Vox populi, vox Dei ? Pas pour Patrick Cohen en tout cas. Alors qu’il animait une matinale délocalisée le 29 mai à l’hôpital Georges Pompidou, avec pour invité Martin Hirsch, il n’a pas hésité à faire taire les nombreux employés de l’hôpital qui huaient le directeur général de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Entre le peuple et ses dirigeants, le journaliste n’a pas mis longtemps à choisir.
Il est 8h20 ce 29 mai lorsque Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP (75 000 agents, 7 millions de patients par an en région parisienne, Oise et Var), est interrogé en direct dans les locaux de l’Hôpital Pompidou. Alors qu’il débite un discours rassurant à l’antenne, son personnel révolté pour diverses raisons bien plus profondes que le seul sujet de l’organisation du temps du travail (rythmes de travail épuisant, moyens en baisse, réorganisations de service bâclées…) le chahute à l’antenne. La voix du peuple envahit l’espace sonore, couvrant le patron de l’AP-HP qui continue à discourir, presque déconnecté : “celles et ceux dont on entend les clameurs aujourd’hui et moi, nous avons vraiment le même souci”.
Que fait Patrick Cohen ? N’écoutant que son courage… il fait taire les manifestants en leur rappelant qu’un responsable syndical CGT pourra venir s’exprimer à l’antenne. À quoi sert la clameur en effet si un discours à la radio est autorisé ? L’acte, hautement symbolique, a fait réagir Antoine Perraud sur son blog hébergé par Mediapart : “le journalisme retrouve alors le piège et les ornières qui lui font perdre, un peu plus chaque jour, sa créance dans l’esprit public : apparaître en supplétif du pouvoir. Des pouvoirs. De tout pouvoir. Du premier pouvoir à passer par là…”
De lui-même, Patrick Cohen (qui a récemment découpé sa carte de presse par solidarité avec une autre star de la matinale Pascale Clark) place France Inter dans la filiation de l’ORTF, selon le blogueur : “Patrick Cohen, victime d’un dispositif conçu pour dévoiler autrui mais révélant brusquement soi-même, fait taire ce qui surgit, réprime l’émeute. De sa propre initiative, il agit telles les autorités qui interdirent tout direct, au Quartier latin, au plus fort de Mai-68 : la radiodiffusion française n’est pas là pour aimanter mais pour chloroformer”. Une réalité autrement plus triste, sinon désastreuse, que la grève du service public de Radio France, menée par des journalistes privilégiés alors que les castes les plus défavorisées, CDD et autres « bouche-trous » continuent à être taillables et corvéables à merci.
Crédit photo : capture d’écran vidéo France Inter