Depuis le départ de Laurent Joffrin, remplacé par Denis Olivennes à l’été 2020, on ne parle plus que de fonds à Libé. Ah les fonds ! Pas les fonds marins, plutôt les fonds d’investissement ou de « dotation pour une presse indépendante », puisque Patrick Drahi ne veut plus investir à fonds perdus (revoilà les fonds) dans un quotidien en perte de vitesse et a décidé de transférer le titre à un « fonds » justement.
Le fond du fonds
Pour ne pas toucher le fond (san s) du fonds (avec s) que faut-il ? D’abord des administrateurs compétents. Laurent Joffrin pressenti n’en sera finalement pas et vogue vers une carrière politique. On y trouve pour le moment Arthur Dreyfus directeur général d’Altice média et Laurent Halimi, directeur des fusions et acquisitions … d’Altice Europe. Deux hommes liges de Patrick Drahi qui garde ainsi les commandes. Un troisième poste serait à pourvoir.
Les sous du fonds
Outre les administrateurs il faut des fonds au fonds avec un plafond. Drahi s’engage à apurer les dettes et à « assurer le développement du titre », une formule assez vague qui n’engage pas à grand-chose de précis. Mais parlons gros sous.
Les dettes seraient supérieures à 57M€. Bon prince Patrick Drahi, qui n’avait de toute façon pas d’autre solution, les efface. Mais quid du futur déficit ? Quid du fonds de roulement ? Quid des ressources pour financer la clause de cession des journalistes qui voudraient partir ? Pour tout cela Drahi offre un peu plus de 13M€. Une perte annuelle (estimation basse) de 10M€, plus une clause de cession à 2 ou 3M€, plus des frais de déménagement, plus peut-être une nouvelle formule à venir avec le nouveau rédacteur en chef….Tout juste de quoi survivre en 2021 si les pertes ne s’aggravent pas, guère plus.
La structure du fonds
Tous ceux qui connaissent la vie parfois mouvementée des fonds divers et variés savent que la clause de sortie ou de cession est fondamentale. Or si le nouveau fonds est incessible, il est propriétaire d’un titre de presse qui lui est cessible. Prenons un exemple : je suis Patrick Drahi, j’ai déjà fait mon devoir en accordant 70M€ au fonds. Les pertes de 2020 ont explosé et les pertes prévisibles en 2021 s’accroissent, hypothèse qui n’est pas absurde en ces temps difficiles, je ne veux pas remettre au pot. Que fais-je ? Le fonds où figurent des administrateurs que j’ai nommé revendent le titre pour un montant à discuter. On pourrait imaginer qu’un Xavier Niel pourrait être intéressé dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022.
Un audit indépendant commandé par les salariés évoque un besoin de financement non de 13M€ mais entre 30 et 40M€. De son côté, Patrick Drahi en esprit pratique a déjà versé au fond 15M€ qui, profitant des avantages fiscaux de la presse, seront défiscalisés à 60%. Libération racheté en 2014 n’est plus utile aux affaires de Patrick Drahi. Et quand on ne sert plus à rien…
PS DERNIÈRE MINUTE : Les analyses du cabinet Technologia, mandaté par les salariés, projettent des pertes de plus de14M€ pour 2020 soit plus de la moitié du chiffre d’affaires annuel.