La cession de 80% du groupe Nice-Matin (Groupe Hersant média-GHM) au fonds d’investissement suisse GXP capital, prévue en principe hier, 26 février, a été repoussée d’un mois.
Officiellement pour des raisons techniques. “Toutes les clauses suspensives sur ce deal ont été levées, hormis la question sur le financement de 20 millions d’euros”, assure une source proche du dossier. “Les autorisations en matière de transferts de fonds, a fortiori en provenance de Suisse, sont régies par une législation de plus en plus tatillonne”, poursuit le même contact. Côté syndicat, on parle de “simple retard” et on affiche également une sérénité de circonstance sur la finalisation de l’opération. L’annonce du report, effectuée lundi 24 février par Jean Icart, le porteur du projet, et Gilles Périn, le représentant de GXP capital, relance pourtant les conjectures sur la réalisation concrète de la transaction. Pour deux raisons.
En premier lieu, le droit français de la presse interdit en principe à un investisseur non communautaire d’acquérir plus de 20% d’un journal hexagonal. Là où le Belge Rossel a pu racheter en 2004 La Voix du Nord, puis, en 2012, Le Courrier picard et le pôle Champagne-Ardennes du groupe Hersant médias (L’Union), le Suisse risque de se casser les dents sur la législation française. L’autre interrogation majeure dans ce dossier réside dans la nature même de GXP capital et dans la provenance des fonds qu’il gère. Dirigé depuis juillet 2013 par Haris Thalis Papadopoulos, la société ne brille pas par sa transparence. Les seules indications connues sont ses domaines d’activité : l’hôtellerie de luxe et le yachting. Déménagé, dans la foulée de ce changement de gouvernance, de Genève à Baar, dans le mini paradis fiscal de Zoug, GXP capital ne publie aucun chiffre financier. Il n’emploie pas de salariés. Difficile dans ces conditions de connaître l’origine des 20 millions d’euros destinés à sauver Nice-Matin du dépôt de bilan. Un autre épisode des aventures françaises de GXP ne pousse guère à l’optimisme. Depuis 2011, The Alpine collection, une filiale du fonds, tente d’ériger dans la station de montagne d’Auron, située à moins de 100 kilomètres de Nice, un complexe hôtelier 5 étoiles. Trois ans après, le projet baptisé “Transalpina”, d’un montant de 70 millions d’euros environ, n’est toujours pas sorti de terre…
Au-delà des questions techniques et juridiques, il se murmure sur la promenade des Anglais qu’une autre raison, de nature politique, aurait brusquement freiné le processus de vente. Jean Icart, ex industriel local et municipal divers droite à Nice, est un opposant notoire du maire UMP, Christian Estrosi. Il devait même se présenter contre lui aux prochaines élections, s’il ne s’était pas engagé dans le dossier de reprise de Nice-Matin. Estrosi, grâce à ce report du closing jusqu’à fin mars, n’aura pas à subir les piques du quotidien pendant la campagne. Sa réélection, déjà probable, est désormais assurée. Loin de ces calculs éventuels, le groupe Nice-Matin pense lui surtout à garder la tête hors de l’eau (six millions de pertes en 2013). Son actionnaire actuel, GHM, a assuré que les salaires seraient payés jusqu’à fin avril.
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