La polémique sur les propos que l’imam Houdeyfa de Brest a tenu sur la musique semble ne pas laisser indemnes certains journalistes, à en juger par le récit fait par Ouest-France d’une manifestation où partisans et opposants de la fermeture de la mosquée où exerce l’imam se sont dévisagés dans un face à face tendu. Ils étaient environ 150 de chaque côté selon Ouest-France, ou Le Télégramme, 150 nationalistes contre « une centaine » d’antifas selon Le Monde, une centaine d’antifas contre 120 nationalistes pour la police.
L’imam salafiste de la mosquée de Pontanezen – un quartier chaud de Brest – a estimé que « ceux qui écoutent de la musique seraient transformés en singes et en cochons » et « ceux qui écoutent la musique écoutent le diable ». Ces propos, tenus il y a plus d’un an, ont ressurgi dans la presse régionale fin septembre et ont provoqué une certaine indignation populaire. Une manifestation s’est donc tenue il y a dix jours à Brest, place de la Liberté, à l’appel d’une organisation nationaliste bretonne, Adsav, et d’un mouvement qui se décrit comme « anti-islamisation », Résistance Républicaine. Face à eux, séparés par un rideau de CRS, des antifascistes bretons étaient également de sortie.
Le récit de la manifestation par Ouest-France interroge, tant la journaliste – Frédérique Guiziou, qui s’occupe habituellement de sujets culturels – semble faire cause commune avec les antifascistes. À la suite d’une citation de Christine Tasin, chef de file de Résistance Républicaine, qui se félicite de voir « jacobins et indépendantistes réunis », l’auteur de l’article estime que les deux mouvements sont « réunis par une culture raciste commune »… La journaliste parle également des « propos féministes inattendus » de Ronan le Gall, chef de file d’Adsav. Sous-entendu : un militant nationaliste ne peut être qu’un gros macho.
Elle commente aussi l’arrivée d’une trentaine de militants d’Adsav vers 11h30 : « Un peu avant midi, l’irruption, très attendue, de renforts dans le camp d’extrême droite, une bande de skins, crâne rasé et bombers, énervés et alcoolisés, visiblement tentés d’en découdre avec les antifas, provoque un soudain et gros remue-ménage. ». Bref, le diable en personne arrive – et ce même s’il y avait très peu de « crânes rasés » en l’occurrence, et que les Bretons tiennent suffisamment bien la marée pour ne pas être alcoolisés à 11 heures du matin… La légende de la photo est encore moins respectueuse : « Une bande d’excités est arrivée avant midi, prêts à en découdre ». Du reste, la description des manifestants n’était pas moins tendancieuse, entre les « vieilles dames très maquillées », et les « gros balèzes tatoués ».
Le live-tweet par Le Télégramme – journal finistérien historiquement républicain et marqué à gauche – est nettement plus retenu.
#Brest : les antifascistes à la rencontre des manifestants “contre l’islamisation”. Le direct http://t.co/hAUNdwqAhH pic.twitter.com/c2I2eZUH9u
— Le Télégramme (@LeTelegramme) 10 Octobre 2015
Quant au Monde, son article qui reprend la dépêche de l’AFP sur le sujet ne mentionne même pas l’épisode. Qui du reste n’est qu’une péripétie d’une double manifestation où les deux camps se sont regardés en chiens de faïence, mais sans en venir aux mains ni s’en prendre aux forces de l’ordre.
Photo : l’imamn salafiste de Brest. Crédit : DR