Invitée pour s’exprimer sur la une de Minute qui a provoqué le scandale dans le journal télévisé de 20h de France 2, la ministre de la Justice Christiane Taubira a jugé, au cours d’un entretien plus que complaisant, que la une de l’hebdomadaire satirique de mercredi est « d’une extrême violence » et « dénie (son) appartenance à l’espèce humaine ». Rien que ça !
Mercredi, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour injure publique à caractère racial, après que Jean-Marc Ayrault a saisi le procureur de la République, jugeant « révoltante » la fameuse une. L’enquête a été confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne. « Je voudrais d’abord dire ma solidarité totale, amicale et fraternelle à Christiane Taubira », a déclaré le Premier ministre lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale. « Ce matin, avec cette une lamentable, une parution comme celle-là, ce n’est pas de l’information, c’est une infraction qui appelle une sanction », a‑t-il ajouté :
Coup médiatique
Comme SOS Racisme la veille, le MRAP a annoncé qu’il allait déposer une plainte pour injure raciste et provocation à la haine raciste contre l’hebdomadaire.
Au sein de sa rédaction, on se réjouit du coup médiatique : « vu le prix du spot publicitaire, la polémique nous arrange bien », confie un collaborateur. Aux Inrocks, un journaliste de Minute explique la genèse de cette une : « Durant le week-end, nous n’avions pas vraiment d’idées de couverture. On pensait faire notre une sur la guerre de 14–18 et puis finalement, l’un d’entre nous a proposé cette blague de comptoir sur Taubira. Ça a fait marrer tout le monde, on a alors décidé de la faire. » Quant aux actions judiciaires, elles ne le surprennent pas : « On se doutait que SOS Racisme porterait plainte, mais nous avons prévu le coup du point de vue judiciaire. Nous sommes difficilement condamnables.
»
Interrogé par l’AFP, Jean-Marie Molitor, le propriétaire et directeur de la publication de l’hebdomadaire, explique : « Nous ne sommes pas du tout racistes, cette une est de mauvais goût mais c’est de la satire, ce n’est pas un délit ». « Nous assumons cette une, il n’y a rien à regretter. c’est un jeu de mot horrible, du mauvais goût à l’état pur. Mais c’est un comique bien français, on dit bien malin comme un singe », continue-t-il. « Tous ces réactions des politiques sont un nuage de fumée. Cette montée au créneau de Jean-Marc Ayrault, du ministre de l’Intérieur… Cette hystérie collective me dépasse mais c’est une jolie publicité pour nous ». L’hebdomadaire prévoit de répondre à ses détracteurs en consacrant un numéro spécial à l’affaire lors de son prochain numéro.
Signe que la polémique ne le gène pas, l’hebdomadaire tweetait mardi : « L’offre bonnet rouge (un bonnet rouge offert pour tout nouvel abonnement, ndlr) cartonne ! La semaine prochaine : un abonnement acheté, une banane offerte ! ».
Du pain bénit pour Libé
Jeudi, la une du quotidien au propriétaire inconnu sonne l’alerte (« Assez ! »). Pour l’occasion, elle est « sans photo ». Tenter de mobiliser contre le racisme, voici une recette parmi d’autres pour tenter d’endiguer l’érosion de son lectorat.
La Une de Libération demain pic.twitter.com/BzCagIWUlw
— Sylvain Bourmeau (@bourmeau) November 13, 2013
Crédit photo : Parti socialiste via Flickr (cc)