est contre nous, changeons de peuple ».
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