L’information a fait les grands titres de nombreux journaux : le régulateur américain des télécoms a voté mi novembre l’abrogation de la réglementation garantissant l’accès égal aux contenus en ligne. Les fournisseurs d’accès internet aux États-Unis vont pouvoir moduler la vitesse de débit internet voire bloquer certains services.
Cette décision a été l’occasion de mettre en avant le concept de « neutralité » du web, un sujet sur lequel l’Observatoire s’est déjà exprimé. Mais Internet était-il vraiment neutre jusqu’à maintenant ? Assurément non. Des filtres et prismes orientent l’information à laquelle nous voulons accéder. Ils sont en nombre suffisant pour relativiser une « neutralité » qui serait menacée par la seule modulation du débit internet.
Nous en passons en revue quelques-uns.
Les applications des sites de presse
Pré installées sur l’ordinateur ou le smartphone que vous achetez, ces applications peuvent orienter le choix de l’utilisateur dans son accès à l’information. Ainsi, le dernier Galaxy Samsung A3 comporte l’application pré installée du Huffington Post. L’essayer c’est l’adopter ?
Les informations peuvent également être accessibles via une application de revue de presse du fabricant, à l’image d’Upday de Samsung ou d’Apple news. Ces applications accroissent la fréquentation des sites dont les articles sont repris. Elles prennent une place d’intermédiaire entre les médias et leurs lecteurs, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de ressources aux sites d’information comme le relatait La Tribune récemment. Autre problème : le choix des articles relève du pouvoir discrétionnaire et éventuellement de la sensibilité du webmaster. Certains titres sont ainsi totalement absents de ces revues de presse mainstream. Vous avez dit pluralité ?
Les fils d’actualité
Ils sont également parfois pré installés sur les smartphones et les ordinateurs : les fils d’actualité et autres flux RSS peuvent avoir pour objectif non seulement l’information synthétique, mais aussi l’addiction. Certains dispensent ainsi à intervalle plus ou moins régulier une « petite satisfaction immédiate avec du nouveau contenu qui s’affiche », comme le relate un «architecte en expérience utilisateur» au journal suisse Le Temps. Une sollicitation de l’attention à la recherche du temps de cerveau disponible, en quelque sorte…
Les moteurs de recherche
Contrairement à ce que disait récemment un représentant de Google France sur France Info, il ne suffit pas d’être « franc, ouvert, et d’avoir une bonne image » pour « être le premier en haut de la liste lorsque je fais une recherche ». Il faut parfois payer. Le journal Toute la Franchise présente le référencement payant sur les moteurs de recherche. Cet outil très prisé par certaines équipes marketing d’entreprises doit permettre de conduire l’internaute à la lecture d’articles ou à l’achat de services ou produits.
L’algorithme du principal moteur de recherche, Google, a ses biais, comme le relatait le journal Les Echos récemment. A tel point que la CNIL a fait récemment des recommandations aux acteurs « maillons de la « chaîne algorithmique ».
Le rôle de Google dans la sélection de l’information fait également l’objet de critiques venant tant de la gauche et que de la droite pro life américaine ainsi que dans les colonnes de votre Observatoire. Pour les uns, le « nouvel algorithme de Google limite l’accès aux sites Web progressistes et de gauche ». Pour les autres, Google est « la société la plus puissante de l’histoire du monde. Google contrôle la réalité et a déjà démontré une volonté troublante de fausser cette réalité à des fins idéologiques ».
Comme l’affirmait récemment le philosophe Matthew Crawford dans le journal Eléments, « en une décennie, on a assisté à l’avènement d’une situation inédite : une poignée de personnes dans une poignée d’entreprises orchestre les filtres qui, via des algorithmes, déterminent ce qui est pensé chaque jour par des milliards de personnes ». Cette économie de l’attention et de l’information surabondante n’est pas neutre. Autant donc en maîtriser les différents prismes et les gérer comme on peut si possible en connaissance de cause.