Depuis le démantèlement de l’USAID par Donald Trump, et les révélations qui s’en sont suivies sur les projets financés par l’agence américaine chargée d’apporter de l’aide humanitaire, au développement et à l’éducation, l’AFP est accusée d’avoir elle aussi perçu de nombreux financements occultes. Qu’en est-il vraiment ? On fait le point.
Les rumeurs vont bon train
Voilà maintenant plusieurs jours que l’Agence France-Presse est au cœur d’une vive polémique sur les réseaux sociaux. En cause : le démantèlement de l’USAID (« Agence des États-Unis pour le développement international ») par Donald Trump qui révèlerait, selon certains internautes, des financements occultes reçus par l’AFP de la part du premier pourvoyeur mondial d’aide humanitaire.
Depuis le 7 février, date à laquelle Donald Trump a annoncé le gel partiel des financements de l’USAID, les rumeurs vont bon train sur les sommes, parfois astronomiques, qu’auraient perçues l’AFP : ici, un internaute affirme que l’agence de presse aurait reçu 447.000 dollars de la part de l’USAID, là, un autre annonce une ardoise substantielle de 10 millions dollars. L’écart vertigineux à de quoi surprendre. Alors qu’en est-il réellement ?
Un site opaque
Pour démêler le vrai du faux, un bref retour en arrière s’impose. Le 7 février dernier, dans un souci de réduire drastiquement les coûts de l’administration américaine, Donald Trump annonce le démantèlement de l’USAID, qu’il accuse alors « de dépenses excessives » et de « corruption ». L’annonce fracassante fait trembler le Tout-Washington et nombreux sont ceux, chez les professionnels comme chez les politiques, à s’intéresser dès lors au portefeuille de l’USAID.
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Pour éplucher ses comptes, tous ont utilisé la même méthode : détricoter le site USASpending.gov, site officiel en open data qui « suit la manière dont l’argent fédéral est dépensé » par les différentes institutions américaines à travers tout le pays. En clair : le site ne recense pas uniquement les dépenses de l’USAID mais bien celles de toutes les agences et institutions américaines. Et c’est bien là que le bât blesse.
Car le site, chargé de données en tout genre, se révèle particulièrement opaque. Nombreux sont ceux qui, entre les dates et les différents montants versés par différentes agences, se sont emmêlés dans leurs comptes.
L’AFP dans les comptes de l’USAID
Dans le cas de l’AFP, l’agence apparaît bel et bien sur le site. Elle a donc bien « transactionné » avec des agences américaines. Au total, selon le site USASpending.gov, l’Agence France-Presse aurait ainsi perçu 447.000 dollars ces douze derniers mois dans le cadre de « quatre transactions ».
Les quatre transactions se divisent ainsi : 373.350 dollars ont été versés par l’USAGM — l’agence indépendante américaine chargé du contrôle des radios et télévisions internationales financées par le gouvernement américain — pour le service de dépêches de l’AFP ; 50.928 dollars ont été versés par le département de Défense des États-Unis (DoD) pour son « portail d’accès AFP 24/7 pour l’Amérique du Nord » ; et enfin, 22.730 dollars proviennent bien du portefeuille de l’USAID dans le cadre, selon l’AFP, d’un abonnement au fil photo de l’agence.
Ramené à la période « toutes les années fiscales » (qui couvre la période 2008–2025), l’AFP a perçu pour un total de 9,9 millions d’euros de la part de la totalité des agences américaines pour 160 transactions. Là encore, la première place revient à l’USAGM qui a versé, sur cette période de 17 ans, un total de 9,14 millions d’euros à l’AFP. Durant cette période, comme l’a révélé l’OJIM sur son compte 𝕏, l’USAID a, elle, versé 279.255 dollars à l’AFP pour sept commandes.
L’AFP exerce son droit de réponse
Contactée par l’OJIM, l’AFP confirme que « trois agences du gouvernement américain » sont bien « clientes de l’AFP et ont accès à tout ou partie des fils texte, photo et vidéo ». « Il s’agit principalement de l’USAGM — qui supervise plusieurs médias internationaux (Voice of America, Radio Free Europe, Radio Free Asia…) — ainsi que du Department of Defense (DoD) et de l’USAID », détaille l’agence de presse.
Dans le cas précis de l’USAID, l’AFP rappelle que l’agence américaine est « cliente du fil photo de l’AFP depuis 2009 ». « C’est un contrat commercial normal », abonde-t-elle, livrant pour preuves à l’OJIM plusieurs photos créditées AFP sur des rapports publiés par l’USAID (« comme ici ou ici par exemple »).
« Plus largement, conclut l’AFP, les institutions publiques de plusieurs pays sont abonnées à [notre agence] au même titre que des médias et entreprises privés. Il s’agit donc de clients comme tant d’autres.»
D’autres financements de la presse dans le monde
Selon l’ONG Reporters sans frontières, l’USAID financerait aussi la presse dans de nombreux autres pays, à commencer par l’Ukraine. Selon RSF, l’agence a ainsi, en 2023, « financé la formation et soutenu 6 200 journalistes, aidé 707 médias non étatiques et soutenu 279 organisations de la société civile œuvrant pour le renforcement des médias indépendants ».
Une aide colossale qui devait se monter en 2025, avant le possible démantèlement ou la réorganisation de l’USAID par Trump, à « quelque 268 millions de dollars alloués par le Congrès pour soutenir “les médias indépendants et la libre circulation de l’information” » (sic).