Diffusée mardi dernier, la vidéo de l’exécution du journaliste James Foley par l’État islamique a provoqué un choc dans le monde politico-médiatique.
Retenu en otage depuis novembre 2012, date à laquelle il avait été capturé en Syrie par un groupe djihadiste, ce photojournaliste qui travaillait notamment pour le GlobalPost ainsi que pour l’AFP n’a pas laissé ses confrères indifférents tout au long de sa carrière.
Son exécution filmée a provoqué des réactions horrifiées dans la profession. Aujourd’hui, les témoins de sa vie préfèrent se souvenir de l’homme qu’il fut. Un « beau gosse blond au visage anguleux toujours barré d’un sourire, caméra légère à la main », se souvient Daphné Benoît, journaliste à l’AFP. Capturé par les kadhafistes en avril 2011, il avait été relâché mais était aussitôt revenu couvrir le conflit. « Un soir je n’ai pas pu m’empêcher de lui confier mon étonnement. Comment avoir envie de revenir ? Pudique, James m’a répondu en souriant que c’était une évidence, qu’il lui fallait couvrir l’histoire jusqu’au bout. Ce n’était pas une tête brûlée. Juste un journaliste tenace. Il a bien fait : le 20 octobre 2011, James était parmi les rares journalistes sur place lors de la capture et l’exécution de Kadhafi à Syrte », a ajouté Mme Benoît.
À son retour, il avait raconté son expérience aux étudiants de son ancienne école de journalisme. « Quand vous commencez à prendre des risques, que vous avez une alerte sérieuse, vous devez vraiment vous poser des questions. Cela ne vaut pas votre vie », avait-il alors estimé. Interrogé sur les raisons qui le poussaient à se rendre dans des zones si dangereuses, il avait répondu : « Il y a une humanité incroyable en ces endroits. »
« Avec sa petite caméra discrète, son casque et son gilet pare-balles, James Foley était capable de se glisser sur les lignes de front, où il croisait souvent des civils fuyant dans l’autre sens, il s’abritait parfois avec eux au milieu des bombardements », a témoigné Djilali Belaid, coordinateur vidéo pour l’AFP au Moyen-Orient. Et d’ajouter : « Ses images parlaient souvent d’elles-mêmes, mais ses emails accompagnant ses vidéos mentionnaient toujours les noms des personnes interrogées, et même les noms des personnes mortes qu’il avait filmées après des bombardements. Pour lui il n’y avait pas de victimes anonymes. »
Côté captivité, les ex-otages Didier François et Nicolas Hénin ont révélé le lendemain de l’annonce de son exécution avoir été détenu en Syrie aux côtés du reporter. Pour Didier François, « c’était un garçon extraordinaire (…) un compagnon de détention extrêmement agréable, très solide ». C’était aussi « quelqu’un qui ne s’est jamais totalement soumis aux ravisseurs. Il a été extrêmement collectif durant toute la détention, en demandant notamment de la nourriture pour tout le monde ».
Pourtant, selon Nicolas Hénin, autre camarade de détention, Foley était, en tant qu’Américain, l’otage le « plus maltraité » de la bande. « Il est devenu le souffre-douleur des geôliers. Il s’en prenait plein la gueule mais il restait impassible », a‑t-il témoigné. Mais malgré ce statut difficile, « c’est un garçon d’une très grande bravoure (…) qui n’a pas eu de chance », a‑t-il confié.
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