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Mourad Hamyd, victime collatérale de l’emballement médiatique

14 janvier 2015

Temps de lecture : 3 minutes
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Mourad Hamyd, victime collatérale de l’emballement médiatique

Temps de lecture : 3 minutes

Comment peut-on assister tranquillement à ses cours, un mercredi matin ordinaire, et se retrouver le soir venu la cible d’une chasse à l’homme nationale ? Mourad Hamyd, 18 ans, en a fait la triste expérience.

Tout com­mence lorsque le « jour­nal­iste indépen­dant » Jean-Paul Ney pub­lie, sur son compte Twit­ter, un avis de recherche présen­té comme offi­ciel. On y trou­ve les trois matricules des « enfants de putain » (sic), autrement dit les noms et prénoms de Chérif et Saïd Kouachi ain­si que ceux de Mourad Hamyd et de ses par­ents. Aus­sitôt les réseaux soci­aux s’en­flam­ment et de nom­breux comptes Twit­ter et Face­book relaient une infor­ma­tion qui appa­raît comme véridique.

Plus tard, Pierre Mar­tinet poste à son tour le doc­u­ment sur Face­book. Il sera partagé plus de 6 000 fois. « Si un doc­u­ment pareil est dans le domaine pub­lic, c’est parce qu’il a été autorisé », se jus­ti­fie l’au­teur, joint par StreeP­ress. L’in­for­ma­tion arrive jusqu’au site pro-israélien JSS News qui reprend, sans se souci­er de la pré­somp­tion d’in­no­cence, les « faits » apportés par Mar­tinet. « Ce soir, l’horreur porte ces trois noms ! », clame-t-il.

S’en suiv­ra des appels au meurtre dif­fusés tou­jours sur les réseaux soci­aux à l’en­con­tre des trois sus­pects… dont Mourad. Sauf qu’au moment de la fusil­lade, à 11h30, Mourad était… en cours dans son lycée de Charleville-Méz­ières ! Ce sont ses amis qui ont décou­vert, le soir venu, que son nom cir­cu­lait sur la toile. « C’est com­plète­ment fou ! Com­ment il aurait pu descen­dre à Paris, com­met­tre un atten­tat à 11h30 et revenir dans l’heure au lycée, à Charleville-Méz­ières ! », témoigne l’un d’en­tre eux.

La sit­u­a­tion devient de plus en plus inten­able lorsque des médias pro­fes­sion­nels se met­tent à relay­er ces rumeurs. i>Télé va même, par la voix de l’un de ses « experts », jusqu’à affirmer que Mourad aurait fuit sur un scoot­er T‑Max, « comme Mer­ah », après la fusillade.

Joint par ses cama­rades, Mourad est effon­dré et en panique. Avec son père, il se rend au com­mis­sari­at de sa ville où il sera main­tenu en garde à vue une heure, puis libéré. Libéré mais loin d’être hors de dan­ger. On se sou­vient qu’au moment des atten­tats de Boston, un étu­di­ant qu’on avait cru recon­naître sur une pho­to (à tort), s’é­tait suicidé.

Et si Le Monde affirme que Mourad Hamyd est le beau-frère de l’un des frères Kouachi, présen­té comme un « musul­man pieux » par ses amis, cela n’en fait pas pour autant un sus­pect à abat­tre sur la base d’un doc­u­ment dou­teux sor­ti d’on ne sait où.

De quoi s’in­ter­roger sérieuse­ment sur le pou­voir de nui­sance de la rumeur, décu­plé par les réseaux soci­aux, mais aus­si (et surtout) sur les dan­gers de l’in­for­ma­tion en con­tinu qui oblige chaque chaîne à meubler, par­fois au détri­ment de la vérité, pour ne pas perde son audi­toire volatile.

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