Alors que le réseau social vient de lancer Facebook News aux États-Unis, c’est désormais dans la chasse aux “fake news” qu’il s’est à nouveau démarqué. Plusieurs centaines de pages et des dizaines de groupes soupçonnés d’avoir voulu influencer des élections africaines viennent d’être fermés.
“Opération Carthage” : un archipel de fausses pages et de faux profils
Cette censure du réseau social fait suite à une récente enquête du laboratoire de recherche américain Digital Forensic Research lab (DFRLab), émanation de l’Atlantic Council, un faux nez de l’OTAN, qui aurait démontré les tentatives d’ingérence dans diverses élections, de ces pages et groupes. Ces derniers ont d’ailleurs tous un point commun, ils ont été créés et sont administrés par une société tunisienne de marketing numérique dénommée UReputation.
UReputation n’appartient pas à n’importe qui, la société est pilotée par un certain Lotfi Bel Hadj. Affairiste franco-tunisien influent se présentant comme « économiste », « lobbyiste », il fut interdit de séjour en Tunisie du temps de Ben Ali ; proche du parti islamiste Ennahdha et soutien actif de Tariq Ramadan, il est également le neveu de l’ancien président tunisien, Moncef Marzouki. Sa société gère aussi Le Muslim Post, un site “d’information francophone destiné aux musulmans basés en Europe”.
C’est — cette fois — pour son ingérence dans les affaires africaines qu’il été sanctionné : ses pages sont soupçonnées d’avoir voulu influencer les récentes élections tunisienne, comorienne, togolaise et ivoirienne.
“Des pages présentées comme des sites d’information locale”
Facebook a fermé un total de 446 pages et 96 groupes liés à UReputation, ainsi qu’un nombre important de faux profils. Ces groupes auraient “créé une audience de façon “trompeuse” en abordant des sujets attrayants, comme le “tourisme, les liens avec la diaspora” et récemment, “la lutte contre le coronavirus”, avant de changer de ton et se lancer dans la propagande politique”.
Dans la pratique, des publications trompeuses, dont des sondages, auraient été produites pour soutenir le président comorien Azali Assoumani, réélu en 2019 ; l’ex-président ivoirien Henri Konan Bédié, en campagne pour les élections présidentielles d’octobre 2020 ; le président togolais Faure Gnassingbé, réélu en février 2020 ; et enfin, un autre homme d’affaires, Nabil Karoui, candidat aux présidentielles tunisiennes de 2019. Dans le cadre de cette dernière élection et suite aux révélations du DFRLab, Youssef Chahed, candidat malheureux à la présidence, a annoncé poursuivre en justice Bel Hadj et sa société. Cependant, le DFRLab conclut que “cela semble avoir été motivé par le gain financier, car il n’y a pas de continuité idéologique qui se dégage du contenu”.
Mais d’autres questions restent ouvertes : Facebook va t‑il récidiver dans le cadre d’autres élections et pour d’autres zones géographiques ? L’OTAN, via son Atlantic Council, va-t-il continuer à s’impliquer pour des « élections neutres » (traduction : favorables ou a minima non hostiles aux intérêts américains). Serait-ce aussi le début de nouveaux ennuis judiciaires pour Lotfi Bel Hadj ? Affaires à suivre.