Si le mercato footballistique estival a été marqué par l’arrivée de Lionel Messi au Paris Saint-Germain, le mercato médiatique aura lui, vu, Mohamed Bouhafsi, 29 ans, quitter RMC pour France Télévisions. Bonne bouille, sympathique et avenant, l’étoile montante du journalisme sportif file faire de la politique sur France 5 en apportant sa touche personnelle, à la fois caution diversité et défenseur du progressisme.
Une carrière bien lancée
Née en 1992 à Marseille, Mohamed Bouhafsi a suivi sa scolarité dans un lycée catholique marseillais avant de rejoindre l’Institut Européen de journalisme à Paris. Il a notamment été stagiaire à Canal + et Radio France ainsi qu’à RMC où il finira rédacteur en chef du service foot (RMC et BFMTV).
À partir de l’été 2017, il présente l’émission Breaking Foot sur SFR Sport puis RMC.
Ambitieux, talentueux, doté d’une bonne diction, d’une connaissance certaine du football et de bons réseaux au sein de cet écosystème, il parvient vite à se faire un nom. À la rentrée 2020 il anime l’émission « Top of the Foot » sur RMC avec Jean-Louis Tourre sur un créneau 18h-21h rassemblant plus de 150 000 auditeurs en moyenne. Ses prestations lui donnent une cote sympathie élevée chez le public sportif et footballistique, public pourtant assez difficile à « dompter ». Des prestations qui ont fini par taper dans l’œil de France Télévisions mais qui dépassent largement l’intérêt du service pour le ballon rond.
Un profil idoine pour la télé publique de Delphine Ernotte
Indéniablement bon comme journaliste sportif, Mohamed Bouhafsi a d’autres qualités qui ont tapé dans l’œil du service public. L’une d’entre elles pourrait bien être son image qui colle bien avec la télévision de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions qui déclarait à sa prise de pouvoir en 2015 :
« On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans, et ça, il va falloir que cela change ».
Un bon profil donc mais aussi des idées qui vont bien avec le progressisme affiché du service public. Au cours de l’Euro de football 2020 (qui a eu lieu en 2021), le journaliste s’en est pris à l’UEFA pour avoir refusé d’illuminer les stades aux couleurs arc-en-ciel en soutien aux « LGBT » en pleine polémique sur une loi protégeant les enfants de la pédophilie. Le journaliste affirme alors que « la lutte contre l’homophobie, ce n’est pas de la politique, c’est juste du bon sens, des valeurs humanistes ».
À ce tropisme LGBT, s’ajoute une défense somme toute assez banale dans les hautes sphères médiatiques de l’antiracisme, avec, il faut en convenir une capacité de synthèse et d’explication assez supérieure à la moyenne. Autant de qualités qui lui permettront d’atteindre le Saint Graal avec un entretien présidentiel en direct sur BFMTV avec son confrère Jean-Louis Tourre. Un exercice qu’il maîtrisera très bien, en servant très clairement la soupe à Emmanuel Macron.
Un « humanisme » à géométrie variable
Défenseur des homosexuels, antiraciste, Mohamed Bouhafsi n’en demeure pas moins paradoxalement un défenseur… du Qatar. L’État propriétaire du Paris Saint-Germain et organisateur de la Coupe du Monde 2022 a pourtant très souvent été montré du doigt pour son esclavagisme. Il défendra souvent ce petit émirat du Golfe, notamment lors d’un passage chez Brunet et Neumann en octobre 2019, relativisant l’exploitation d’esclaves par le Qatar et mettant la Corée du sud, la Russie et même les États-Unis (alors dirigés par Donald Trump) dans le même panier que Doha…
Une certaine proximité avec Nasser Al-Khelaifi
Jeune mais bien entouré, Mohamed Bouafsi, bien que supporter de l’Olympique de Marseille, a su s’attirer l’oreille du président directeur général du PSG Nasser Al-Khelaifi, l’homme fort du PSG sur lequel s’appuie l’émir Tamim ben Hamad Al Thani. Il profite de ce réseau pour être en pôle position sur les informations du mercato, notamment à la faveur de l’arrivée de Neymar dans le club de la capitale.
En août, pour l’arrivée de Lionel Messi au PSG, le patron du PSG donnera même un entretien à Mohamed Bouhafsi pour France TV sport. Comme avec Emmanuel Macron, on ne peut pas dire que l’entretien fasse la part belle à la contradiction. Pour l’anecdote, quatre jours après cette interview, le Qatar fera encore l’actualité puisque les talibans qu’il soutient activement ont fini de reprendre Kaboul.
À la conquête de France Télévisions
Très apprécié par nombre d’amateurs de football, Mohamed Bouhafsi rejoint donc France Télévisions après dix années passées dans le groupe NextRadioTV devenu Altice Média (BFMTV, RMC…). En rejoignant l’émission C à vous sur France 5, il va donc continuer à parler sport mais pas seulement. Il devrait ainsi être amené à traiter de l’actualité en général aux côtés de la « très convenue » Anne-Elisabeth Lemoine mais aussi de Pierre Lescure, Patrick Cohen, Marion Ruggieri et Emilie Tran Nguyen.
Pour le moment rien ne semble pouvoir arrêté le jeune marseillais qui arrive en pleine année d’élection présidentielle. Avec plus d’un demi-million de personnes qui le suivent sur Twitter et 75 000 fans sur Instagram, il a su se faire un nom sur les réseaux sociaux notamment grâce à ses informations souvent justes lors des périodes de transfert.
Au-delà des gages progressistes donnés par le journaliste, ses indéniables qualités l’ont propulsé sur le devant de la scène tout comme son parcours qui a de quoi toucher le public : le journaliste s’étant engagé contre les violences faites aux enfants, ayant lui-même été victime de tels abus.
Le « prime » avec Lapix
Si Mohamed Bouhafsi va se faire les dents sur France 5, il rejoint aussi une émission de « prime » sur France 2 : « 20h22 », la nouvelle émission politique de France 2 animée également par Anne-Sophie Lapix et Nathalie Saint-Cricq. En pleine année présidentielle, une telle promotion ne passe pas inaperçue et le jeune journaliste est bien la valeur montante de cette rentrée.
Reste à présent à voir comment évoluera Mohamed Bouhafsi. Jusqu’à présent plutôt perçu comme sympathique auprès d’un public sportif, il a rapidement montré qu’en matière de sujets politiques et de société il saurait se montrer d’un conformisme implacable… Une attitude qui conviendra très bien au service public certes, mais qui ne lui assurera pas nécessairement une audience à la hauteur des attentes placées en lui. Il s’agira enfin de voir si derrière le professionnalisme et le travail de fond, le journaliste tiendra le coup face à des interlocuteurs plus chevronnés. Son message d’adieu à BFM-RMC semble déjà témoigner de certaines limites. Outre les remerciements en chapelet qui font très « premier de classe », la conclusion dénote d’une étonnante communication avec un pittoresque « love ».