La publication des rapports de l’OCDE bénéficie habituellement d’une large couverture médiatique. Le rapport sur le recrutement des travailleurs immigrés en France sorti fin novembre n’a pas démenti à cette règle. Une nouvelle occasion pour diffuser une vulgate favorable à la libre circulation des personnes largement répandue sur les ondes et dans la presse. Une fois de plus, la règle est plus l’uniformité et le conformisme des médias que la pluralité d’opinions sur le sujet.
L’Organisation de coopération et de développement est une organisation internationale d’études économiques financée par les 35 pays qui en sont membres. Connue pour ses positions en faveur de la libre circulation des personnes et des biens et de la flexibilisation du marché du travail, cet organisme publie des rapports nombreux et médiatisés qui contiennent des préconisations à l’attention des gouvernements.
Le 20 novembre, l’OCDE a transmis aux medias un communiqué de presse présentant son récent rapport sur l’immigration professionnelle. Sa concision avait l’avantage de la pédagogie. Il est vrai que le document complet fait 346 pages… De nombreux medias se sont concentrés sur le message le plus lisible contenu dans le rapport : la gestion de l’immigration professionnelle en France serait archaïque et entrainerait des freins à l’embauche d’étrangers.
Un bel unanimisme
Pour RFI comme Le Monde, l’OCDE pointe une « gestion archaïque de l’immigration professionnelle ». Le responsable migration de l’OCDE interrogé par RFI souligne l’obsolescence de la liste des métiers « en tension ».
Europe 1 relaie l’affirmation de l’OCDE selon laquelle « “l’impact positif” sur l’économie que peut avoir “une immigration bien gérée” ».
Sputnik consacre un des articles les plus longs du panel sur le sujet. Il résume le rapport de l’OCDE de la façon suivante : « Non, ils ne nous volent pas notre travail ».
Pour Le Figaro, L’OCDE pointe du doigt le « “déficit d’attractivité” du pays et appelle Paris à “améliorer” son système pour attirer les talents ».
La Croix retient du rapport que « l’immigration professionnelle est faible et elle comble mal les besoins du marché du travail ».
France Inter souligne « une demande croissante des entreprises pour embaucher des travailleurs étrangers mais pointe aussi deux obstacles : les lourdeurs administratives et l’aspect aléatoire des autorisations ».
Sans critiquer les recommandations contenues dans le rapport, le site RT pointe le fait que « (l’OCDE) laisse sans réponses les questions politiques que pose le phénomène migratoire dans son ensemble ». Il indique également que « selon l’OCDE, les immigrés qui viennent en France pour travailler sont minoritaires ». Ce qui vaut une « desintox » de Libération, suivie d’une réplique toute aussi sèche de RT.
Si les articles sur le rapport de l’OCDE ne prétendent pas couvrir l’ensemble du sujet, ils s’inscrivent dans un courant de pensée dominant dans les médias.
Et le pluralisme ?
Au-delà de la seule immigration de travail, l’impact positif de l’immigration sur l’économie est une évidence dans les medias mainstream au travers de quelques exemples :
Selon une enquête de L’Express, « l’immigration est toujours un sujet sensible et d’actualité. Pourtant, loin des clichés, l’immigration serait un atout économique ».
Le Monde estime que « les économistes ont un avis beaucoup plus tranché. Ils sont unanimes à estimer que l’immigration actuelle n’est en rien un danger pour l’économie européenne, même en cette période de faible croissance et de chômage élevé ».
Le site Slate s’appuie sur l’exemple américain pour en conclure que « l’immigration est une chance pour l’économie » car elle « soutient la croissance et le pouvoir d’achat ».
La Croix donne la parole à un économiste de l’OCDE pour affirmer que « l’accueil des réfugiés pèsera à court terme sur le budget de l’État, mais ils contribueront aussi à la croissance et à l’emploi ».
Le Figaro présente dans un article le point de vue d’économistes, quasiment tous d’accord sur l’impact positif de l’immigration sur l’économie.
Comme nous l’indiquions au début de la crise des migrants, sur les chaines de radio de service public, l’arrivée massive d’immigrés sur l’économie européenne est présentée comme foncièrement positive, à l’instar du message véhiculé par les autorités européennes.
De rares voix dissidentes
Seuls de rares journaux émettent des réserves et laissent une place à la prudence et à la pluralité des opinions sur le sujet. Ainsi, le quotidien économique Les Échos estime que « les outils statistiques et économiques actuels ne permettent pas toujours de conclure à un effet économique bénéfique de l’immigration ». « Les effets économiques dépendent du niveau de qualification des immigrés, de l’état du marché du travail du pays d’accueil et de bien d’autres paramètres ».
Les économistes qui s’éloignent de la doxa libérale font de très rares incursions en dehors des cercles universitaires, comme George J. Borjas évoqué par la démographe Michèle Tribalat dans Valeurs actuelles ou Robert Rowthorn dans Les Échos.
On constate une nouvelle fois non seulement une grande uniformité dans les informations communiquées sur le sujet, mais aussi le décalage entre une grande partie de la classe journalistique et la majorité de la population. Ainsi, un sondage Ipsos publié dans Le Figaro en aout 2016 présenté par BFMTV indiquait que « seules 20% des personnes interrogées estiment que l’immigration a un impact positif sur leur pays et sur leur économie ».