Il ne fait pas bon fâcher la mairesse de Montauban, Mme Barèges. Le patron de Networkvisio, Michel Lecomte, l’a appris à ses dépens. Non seulement il s’est fait expulser par la police municipale du conseil municipal de Montauban, mais en plus il est mis en cause pour outrage par deux des policiers qui l’ont violenté. Lors de cette expulsion, d’autres journalistes, notamment de La Dépêche du Midi, ont eux aussi été malmenés.
Networkvisio est une télévision locale basée depuis plus de quatre ans à Montauban – la capitale du Tarn-et-Garonne, un département plutôt pauvre situé à quelques 50 km de l’une des villes les plus dynamiques de France, Toulouse, et qui était connu pour avoir été le fief de la famille Baylet, qui a la mainmise sur le groupe de la Dépêche du Midi et le Parti radical de gauche. Breton expatrié dans le Midi, Michel Lecomte filme le conseil municipal de Montauban depuis 2010. Son média, qui rayonne dans toute la région Midi-Pyrénées et couvre une partie de l’actualité de plusieurs autres régions de France, n’a pas toujours été tendre pour la mairesse Brigitte Barèges puisqu’il a diffusé des images très embarrassantes pour celle qui n’a pas hésité à présenter un de ses colistiers, noir, comme « la seule tâche de notre liste ».
Dans ce département où nombre de médias dépendent de groupes politiques – le Petit Journal est par exemple l’organe officieux de la droite locale – Networkvisio est resté indépendant. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des relations très tendues avec Mme Barèges, qui est aussi en froid avec La Dépêche du Midi, mais cette fois pour des raisons politiques. Le syndrome de la citadelle assiégée n’arrange rien. Jusqu’à récemment, Montauban était l’un des seuls bastions de droite dans un département dont l’homme fort, Jean-Michel Baylet, est à la fois grand patron de presse et chef d’un parti de gauche qui a envoyé trois ministres au gouvernement. Du reste Montauban n’est guère plus riche que le reste du département, particulièrement touché par une pauvreté qui ne cesse de se creuser : hors du centre historique perché, la ville est sinistrée, et le quartier de la gare complètement en ruines. Pas un café n’est ouvert, et même Pôle Emploi est en friche !
Près d’un an après sa violente expulsion, les deux policiers municipaux qui ont malmené Michel Lecomte devaient répondre ce 2 octobre 2015 de violences commises en réunion par une personne dépositaire de l’ordre publique. Mais le journaliste qu’ils ont viré manu militari est lui aussi mis en cause par les prévenus pour outrage. L’expulsion – motivée par le fait que le journaliste filmait le conseil comme à son habitude – est elle-même illégale. La Cour administrative de Bordeaux en 2011 a confirmé qu’il était interdit d’interdire (ou de soumettre à autorisation préalable) que le conseil municipal soit filmé par les conseillers ou l’assistance, et ce étant donné le caractère public des séances. Une seule exception est tolérée – et très encadrée – à savoir le risque de trouble à l’ordre public.
Du reste, les « outrages » que les policiers municipaux attribuent à Michel Lecomte apparaissent très polis par rapport aux vrais outrages que leurs collègues entendent régulièrement dans tous les quartiers chauds de France et de Navarre, surtout si on les replace dans le contexte d’une situation tendue et d’une discussion animée. Ceux-ci sont constitués par les propos tenus par le journaliste, « en l’espèce en disant de faire ”gaffe” à leur carrière, qu’ils faisaient le jeu de l’opposition en faisant ça, et en répétant à l’intention de [l’un d’entre eux] “Toi le petit, de toute façon ta carrière est terminée”. ”Tu sais pas ce qui va t’arriver toi, tu fais une grave erreur” et, à l’intention des deux policiers municipaux ”restez à votre place, ça vous fera du bien”. ”Vous faites un boulot à la con”. »
La scène a été en partie filmée par Michel Lecomte lui-même et par d’autres médias, comme la radio locale Totem. Même le Petit Journal y avait consacré un reportage. L’expulsion a été très mouvementée et le moins qu’on puisse dire, c’est que les policiers municipaux n’ont pas ménagé le journaliste local. À ce jour, Michel Lecomte filme toujours le conseil municipal de Montauban sans être embêté. En revanche la justice n’a pas fini de s’intéresser à la mairesse et ancienne avocate Mme Barèges. Profondément embarrassé par le dossier, le tribunal correctionnel de Montauban a renvoyé l’affaire au 29 janvier 2016. Après les régionales.