Comment peut-on assister tranquillement à ses cours, un mercredi matin ordinaire, et se retrouver le soir venu la cible d’une chasse à l’homme nationale ? Mourad Hamyd, 18 ans, en a fait la triste expérience.
Tout commence lorsque le « journaliste indépendant » Jean-Paul Ney publie, sur son compte Twitter, un avis de recherche présenté comme officiel. On y trouve les trois matricules des « enfants de putain » (sic), autrement dit les noms et prénoms de Chérif et Saïd Kouachi ainsi que ceux de Mourad Hamyd et de ses parents. Aussitôt les réseaux sociaux s’enflamment et de nombreux comptes Twitter et Facebook relaient une information qui apparaît comme véridique.
Plus tard, Pierre Martinet poste à son tour le document sur Facebook. Il sera partagé plus de 6 000 fois. « Si un document pareil est dans le domaine public, c’est parce qu’il a été autorisé », se justifie l’auteur, joint par StreePress. L’information arrive jusqu’au site pro-israélien JSS News qui reprend, sans se soucier de la présomption d’innocence, les « faits » apportés par Martinet. « Ce soir, l’horreur porte ces trois noms ! », clame-t-il.
S’en suivra des appels au meurtre diffusés toujours sur les réseaux sociaux à l’encontre des trois suspects… dont Mourad. Sauf qu’au moment de la fusillade, à 11h30, Mourad était… en cours dans son lycée de Charleville-Mézières ! Ce sont ses amis qui ont découvert, le soir venu, que son nom circulait sur la toile. « C’est complètement fou ! Comment il aurait pu descendre à Paris, commettre un attentat à 11h30 et revenir dans l’heure au lycée, à Charleville-Mézières ! », témoigne l’un d’entre eux.
La situation devient de plus en plus intenable lorsque des médias professionnels se mettent à relayer ces rumeurs. i>Télé va même, par la voix de l’un de ses « experts », jusqu’à affirmer que Mourad aurait fuit sur un scooter T‑Max, « comme Merah », après la fusillade.
Joint par ses camarades, Mourad est effondré et en panique. Avec son père, il se rend au commissariat de sa ville où il sera maintenu en garde à vue une heure, puis libéré. Libéré mais loin d’être hors de danger. On se souvient qu’au moment des attentats de Boston, un étudiant qu’on avait cru reconnaître sur une photo (à tort), s’était suicidé.
Et si Le Monde affirme que Mourad Hamyd est le beau-frère de l’un des frères Kouachi, présenté comme un « musulman pieux » par ses amis, cela n’en fait pas pour autant un suspect à abattre sur la base d’un document douteux sorti d’on ne sait où.
De quoi s’interroger sérieusement sur le pouvoir de nuisance de la rumeur, décuplé par les réseaux sociaux, mais aussi (et surtout) sur les dangers de l’information en continu qui oblige chaque chaîne à meubler, parfois au détriment de la vérité, pour ne pas perde son auditoire volatile.
#CharlieHebdo Hamyd Mourad Kouachi 18 ans, Cherif 32 ans, Saïd 34 ans. Nationalité française. Tous les détails ici : http://t.co/cIzxrjVlJi
— Dreuz.info (@Dreuz_1fo) 7 Janvier 2015
Hier, son nom était jeté en pâture après le carnage. Il était en fait en cours de maths… > http://t.co/CVyAa0ezJM pic.twitter.com/UN6LI6evjU
— StreetPress (@streetpress) 8 Janvier 2015
http://t.co/B7AiYD19wY #MouradHamyd, victime collatérale de l’emballement médiatique via @ojim_france @JSSNews @jpney pic.twitter.com/HAa8GE9ahZ
— Claude Chollet (@ClaudeChollet) 14 Janvier 2015