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Notre jeu de l’été : analyse d’une dépêche AFP #2, le diable de Salvini

12 août 2019

Temps de lecture : 8 minutes
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Notre jeu de l’été : analyse d’une dépêche AFP #2, le diable de Salvini

Temps de lecture : 8 minutes

L’AFP est une des trois grandes agences de presse au monde. Son rôle est théoriquement d’alimenter les médias en faits, de façon à ce que ces derniers soient en mesure d’en proposer une interprétation fondée factuellement à leurs lecteurs. A bien lire les dépêches de l’AFP, il semble que le factuel s’est égaré en route…

Un des prob­lèmes majeurs posés par l’AFP à la dif­fu­sion de l’information tient à ce rôle de qua­si mono­pole qu’elle pos­sède en France, posi­tion dom­i­nante qui, asso­ciée à la vitesse de traite­ment de l’information, con­duit nom­bre de médias à repren­dre sans recul et sou­vent à recopi­er les dépêch­es qu’elle pro­pose. C’est une des caus­es majeures du for­matage de l’information en France. Après avoir lu et réécrit de manière dif­férente une dépêche de l’AFP en date du 5 août 2019 en fin de soirée, nous nous pro­posons de lire et de com­menter entre les lignes la dépêche qui suit.

AFP, publié le vendredi 09 août 2019 à 09h13

Matteo Salvini, du sécessionnisme à l’extrême droite triomphante

[Note : Comme il est d’usage con­cer­nant les mou­ve­ments poli­tiques de droite ayant une autre vision de l’Europe, l’AFP et ses con­frères emploient l’expression « extrême droite » comme si la déf­i­ni­tion en était évi­dente. Feuil­leter une ency­clopédie en ligne suf­fi­rait pour­tant à cess­er d’écrire de telles con­tre-vérités con­cer­nant Salvini]

Avec son slo­gan « Les Ital­iens d’abord », martelé à longueur de tweets et de vidéos sur Face­book, [référence à la préférence nationale, des­tinée aux Français, qui serait un mar­queur de « l’extrême droite » ; « martel­er » fleure bon la pro­pa­gande] Mat­teo Salvi­ni, l’an­cien séces­sion­niste lom­bard devenu sou­verain­iste, a dyna­mité la droite ital­i­enne, phagoc­ité [la faute d’orthographe est d’origine] ses alliés du Mou­ve­ment 5 étoiles (M5S, anti­sys­tème) [et non pas pop­uliste de gauche ?] et entend désor­mais gou­vern­er seul. [« gou­vern­er seul » donc sans alliés. Où est la source ? Quel fait, quelle déc­la­ra­tion per­me­t­tent d’accréditer cette « infor­ma­tion » qui, sans cela, devient une opin­ion ? Si c’est un fait, alors c’est un fait majeur : le sys­tème élec­toral ital­ien, fondé sur la pro­por­tion­nelle, per­me­t­tant aux électeurs d’être mieux représen­tés qu’en France par exem­ple, est conçu pour empêch­er qu’une force poli­tique gou­verne seule. Ce sys­tème induit la notion d’alliances, de com­pro­mis, de recherche de majorité. Factuelle­ment, com­ment Salvi­ni peut-il « enten­dre », choix de verbe lui-même ori­en­té, ce n’est pas la même chose que « souhaiter », « gou­vern­er seul » ?]

Ce Milanais pro­lixe et déter­miné de 46 ans, arrivé en 2013 à la tête d’un par­ti au bord du gouf­fre, a fait de la Ligue (anci­en­nement « du Nord ») une for­ma­tion nation­al­iste tri­om­phante [sou­verain­iste ? nation­al­iste ? Con­cepts poli­tique iden­tiques ? A quoi dans l’esprit du rédac­teur de cette dépêche, peut bien se référ­er une expres­sion telle que « nation­al­iste tri­om­phante » ? Nos lecteurs doivent avoir une petite idée…] qui a dépassé dans les urnes son allié de droite Sil­vio Berlus­coni avant de le lâch­er pour for­mer, en patron mal­gré moitié moins de voix, une majorité gou­verne­men­tale avec les anti­sys­tème du Mou­ve­ment 5 étoiles (M5S). [« moitié moins de voix », un fait… à rel­a­tivis­er : la coali­tion de cen­tre droit de Salvi­ni a rem­porté en 2018 37 % des voix con­tre 32,7 % au Mou­ve­ment 5 étoiles… Décom­pos­er la coali­tion arrivée en tête est une vieille pra­tique en usage chez les poli­tiques mais… à l’AFP ?]

Fils d’un chef d’en­tre­prise, Mat­teo Salvi­ni est né et a gran­di dans la cap­i­tale lom­barde : col­lège catholique, scoutisme et match­es du Milan AC, puis mil­i­tan­tisme, petits boulots et quelques cours à la fac. Il a adhéré à la Ligue du Nord dès l’âge de 17 ans et a été élu con­seiller munic­i­pal de Milan à 20 ans. Il est ensuite devenu jour­nal­iste au quo­ti­di­en La Pada­nia et à la radio Pada­nia Lib­era, deux organes proches de son par­ti qui lui ont per­mis de peaufin­er son aisance orale. Et en 2004, cet euroscep­tique est entré au Par­lement européen. Mais à mesure que son étoile per­son­nelle mon­tait, son par­ti s’en­fonçait dans la crise. Son patron et fon­da­teur Umber­to Bossi, dimin­ué par une attaque cérébrale en 2004, a été bal­ayé par un scan­dale de détourne­ment de fonds publics en 2012. Aux lég­isla­tives de 2013, le par­ti est tombé à 4%. Arrivé à sa tête fin 2013, M. Salvi­ni a changé le dis­cours du par­ti, tour­nant vers Brux­elles les dia­tribes que son men­tor Bossi lançait con­tre le gaspillage et les « dik­tats » de Rome. [rien de faux, sim­ple­ment le sens péjo­ratif : Salvi­ni ? Un catho, sup­port­er de foot, pas d’études, jour­nal­iste de circonstance]

« Communiste à l’ancienne »

Ce bar­bu un peu rond, rétif aux cos­tumes-cra­vates, tou­jours en colère et d’un aplomb sans faille [com­pren­dre : ingérable et capa­ble de men­tir éhon­té­ment] est vite devenu omniprésent dans les médias, avec un ton direct s’embarrassant rarement de nuances ou du poli­tique­ment cor­rect. [il arrive par­fois, comme c’est le cas ici, que des médias recon­nais­sent ce qu’ils nient en règle générale : l’existence d’un poli­tique­ment cor­rect dom­i­nant auquel ils con­tribuent – manque d’expérience du sta­giaire esti­val sans doute]

Désor­mais allié avec le Front nation­al français, [un 1er très grand défaut, donc ; et une autre erreur factuelle : il n’y a plus de Front nation­al en France mais un Rassem­ble­ment Nation­al. Que dirait-on si un média par­lait du RPR au sujet de Bel­lamy ?] grand admi­ra­teur de Vladimir Pou­tine et de Don­ald Trump, [2 défauts de plus, cela com­mence à sen­tir l’internationale des grands méchants] il s’en prend avec vir­u­lence aux immi­grés, à l’is­lam, à l’eu­ro, aux unions homo­sex­uelles… [ici, le lecteur aimerait sim­ple­ment que le jour­nal­iste, con­scient que sa dépêche va être reprise telle quelle, explique cha­cun de ces points. Quelle est la posi­tion exacte de Salvi­ni sur ces points pré­cis ? Et pourquoi ? Si c’est un homme poli­tique, il a des posi­tions poli­tiques : lesquelles ?]

« J’ai tout enten­du : je suis un crim­inel, un raciste, un fas­ciste », lance-t-il régulière­ment. Mais « je suis com­mu­niste à l’an­ci­enne, je con­nais plus d’usines que ces gens (de gauche) qui ne fréquentent que des ban­quiers ». Il se présente aus­si en défenseur des valeurs chré­ti­ennes, mal­gré une cri­tique vir­u­lente des efforts du pape François en faveur des migrants et une vie privée agitée : il a eu deux enfants — 6 et 15 ans — de deux femmes dif­férentes, s’est séparé l’an dernier de sa com­pagne ani­ma­trice de télévi­sion et s’af­fiche désor­mais avec une jeune femme de 20 ans sa cadette. [attaque en dessous de la cein­ture dont on se demande bien ce qu’elle fait dans une dépêche d’une agence de presse] Devenu min­istre de l’In­térieur, il n’a pas sou­vent mis les pied au Vim­i­nale, l’im­mense palais blanc qui abrite son min­istère, [nou­velle attaque en dessous de la cein­ture] préférant enchaîn­er les déplace­ments et meet­ings, en per­pétuelle cam­pagne. Partout, il insiste sur son intran­sigeance face aux migrants, même si les flux avaient déjà dras­tique­ment bais­sé avant lui et si sa poli­tique des « ports fer­més » n’empêche pas des cen­taines d’ar­rivées chaque mois. [com­pren­dre : la poli­tique migra­toire de Salvi­ni serait fausse­ment ferme]

Par­mi ses promess­es tenues, il a sup­primé les per­mis de séjour human­i­taires, élar­gi la notion de légitime défense, abais­sé l’âge du départ à la retraite, ren­for­cé les ser­vices de police… En revanche, la stag­na­tion économique rend hypothé­tiques ses promess­es de baiss­es spec­tac­u­laires d’im­pôts, les expul­sions de sans-papiers sont au point mort, ses efforts d’u­nion pop­uliste au Par­lement européen ont en fait isolé l’I­tal­ie, et une enquête est en cours sur des soupçons de finance­ment de son par­ti par la Russie. [fameuse tac­tique du « bon et du mau­vais flic », qui per­met d’insister sur ce que seraient tous les sou­verain­istes du monde, et peut-être de l’univers : une impasse et des pan­tins au ser­vice de la Russie] Des bémols qui n’empêchent pas une pro­gres­sion phénomé­nale dans l’opin­ion publique : ses 17% aux lég­isla­tives de mars 2018 sont devenus 34% aux européennes de mai, et les sondages le crédi­tent actuelle­ment de 36 à 38% des inten­tions de vote. Un suc­cès dû en grande par­tie à une util­i­sa­tion opti­male des réseaux soci­aux. Même s’il est omniprésent dans les médias, c’est surtout à ses 1,1 mil­lion d’abon­nés sur Twit­ter et plus de 3,7 mil­lions sur Face­book qu’il martèle qua­si les yeux dans les yeux son mes­sage « de bon sens », envoy­ant à longueur de journée des com­men­taires sur l’ac­tu­al­ité, des pho­tos de ses activ­ités, de ses ren­con­tres, de ses lec­tures de plage et même de ses repas. [Salvi­ni ne peut pas, dans l’esprit d’un rédac­teur de l’AFP, pro­gress­er sur le plan élec­toral et gag­n­er en pop­u­lar­ité pour une rai­son sim­ple­ment poli­tique, il faut une autre rai­son, ces fameux réseaux soci­aux qu’il con­vient, dit-on sou­vent à l’AFP, de main­tenant contrôler…]

Voilà une « dépêche d’information » qui a tout du por­trait à charge et qui loin d’informer donne les élé­ments de lan­gage de ce qui doit être dit au sujet de Salvi­ni et de la sit­u­a­tion poli­tique en Ital­ie. On le voit, ain­si que nous l’écrivions en ouver­ture de notre jeu AFP de l’été, avec cette agence il n’y a pas de « fake news » (sauf excep­tions). Tout est dans le ton et dans l’orientation de l’information dans le sens souhaité. Avec très large­ment l’argent du contribuable.

Voir aus­si : Notre jeu de l’été : analyse d’une dépêche AFP #1

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