Exposition accessible gracieusement dans les galeries publiques de la Bibliothèque nationale de France à Paris, Pastiches de presse évoque, de sa création à nos jours, la tendance qui consiste à détourner les titres de presse dans un objectif humoristique…
Depuis la création de La Presse par Émile de Girardin, en 1836, la presse s’installe comme un objet du quotidien dans la vie des Français. Avec les développements des techniques d’impression, l’omniprésence de titres de presse allait voir émerger son incontournable corolaire : un double humoristique, le pastiche de presse.
Les pastiches à l’épreuve du passé
Issus de cercles littéraires ou artistiques, certains réseaux, à l’image des Fumistes, des Incohérents ou des Hirsutes allaient faire émerger de tels exercices de pastiches dans des journaux tels que Le Chat noir, Le Rire ou le Tintamarre. Ce n’est que plus tard, notamment en réaction à la réinstauration de la censure entre les deux guerres du XXe siècle que se développe des titres restés emblématiques dans ce registre, à l’image du Canard enchaîné qui publiera nombre de pastiches dans les années 1920. Quarante ans plus tard, les titres Hara Kiri, Actuel comme le groupe Jalons prennent le relais. Imprimés sur de grandes cimaises, près de deux cents pastiches conservés à la Bibliothèque nationale de France et présentés dans les galeries de l’institution, font par exemple revivre l’esprit de Jalons, qui créa de 1985 à 2012 des pastiches de plusieurs quotidiens et magazines.
Nature et horizon du pastiche de presse
Parce qu’il son caractère humoristique est immédiatement saisissable, notamment par l’intermédiaire des nouvelles loufoques qu’il exalte, le pastiche de presse ne peut être un « canard », un plagiat ou une contrefaçon. Pour cette fausse presse, s’offre deux possibilités : le détournement d’un journal existant ou la création d’un journal fictif, dont il s’appropriera les codes. Pour susciter le rire, il est nécessaire, nous dit l’exposition, que l’auteur du pastiche partage les valeurs du spectateur. Usant d’une typographie, de rubriques et d’ornements graphiques proches de l’original mais détournés, le pastiche peut alors susciter le rire. Tout en soulignant que de telles publications sont généralement « politiquement incorrectes », la BNF expose, avec beaucoup de correction, une couverture détournée de Valeurs actuelles. Sous le titre de Raleurs, un homme blanc d’âge mûr, casquette à l’ancienne vissée sur la tête et tablier au cou, se plaint entre autres de ce « prix des choses [qui] va encore augmenter ». Si le détournement n’est pas foncièrement malveillant, on notera que cette mise en avant du Français moyen appartient au politiquement correct autorisé.
Voir aussi : New York Times, fini de rire !
Quels pastiches pour demain ?
« À l’heure des fake news, comment le faux peut-il être un moyen d’expression ? », s’interroge les commissaires de l’exposition. Alors que se multiplient les détournements de presse sur Internet, la confusion entre les véritables unes et les pastiches se fait de plus en plus ténue. Alors que seule l’absence de confusion avec le titre original garantit à l’auteur du pastiche de faire l’objet de poursuites (en vertu de la loi sur la propriété intellectuelle de 1992), comment s’assurer que demain, ces auteurs de pastiches qui sèment la confusion sur Internet ne puissent pas être poursuivis ? Une question intéressante, dont le législateur risque de s’emparer.
Pastiches de la presse. Jusqu’au 29 octobre. Bibliothèque nationale de France. Paris XIIIe. En savoir plus : bnf.fr