Patrick Drahi est certes plus un capitaine d’industrie dans la téléphonie (SFR, un morceau de British Telecom, d’autres, voir notre infographie) qu’un homme de médias. Mais son portefeuille médias, de Libération à BFMTV en passant par RMC, lui donne une influence significative. Et la dette colossale de son groupe pourrait le contraindre à vendre tout ou partie de son empire, dans la téléphonie comme dans le journalisme.
Combien vaut SFR ?
Le groupe Altice fait face à une dette entre 55 et 60 milliards de dettes, avec des maturations certes non immédiates (2025 et surtout 2026/2028), mais la méfiance des banques s’accroît face à un groupe affaibli par les scandales récents. Et même si la majorité de la dette est à taux fixe, les taux d’intérêt montent. Mettons que 25 % de la dette seulement soit à taux variable soit 14 milliards d’euros. Une remontée des taux de 2,5% équivaut à 350M€ d’intérêts supplémentaires par an, plus d’un milliard sur trois ans, on comprend que l’homme d’affaires ait fait du désendettement sa priorité.
Un mandat aurait été confié à la banque Lazard pour se pencher sur SFR avec une valorisation excessive de 30 milliards d’euros. En téléphonie un acteur de poids vaut de 5 à 6 fois son Ebitda, à la louche 24 milliards d’euros avec une hypothèse favorable. Mais un groupe en difficulté comme SFR ne peut valoir que 4 fois l’Ebitda soit 16 milliards d’euros. Prenons la valeur moyenne soit 20 milliards d’euros. Aucun acteur de premier rang ne prendra une participation minoritaire sans un accord de moyen terme lui permettant de devenir majoritaire plus tard et le moins que l’on puisse dire est que Patrick Drahi n’a pas que peu de respect pour les minoritaires. De nombreux départs de cadres dirigeants – volontaires pour aller voir ailleurs ou provoqués à la suite du scandale Pereira – sont enregistrés chez SFR. Le nouveau PDG Mathieu Cocq en place seulement depuis août 2022 paraît lui-même dans une position fragile. Patrick Drahi annonce vouloir récupérer 3 milliards d’euros assez vite soit entre 10 et 15% du capital de SFR. Mais une autre hypothèse émerge, en complément de la vente d’un morceau de SFR, vendre le pôle médias.
Voir aussi : Patrick Drahi, infographie
Médias, vente, pas vente ?
Comme nous l’écrivions le 15 septembre 2023 :
Altice attendrait 2 milliards de la vente de ses médias (BFMTV, RMC). Une somme excessive par rapport au résultat financier estimé, mais qui pourrait se comprendre si on inclut l’actif politique en termes d’influence. BFMTV demeure en tête des chaînes d’information en continu avec plus de 3% de part d’audience. Libération est dans un fonds pour l’indépendance de la presse où Drahi garde une influence (mais le loup Křetínský est dans la place). De son côté, L’Express dont la valeur marchande est nulle, sera bientôt à 100% dans les mains d’Alain Weill.
Au bout du bout, 3 milliards très vite pour un morceau de SFR avec une promesse de vente de plus grande ampleur plus tard, plus 2 milliards pour le pôle médias, cela permet de souffler. De souffler un peu seulement car la confiance des banques est ébranlée et Patrick Drahi pourrait connaître le sort de Jean-Charles Naouri qui a jonglé des années avec la dette du groupe Casino. Un tour d’acrobate qui s’est terminé par le démantèlement complet du groupe et l’éviction de son fondateur.
Voir aussi : Patrick Drahi, portrait